Lionel Loueke
À New York, les musiciens de jazz parlent de plus en plus de lui. À Paris, les journalistes spécialisés en disent déjà le plus grand bien. Mais qui est donc Lionel Loueke ? Un prodigieux guitariste béninois, qui sait aussi bien chanter que composer. Présentation de ce trentenaire à l’allure débonnaire, qui marche dans les pas de Richard Bona et qui se produira les 8 et 9 novembre au Sunset Jazz Club à Paris.
Le prodige du jazz
À New York, les musiciens de jazz parlent de plus en plus de lui. À Paris, les journalistes spécialisés en disent déjà le plus grand bien. Mais qui est donc Lionel Loueke ? Un prodigieux guitariste béninois, qui sait aussi bien chanter que composer. Présentation de ce trentenaire à l’allure débonnaire, qui marche dans les pas de Richard Bona et qui se produira les 8 et 9 novembre au Sunset Jazz Club à Paris.
"Classiquement, le monde occidental donne l’heure et les Africains prennent le temps. Le guitariste béninois serait-il le premier musicien africain à posséder, et le temps et l’heure ?" Même si elle s’autorise un raccourci, cette interrogation du journaliste de Jazz Notes, Philippe Condrieu, a le mérite de prendre le pouls de Lionel Loueke. Un chic type qui en tout juste trois ans et autant de disques a su dynamiter les traditionnelles frontières entre musique populaire d’Afrique de l’Ouest et art savant d’Amérique du Nord.
Il y a peu, il s’est même payé le luxe de faire la couverture de Jazziz, le mensuel de référence américain voyant en lui l’icône d’un jazz sans œillères. S’il n’est pas le premier à y parvenir, réconciliant les chansons douces de ses origines et les prouesses techniques du jazz, il est sans aucun doute celui qui aujourd’hui en propose la variation la plus subtile et la mieux maîtrisée.
Grandes écoles et musique béninoise
Guitariste fasciné très vite par les cadors du genre Wes Montgomery, Joe Pass, George Benson…, il est passé par l’American School of Modern Music de Paris, d’où il est ressorti brillamment en 1998, puis par la prestigieuse Berklee de Boston, avant de se parfaire au Thelonious Monk Institute of Jazz de Los Angeles, où il fut sélectionné par un jury qui comptait dans ses rangs Herbie Hancock et Wayne Shorter, tous deux illico béats devant tant de talent…
Bardé de diplômes, Lionel Loueke aurait pu en garder un goût pour la gymnastique de la triple croche bel et bien envoyée. Bien au contraire. S’il a fait ses classes dans le jazz, attiré entre autres par l’improvisation et l’idée de liberté contrôlée, le jeune homme a réussi à ne jamais oublier ses racines.
Il est né le 27 avril 1973, au Bénin. À la maison, la musique est une tradition familiale. "Mon grand-père était un chanteur traditionnel au village et mon père joue un peu de guitare, mais pas professionnellement. Quant à mon frère aîné, Alexis, il jouait aussi et a été mon premier prof." Il grandit ainsi, sevré de musiques à l’heure des grands orchestres, Fela en tête et la transe à l’âme. "La culture béninoise a exercé une grande influence sur moi et sur pas mal de cultures dans le monde comme le vaudou, dont les origines se situent au Bénin, avant de se disséminer dans le reste du monde, en prenant de multiples formes : Haïti, Cuba, les cultes animistes... D'autre part, j'ai aussi grandi entouré de la musique bourian, un rythme danse proche de la samba brésilienne, en plus des chants et danses traditionnels sacrés… "
Guitare et chant
C’est donc naturellement que tout jeune il entre en musique en caressant les peaux des percussions, dont il admet avoir gardé "un sens rythmique sur la guitare et une manière de déplacer les phrases harmoniques ou mélodiques". Mais c’est en adoptant la six-cordes, au virage relevé des années 1990, qu’il prend son destin en mains et sérieusement la tangente. Direction Abidjan, alors plaque-tournante de l’Afrique de l’Ouest, où il demeure jusqu’en 1994. Le temps de commencer à apprendre le métier.
Dès lors, tout va très vite. Jamais trop pressé, comme expliqué plus haut. "Quand je joue, je chante toujours. Je pense qu'il est profitable à tout musicien de chanter, cela permet de mieux maîtriser le phrasé et la respiration musicale. Trop souvent les instrumentalistes oublient de respirer."
Après avoir été sollicité par le gotha du jazz, dirigeant la manœuvre chez Terence Blanchard tant et si bien qu’il signe la moitié du répertoire du trompettiste, dialoguant fréquemment avec Herbie Hancock qui voit en lui "un musicien unique… et un humain qui a le cœur sur la main", il publie deux disques en 2005, sur deux tout petits labels. Un solo si justement baptisé In A Trance et Gilfema en trio avec ses deux compères rencontrés en 2000 sur les bancs de l’école, le bassiste Massimo Biolcati et le batteur Ferenc Nemeth. Double coup de maître pour ce quasi double mètre. L’accueil est unanime : "C’est qui cet Ovni ?"
Un troisième album
Depuis tous attendaient la suite. Les voilà enfin récompensés : Rossignol, titre éminemment symbolique du troisième opus d’un virtuose qui chante et enchante, devrait lui permettre de s’envoler encore plus haut, vers les sommets. Le concept est simple, double comme sa personnalité : "Nous l’avons enregistré en deux temps. Une première partie a été faite au Bénin, avec des titres de percussions et voix, qui sont restés comme des introductions sur le disque. Puis autour de cette thématique, nous avons développé en studio."
Pour cette heure de musiques, entre ballades nonchalantes et chorus épatants, Lionel Loueke a convié quelques fidèles, pas n’importe lesquels. Outre ses complices de Gilfema, sont du voyage : Grégoire Maret, l’harmoniciste suisse que tout le monde loue outre-Atlantique, Gretchen Parlato, une voix comme on entend peu, Cyro Batista, doux frappadingue des percussions, et Herbie Hancock, himself. Somme toute, des musiciens ouverts à toutes les bonnes aventures.
Lionel Loueke Rossignol (ObliqSound/Abeilles Musique) 2006
En concert au Sunset Jazz Club à Paris les 8 et 9 novembre.