Wise, à la croisée des chemins

Wise, groupe d'électro-jazz français, ajoute aujourd'hui une nouvelle pierre à son édifice avec Metrophone son deuxième album. Nouvelles aspirations, nouvelles ambitions, Wise continue sa progression, sans concession. Rencontre avec Robin Notte, membre du duo.

Deuxième album

Wise, groupe d'électro-jazz français, ajoute aujourd'hui une nouvelle pierre à son édifice avec Metrophone son deuxième album. Nouvelles aspirations, nouvelles ambitions, Wise continue sa progression, sans concession. Rencontre avec Robin Notte, membre du duo.

Après Electrology, premier album du groupe paru en janvier 2004, et son plébiscite commercial, plus de 10000 exemplaires vendus (dont 7000 dans l'Hexagone), Wise est parti sur les routes à la rencontre de son public. Une tournée longue de deux ans à travers la France bien sûr, mais aussi à l'étranger. Un parcours digne d'un tour du monde où le groupe traversa plus d'une quinzaine de pays, le Mexique, Haïti, le Québec, la République dominicaine… "C'était génial de découvrir d'autres cultures, des sons différents, de se confronter à un public qui ne nous connaissait pas, un public quasiment vierge de toute cette culture musicale. A Mexico, on a fait une heure de dédicaces, j'avais l'impression d'être Johnny". Au-delà de cette anecdote, Wise a mûri à travers cette aventure, offrant à ses compositions de nouvelles perspectives.

Pendant deux ans, les têtes pensantes du groupe écoutent énormément de musique, tout style confondu, et collaborent à de nombreux projets parallèles en tant que producteurs ou musiciens. Robin Notte et Julien Birot, "parce que Wise est avant tout un duo", se découvrent de nouvelles aspirations. "Avant de commencer l'enregistrement de ce nouvel album, nous nous sommes demandés ce qui faisait l'essence même de Wise. Nous en sommes arrivés à la conclusion que nous ne voulions pas refaire un deuxième Electrology, ça ne nous intéressait pas".

Format pop

Des interrogations naissent de cette réflexion et Metrophone apparaît comme le reflet de ces nouvelles envies. Sur ce disque, les compositions se rapprochent davantage d'un format pop couplet - refrain, moins d'improvisations et plus de chansons. La culture électronique y trouve aussi une place d'autant plus importante que cette musique remplit désormais leur quotidien. Les textures sonores, les sons concrets, Wise lorgne avec insistance sur le travail réalisé par des artistes comme Matthew Herbert, Murcof ou encore Boards of Canada, quelque part entre influences électronica et drum'n bass minimale.

"Revendiquer aujourd'hui un virage électro est un peu fort. Nous avons simplement voulu appuyer une direction qui nous avait fait défaut sur notre premier album. Julien et moi nous voulions nous démarquer du côté jazz traditionnel, c'est une question de goût, un nouvel état d'esprit. Nous sommes en 2006, une ère de technologie".

Une dénomination nouvelle s'impose de fait. Wise, groupe jazz-électro à ses débuts, se présente désormais comme une formation électro-jazz. La nuance peut sembler minime, elle a pourtant son importance. Les machines, les programmations, l'échantillonnage ont pris une place plus significative dans leur musique, sans toutefois lui faire perdre sa liberté. "Le secret réside dans le fait que la machine doit être et rester à ton service et non le contraire. Tout y est question d'agencement".

Plus riche, plus coloré, ce Metrophone renferme une puissance onirique et cinématographique évidente. Un disque urbain à l'image de ces grandes métropoles qui peuplent la planète, faites de concentrations culturelles, de brassages d'ethnies et de métissages en tout genre. Wise est une aventure humaine qui fédère des intérêts musicaux éclectiques. Pas moins de quatre chanteurs apparaissent sur ce nouvel opus, chacun avec une tessiture qui lui est propre. Une voix jazz en la personne de David Linx, une voix pop-rock avec Nicolas Leroux du groupe Overhead, une voix world représentée par Daby Touré et une voix rap avec Wolf. "Nous avons déjà là quatre univers différents, tout ça participe au voyage".

Plaire au plus grand nombre

La nouvelle musique de Wise offre une variation de thèmes et de tons. Loin d'être linéaire ou obscure, cette musique ose prendre des risques en se démarquant des recettes qui avaient fait le succès d'Electrology. Oublié le côté aguicheur et easy-listening des sonorités funky, écarté aussi ce côté élitiste que lui conféraient ses influences jazzy, Wise est aujourd'hui à la recherche d'émotions simples. "Dans l'absolu, nous ne recherchons pas forcément le soutien des gens qui écoutent du jazz ou de l'électronique, nous voulons plaire au plus grand nombre, à tous ces gens qui écoutent de la musique, tout simplement. Le jazz a à y gagner à utiliser des formats plus accessibles, toutefois nous ne faisons pas dans le consensus".

Les combats de chapelle n'ont pour eux jamais fait avancer les choses. Musiciens jazz de formation, ils n'entrevoient pourtant l'avenir de leur musique de prédilection qu'à travers son assimilation à d'autres courants musicaux, par une démocratisation de sa forme classique. Aujourd'hui et peut-être plus que jamais, Wise, par sa sincérité et son intégrité musicale, s'impose comme une entité fédératrice, à la croisée de ces chemins où le futur donne une nouvelle vie au passé. Quelque part entre Niels Peter Molvaer, St Germain, Bugge Wesseltoft ou Eric Truffaz, Wise ajoute une nouvelle planète innovante à cette galaxie. A Robin Notte de conclure par cet axiome éculé mais épris de vérité emprunté à sa majesté Coltrane, "il n'existe que deux styles de musique, la bonne et la mauvaise". Wise semble avoir fait le bon choix.

Wise Metrophone (Such Production / Naïve) 2006
En concert le 27/10 : New Morning / Paris (75)