Le big band de Claude Bolling jubile !

Créé en octobre 1956, le big band du célèbre compositeur et pianiste français Claude Bolling souffle cette année ses cinquante bougies. L’occasion de revenir sur la carrière de ce talentueux musicien, fils spirituel de Duke Ellington. 

50 ans de jazz

Créé en octobre 1956, le big band du célèbre compositeur et pianiste français Claude Bolling souffle cette année ses cinquante bougies. L’occasion de revenir sur la carrière de ce talentueux musicien, fils spirituel de Duke Ellington. 

Une rencontre avec Claude Bolling dépasse de loin les meilleurs ouvrages d’histoire du jazz. Il nous parle de la vie des clubs du quartier Saint-Germain à Paris dans les années 50 comme si c’était hier. Intarrissable sur le sujet, son récit s’interrompt parfois pour laisser place à un court silence. Comme s’il revivait la frénésie d’une période où l’activité jazzistique était particulièrement florissante et où les music halls parisiens comme le Gaumont Palace ou l’Alhambra, aujourd’hui détruits, avaient pignon sur rue. "Au départ, on jouait sans amplification dans les surprise-parties les week-ends et puis on a investi avec les copains les caves de St Germain-des-Près et les clubs du coin…" se souvient-il.

Il y avait là notamment Boris Vian avec qui Claude Bolling noua une solide amitié. Quand on vient à évoquer son nom, Claude se lève et se dirige vers son impressionante discothèque murale. Il connaît par cœur l’emplacement des disques vinyles et rapporte l’enregistrement original des Chansons possibles et impossibles, un recueil de textes composés par Boris Vian pour lequel Bolling a écrit la musique. "Il n’y pas mon nom dessus car la maison de disques à laquelle j’appartenais ne m’avait pas autorisé à l’inscrire" commente-t-il, l’oeil rieur. C’était en 1948.

Le Grand Club Orchestra

À l’époque, son activité musicale intense et son swing précis et créatif séduisent les musiciens américains de jazz classique en tournée à Paris. On le voit aux côtés du cornettiste Rex Stewart ou encore du monumental vibraphoniste Lionel Hampton. À 20 ans, pas doute, sa passion est la musique, sa vie sera le jazz.

Et le big band dans tout ça ? "C’était une idée de Frank Ténot. Il m’a confié la direction artistique d’une maison de disques, le Club Français du Disque, et m’a donné la possibilité de constituer l’orchestre de mon choix." En 1956, Claude Bolling s’entoure alors des meilleurs musiciens de la scène parisienne et forme le Grand Club Orchestra.

Un premier album est consacré aux reprises de grands thèmes de Duke Ellington. Puis vient un disque, hommage à Django Reinhardt, et un autre, dédié au jazz de la Nouvelle Orléans. Que des arrangements signés de sa main. "Tout ce que je joue, je l’ai écrit," affirme-t-il. Trois productions, synonymes d’énormes succès.

"La scène jazz de l’époque était assez diversifiée. Il y avait plusieurs big bands…" Dans la conversation, Claude Bolling a un trou de mémoire, il ne se souvient plus du nom d’un de ces orchestres. Il saisit son téléphone et appelle André Paquinet, un tromboniste qui l’a suivi depuis le début. Au bout du fil, les deux amis se remémorent les débuts de l’aventure, en chantonnant chacun des bribes de leurs thèmes fétiches.

Nostalgique ? "Oui, c’est certain. Le jazz est une musique bien spécifique. Aujourd’hui, j’entends des choses inaudibles qui s’appellent jazz mais moi je n’y suis pour rien…" se désole-t-il. Alors qu’est ce que le jazz Monsieur Bolling ? "Le jazz, c’est la musique qui a été créée à la Nouvelle Orléans et qui a été développée par les musiciens qui ont émigré à Chicago."

L'ami Duke

Spécialiste du ragtime, ce style musical syncopé à l’origine du jazz avec le blues, notre homme a accueilli dans son big band les prestations de véritables stars du genre comme le trompettiste Dizzy Gillespie. Claude Bolling parle avec simplicité de ses collaborations qui en feraient rougir plus d’un. "Nous voulions faire de la bonne musique et nous amuser avant tout. L’orchestre était heureux de partager la scène avec ces grands musiciens."

La rencontre qu’il fera avec Duke Ellington restera un moment fort de sa carrière. "J’avais obtenu un rendez-vous avec Duke, c’était au milieu des années 50,  mais j’étais tellement impressioné qu’une fois arrivé devant la porte de sa chambre d’hôtel, je suis reparti." L’occasion de serrer la main de son idole ne se représentera qu’une dizaine d’années plus tard. Enthousiasmé par le travail de Claude Bolling, Duke devient un ami. Presque un membre de la famille puisque le fils de Duke, Mercer Ellington, avait surnommé Claude, "Brother Bolling".

Au début des années 70, c’est la gloire outre-atlantique. Écrite à l’intention du flûtiste Jean Pierre Rampal, notre pianiste compose une Suite pour Flûte et Jazz Piano Trio, un album fondateur de ce que Bolling nomme la crossover music, une passerelle entre jazz et musique classique. Il restera 530 semaines au hit-parade et obtiendra les Disques d’or et de platine aux Etats-Unis et au Canada.

"Jazz history"

Aujourd’hui, ce plaisir de faire de la musique et de jouer du jazz n’a pas pris une ride. Sur fond de riffs cuivrés explosifs et aérés, le jeu de Claude Bolling transforme les touches d’ivoire en véritables étoffes de velours. Le public se régale chaque deuxième jeudi du mois,  à l’écoute de l’orchestre qui se produit au Petit Journal Montparnasse, à Paris. Claude Bolling propose une "jazz history" et revisite, d’Armstrong à Ellington en passant par Benny Goodman et Jerry Roll Morton, les plus grands thèmes du répertoire.

Au travail, Claude n’est apparement pas un tendre. "Exigeant et sévère mais juste et humainement formidable" précise sa première trompette, Michel Delakian. Boris Vian déclarait : "Écoutez Claude Bolling, réponse idéale à ceux qui vous disent :  le jazz, ce n’est pas de la musique". Le propos reste d’une criante vérité.

En concert à Paris au Petit Journal Montparnasse jusqu'au 19 décembre 2006.