François K. l’affranchi

François K., de son vrai nom Kevorkian, est un Français expatrié à New York depuis 1975. De la disco à la drum’n’bass, il a traversé tous les courants musicaux, sans s’enfermer dans aucun. Il livre ses derniers coups de cœur musicaux dans Frequencies, un double mix plutôt techno. À 52 ans, il est l’un des grands témoins de la planète électro.

Confidences du DJ franco-new yorkais

François K., de son vrai nom Kevorkian, est un Français expatrié à New York depuis 1975. De la disco à la drum’n’bass, il a traversé tous les courants musicaux, sans s’enfermer dans aucun. Il livre ses derniers coups de cœur musicaux dans Frequencies, un double mix plutôt techno. À 52 ans, il est l’un des grands témoins de la planète électro.

RFI Musique : Depuis combien de temps vivez-vous à New York ?
François K. : Depuis 31 ans. J’ai quitté la région parisienne en 1975 parce que je voulais jouer de la batterie. En France, il était difficile de trouver des musiciens qui jouaient du jazz ou du rhythm’n’blues, ou bien qui aimaient Herbie Hancock ou Miles Davis. C’est pour cela que j’ai tenté ma chance à New York. Je ne connaissais personne là-bas, j’ai dû improviser… comme en jazz. C’était difficile car il y avait énormément de musiciens.

Vous êtes arrivé en pleine déferlante disco, et vous vous y êtes engouffré. Pourquoi ?
C’était plus facile, il y avait moins de compétition, j’ai donc essayé et cela a marché. En tant que DJ, j’ai trouvé du boulot pratiquement tout de suite, il y avait tellement de nouveaux clubs qui ouvraient, c’était la Saturday night fever. Il était pratiquement possible de faire le DJ sept jours sur sept !

Vous avez joué dans des clubs devenus mythiques, comme le Studio 54 ou le Paradise Garage…
Oh, cette grande époque n’a duré qu’un an et demi. J’ai été DJ deux fois au Studio 54 et huit à dix fois au Paradise Garage, j’y remplaçais Larry Levan quand il n’était pas là. Il y a une grande différence entre le fait d’être un DJ invité et être le DJ résident d’une soirée. C’est ce que je fais en ce moment avec la soirée Deep Space. C’est mon idée et mon concept, une soirée qui a lieu tous les lundi soir au club Cielo depuis trois ans et demi. Son originalité : on y joue du dub, pas seulement jamaïcain, mais tout ce qui est dans l’esprit dub, cosmique, planant, trippy, psychédélique… Cela peut être de la drum’n’bass ou de la musique brésilienne, comme du Jimi Hendrix ou du Derrick May.

En Europe, est-ce que l’on a tendance à diviser la musique en chapelles ?
Il y a des gens qui sont prêts à accepter ce panorama musical sans frontières, mais l’Europe n’est pas habituée à cela : c’est pratique de s’identifier à un son comme on s’identifie à une façon de s’habiller, à une mode. C’est souvent lié à une génération ou à un groupe socio-culturel. Le plus grand contraste entre l’Europe et les Etats-Unis, c’est que la house est un phénomène très afro américain, alors qu’en Europe, les blacks écoutent surtout du hip-hop.

Mais tout le monde en a marre de se faire marteler les oreilles par de la techno à 145 bpm pendant trois heures. Ce que j’essaye de faire, c’est de donner aux gens une sorte de rampe de lancement, en commençant par jouer des choses très électroniques puis en élargissant les genres musicaux. D’autres DJs font de même, Laurent Garnier par exemple en a fait une sorte de credo personnel. Ces DJs sont peu nombreux, mais ils sont à la pointe. Je n’ai pas envie que l’on m’identifie en cinq mots, je passe tous les genres de musique de danse lorsqu’elles ont un côté soul et une rythmique swing.

Comment voyez-vous les artistes français depuis New York ?
Il y a tellement de choses très différentes, entre Air, Mr Oizo ou Rinôçerôse, on en a conscience. Laurent Garnier est une des grandes figures ici, mais il ne joue plus à New York depuis une soirée Deep Space l’an dernier, parce qu’il trouve que les formalités d’entrée sur le territoire sont humiliantes. Mais nous continuons à jouer dans les mêmes soirées autour de la planète.

New York accueille-t-elle l’électro française ?
La scène new yorkaise n’est plus que l’ombre de ce qu’elle était il y a 10 ou 20 ans. Il y a moins de clubs où peuvent se produire des artistes français, rares sont donc ceux qui viennent ici. Après la naissance de la house à Chicago, la musique électronique s’est internationalisée, et donc, ses centres névralgiques ne sont plus aussi concentrés, les artistes et les DJs voyagent beaucoup plus. New York est encore une des capitales du hip-hop, mais ce n’est plus le cas pour les musiques électroniques qui se développent plutôt dans des villes comme Barcelone ou Berlin.

Vos derniers coups de cœur musicaux ?
C’est difficile à dire… Il y a des centaines de disques géniaux et les titres n’ont plus la longévité qu’ils avaient. En drum’n’bass, j’aime bien le brésilien DJ Marky, en techno Trentemøller, qui a beaucoup d’élégance, ou Nathan Fake, pour son originalité, je les ai d’ailleurs tous deux mis sur mon double CD. Nous ne sommes pas à court de bonne musique !

François K. Frequencies (2 CD), (Wave Music/Nocturne) 2006