Cocktail rythmique à Santo Domingo
Premier festival des Etats ACP
Vingt-cinq groupes venus de presque autant de pays se sont donné rendez-vous du 14 au 21 octobre à Santo Domingo, la capitale de la République dominicaine, dans le cadre du premier festival culturel organisé par les Etats d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP). Une forte délégation d’artistes francophones était invitée.
Juchée sur un tabouret, guitare à la main, Mayra Andrade prend le temps entre deux chansons de s’adresser au public dominicain, de parler de sa musique et du sentiment de nostalgie dont elle est imprégnée.
Derrière la jeune Cap-Verdienne, habillée par des lumières tamisées, la façade restaurée de l’Alcazar de Colon se transforme, le temps des concerts, en un décor de fond de scène de toute beauté.
C’est devant ce palais cinq fois centenaire que, pendant une semaine, s’est déroulé à Santo Domingo le volet musical du premier festival ACP. En 1975, quarante-six Etats d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique s’étaient rassemblés afin de défendre d’une seule voix leurs intérêts lors des discussions avec la Communauté Economique Européenne. Trois décennies plus tard, cette entité à vocation économique, représentant aujourd’hui 79 pays et plus de 700 millions d’habitants, a pris conscience que la culture était un secteur susceptible de contribuer à la richesse nationale et qu’il était nécessaire de la promouvoir, en se dotant entre autres d’un festival culturel pluridisciplinaire.
Si les artistes locaux, comme l’accordéoniste Francisco Ulloa, valeur sûre du merengue dominicain, ont été naturellement invités, la programmation musicale tenait surtout à refléter la diversité des pays ACP, sans pour autant se contenter uniquement de véritables têtes d’affiche. Quitte à ce qu’il y ait quelques grosses erreurs de casting, à l’exemple du Seven Stars Band des Samoas et du Jamaïcain Errol Lee, dont les prestations avaient davantage leur place dans un hôtel pour touristes que dans une manifestation à dimension internationale. L’absence de cohérence et les défaillances d’une organisation balbutiante, sont probablement quelques-unes des raisons pour lesquelles le festival ACP n’est pas parvenu à attirer les foules : la soirée la plus fréquentée n’a attirée au mieux qu’un millier de spectateurs sur la Plaza d’España, au cœur de la vieille ville coloniale.
Pour Manou Gallo, interprète et compositrice de la chanson ACP Song en 2005, le challenge est ailleurs : l’ancienne bassiste de Zap Mama a voulu essayer en live les prochains morceaux de son second album, tout juste finalisé. L’Ivoirienne installée à Bruxelles, en Belgique, semble d’abord fébrile sur scène mais retrouve très vite sa confiance en passant sa rage sur sa basse. De la nouveauté, il y en avait aussi dans le répertoire de Malouma. Très décevante au printemps lors du festival d’Angoulême –elle était alors en plein enregistrement de son nouveau disque –, la chanteuse mauritanienne a retrouvé ses fondamentaux, épaulées par de nouvelles choristes qui apportent davantage d’épaisseur à sa musique plus convaincante lorsqu’elle est énergique.
De tous les artistes invités en République dominicaine, Menwar est l’un de ceux qui a du passer le plus de temps dans les avions. Le temps fut si long pour le Mauricien qu’il n’a pas pu s’empêcher, avec ses musiciens, d’aller jouer au fond de l’appareil, au-dessus de l’Atlantique. Tout s’est accéléré cette année pour le chanteur de l’océan Indien depuis la sortie de son album Ay Ay Lolo. Si les ventes restent encore modestes, son nom revient de plus en plus souvent sur les affiches des festivals. Ses concerts ont gagné en consistance. A Santo Domingo, le public n’a pas mis longtemps avant d’être happé par le groove aux accents parfois funky de sa formation. Les 35 CDs que le groupe avait apporté avec lui sont vendus en un temps record. En coulisses, le Bélizien Andy Palacio, programmé la veille, est venu féliciter les Mauriciens à leur sortie de scène, tandis que le directeur du festival enthousiaste leur proposait de jouer à nouveau le lendemain !
Au même moment, sur la petite scène de la Casa de Teatro débutait la première jam session du festival. Dans ce cadre plus intimiste mais dans une ambiance survoltée, les percussions des Amazones de Guinée fusionnaient avec celles des Haïtiens Racin Mapou, dirigés par le chanteur tambourineur Azor. Une formule irrésistible.
Bertrand Lavaine