Montgomery, la pop pleine de chœurs

Après avoir pratiqué un rock costaud à la Nirvana pendant des années, Montgomery, jeune groupe rennais, s’est récemment converti à la pop et aux harmonies vocales. Résultat, un premier disque éponyme qui parvient à marier un savoir-faire d’origine anglo-saxonne et des textes en français, tendance surréaliste.

1er disque séduisant

Après avoir pratiqué un rock costaud à la Nirvana pendant des années, Montgomery, jeune groupe rennais, s’est récemment converti à la pop et aux harmonies vocales. Résultat, un premier disque éponyme qui parvient à marier un savoir-faire d’origine anglo-saxonne et des textes en français, tendance surréaliste.

"Je veux une place parmi les étoiles", chante Montgomery sur son premier album. À peine éclos et déjà mangé par l’ambition, le groupe rennais ? Ne pas prendre ces paroles au pied de la lettre. Les étoiles de ces jeunes pousses bretonnes ne sont pas celles de la célébrité, juste des compagnes de flâneries nocturnes, des astres qui font marcher l’imaginaire. Eux ne s’imaginent pas tutoyer la cime des charts avant l’heure. Il n’y a qu’à voir la désinvolture avec laquelle ils évoquent le présent, où pourtant tout se bouscule. Sortie du disque mi-septembre en édition chez Universal, sélection pour le FAIR au titre de l’année 2007, premiers échos élogieux concernant l’album, une tournée qui prend forme…

Ils accueillent ça en gloussant, pas indifférents, plutôt détachés. "Je pense que c’est parce qu’on a eu notre lot de désillusions, raconte Benjamin, le chanteur. On sait à quel point ce n’est pas évident de percer alors on ne se fait pas de plans sur la comète. Il suffit de regarder autour de nous : il y a des milliers de groupes, tout va à une vitesse incroyable, tout est volatile, y compris la reconnaissance. Ce qui nous porte avant tout, c’est de faire avancer notre musique. Tout ce qui en découle, ce n’est que du bonus." Sagesse et lucidité qu’on attribuera à leur déjà long parcours musical, entamé il y a dix ans.

Modèle anglo-saxon

C’est sous le nom de Sold Out, pochade lycéenne, que nos jeunes apprentis essuient les plâtres pendant six ans. À force de recycler Nirvana, les Smashing Pumpkins ou d’autres combos de la catégorie rock massif, l’envie s’effiloche et l’aventure s’éteint d’elle-même. Quand Montgomery naît en 2002, avec l’arrivée de deux musiciens supplémentaires, pas question de faire les mêmes erreurs. "En changeant de nom, on passait le cap de notre adolescence musicale, pour faire quelque chose de plus abouti. Avec Montgomery, on espère avoir digéré ces influences pour faire quelque chose de plus personnel, sans les clichés du groupe précédent."

Fini, donc, le rock qui cogne, les subtilités pop conviennent désormais davantage au dessein du groupe. Elles s’expriment notamment à travers la profusion d’harmonies vocales, qui traversent tout l’album. Un gimmick, un tic, qui a à voir avec des textes chantés en français, qu’une certaine pudeur refuse à asséner de façon brute. "On n’a pas la culture chanson française, on en écoute très peu, reprend Benjamin. On se positionne par rapport à un modèle anglo-saxon, où les voix sont des instruments à part entière. Les chœurs sont des éléments d’ambiance." Montgomery a donc mis la gomme sur les mélodies et les arrangements.

Le résultat est là, convaincant. Cet épais aggloméré sonore épuise de nombreuses écoutes avant de dévoiler tous ses recoins (outre l’empilement des voix, plusieurs claviers "à l’ancienne" apportent leur pierre à cet édifice ouvragé). La voix principale, potentiellement très puissante, ne tombe pas dans le piège du maniérisme. Les guitares sont toujours là, elles vrombissent de temps à autre, nonchalamment, façon Pavement.

Contraste

Mus pas l’obsession de ne pas se répéter, on pourrait juste objecter que les cinq se sont par trop éparpillés. Ils s’attendaient à entendre la remarque. "On est conscient que le disque part un peu dans tous les sens, et on va essayer de gommer cet aspect-là dans le prochain. Ceci dit, on a toujours aimé les disques très contrastés, qui passent d’un morceau agressif à un truc mielleux. Mais il semble que ça ne se fait plus trop. Il n’y a plus de disques comme le Mellon Collie and The Infinite Sadness des Smashing Pumpkins. Aujourd’hui, un disque de rock doit être strictement rock. On n’a pas envie de s’imposer ça."

Après une décennie passée à brancher les amplis deux fois par semaine, on comprend qu’ils chérissent leur liberté artistique. Au fait, dix ans, c’est long ? "Cela signifie beaucoup de sacrifices, notamment au niveau des études, des voyages… En fait, on ne s’est pas investi dans autre chose durant cette période." Aujourd’hui, deux membres du groupe sont surveillants dans un lycée, un autre vivote comme ingénieur du son, les deux derniers sont graphistes.

Leur opiniâtreté semble enfin payer. Adoptés par la petite communauté musicale rennaise, les projets affluent : l’un va enregistrer la musique d’un documentaire avec Laetitia Sheriff, trois autres participent à une pièce pour huit guitares d’Olivier Mellano, intitulée Pink Ice club. Ils viennent, enfin, d’enregistrer un morceau sur… Zidane, pour un projet de compilation du magazine So Foot.

Fabien Bidaud.

Montgomery (Phantomatik/Universal) 2006
En concert à Vendôme le 28 (festival Rockomotives), Poitiers le 15 novembre (Le confort moderne), Morlaix le 23 décembre (Coatelan club).