Delpech <i>bis répétitas</i>

La chanson Quand j’étais chanteur n’est pas encore d’actualité pour Michel Delpech. Il est toujours chanteur. A soixante ans, dont  plus de quarante de carrière, il s’inscrit aujourd’hui au cœur des médias avec la sortie simultanée d’une biographie, d’un coffret de 100 chansons, et d’un album de ses grands succès en duo. Avec beaucoup de gentillesse et de modestie, il évoque cette aventure avec d’autres artistes, sur des titres devenus emblématiques de la chanson française.

Le chanteur revisite son répertoire

La chanson Quand j’étais chanteur n’est pas encore d’actualité pour Michel Delpech. Il est toujours chanteur. A soixante ans, dont  plus de quarante de carrière, il s’inscrit aujourd’hui au cœur des médias avec la sortie simultanée d’une biographie, d’un coffret de 100 chansons, et d’un album de ses grands succès en duo. Avec beaucoup de gentillesse et de modestie, il évoque cette aventure avec d’autres artistes, sur des titres devenus emblématiques de la chanson française.

Les tubes de Michel Delpech se défient de l’air du temps, et des modes fluctuantes de la variété. Sur les lèvres traînent ses mélodies, des chansons qui relèvent bel et bien du patrimoine hexagonal. Ses contemporains et fans de la première heure jugèrent, toutefois, des  aléas d’une vie artistique et personnelle en dents de scie. Après avoir aligné les tubes dans les années 1970, Michel Delpech traverse un désert médiatique la décennie suivante, subit les affres d’une dépression, s’embourbe dans des "rivières enchantées et diaboliques". En 2004, l’album Comme vous sonne la rédemption. L’excellent accueil critique et public augure un retour sous les feux de la rampe.

Actu

Aujourd’hui, ses soixante ans, et quarante de carrière, orchestrés avec un peu d’artifice par son label en "clin d’œil" à la sortie de son Inventaire 66, le situent au centre de l’actualité médiatique : une biographie, Michel Delpech Mise à nu, rédigée par Pascal Louvrier ; l’édition d’un coffret de cinq albums de reprises Delpech : Inventaires ; ainsi que la réinterprétation de ses plus grands succès en duo, sous la houlette du réalisateur Jean-Philippe Verdin dans un album sobrement intitulé &. La simultanéité des événements, non préméditée, juste "heureuse coïncidence", réjouit l’artiste : "Je parle tour à tour du livre, de L’Inventaire, ou bien encore de l’album de duos. C’est agréable".

C’est ce dernier qui, pour l’instant, retiendra notre attention, grâce à la tendresse et à la complicité qui émanent de ses interprètes : Souchon, Cabrel, Julien Clerc, Bénabar, Clarika, Cali ou Jonasz, débordent de générosité pour une cure de jouvence de ces chansons, redécouvertes. Entre deux albums d’inédits, Valéry Zeitoun, patron d’AZ, propose "sans idée préconçue" cette "récréation". De coups de fil en discussions interminables, ponctuées d’élans de sympathie et de désistements, se distribuent alors les cartes des interprètes idéaux.

En fond, un unique regret, soulevé avec humour: "J’aurais souhaité plus d’interprètes féminines, par soucis de parité. Mes titres s’avèrent, hélas, masculins. Je ne pouvais quand même pas interpréter La Chasseuse ! Le résultat s’est, du coup, soldé par trois quarts de mecs et un quart de femmes ". Surtout, si Michel Delpech s’enthousiasme de cet époustouflant casting, là n’est pas l’essentiel : "On ne cherchait pas des stars, mais des interprètes dans leurs souliers, bien dans leur peau, en adéquation avec la chanson."

Estime réciproque

A l’écoute, l’évidence s’éclaire : Clarika se révèle irrésistible, coquine et croustillante à souhait dans L’Amour en wagon-lit, titre élu par ses soins. Pour Wight is wight, Laurent Voulzy s'imposait. Bien sûr : "Il en possède la culture et les références ". En quête d’un interprète pour Le Chasseur ? L’idée lumineuse jaillit. Qui ferait mieux l’affaire que Julien Clerc ? Quant à Francis Cabrel : "La première fois que je l’ai entendu chanter Ma famille habite dans le Loire et Cher, c’était jouissif". Enfin, pour revisiter Pour gagner des sous, œuvre mineure, à la sauce bossa, Pierre Vassiliu, fut tiré de sa "tanière". "On ne savait même pas où il habitait. Il est arrivé par un beau jour d’été, avec son chapeau de paille."

Tout s’est donc déroulé spontanément, sans palabre : "C’était comme une manifestation de leur estime". Une admiration déjà éprouvée par Bénabar, avec lequel il interprète un somptueux Chez Laurette, lors d’un duo aux Nuits de champagne, antérieur à l’album ; ou encore une aventure poursuivie avec Cali  à l’occasion d’un récent concert à La Maroquinerie.  "A l’époque de mes tubes, tous deux avaient cinq ans. Même Cabrel ou Julien Clerc, chanteurs post soixante-huitards, n’appartiennent pas à ma génération. J’étais surpris et ému qu’ils connaissent mes titres." Il fallait pourtant, quoi qu’il arrive, trouver "ce  terrain commun où la chanson acquiert son âme.  Il y a eu un vrai travail d’échange et de sympathie, des pas effectués les uns envers les autres, chacun avec son tempérament et un plaisir partagé."

Des titres et des tubes

Le choix des titres fut, lui aussi, soumis à réflexion. "Les chansons devaient avoir un sens en duo. J’aime, par exemple, Les Divorcés, mais le partage des tâches était trop sommaire, trop évident." Demeurent les incontournables, telles Pour un flirt avec toi, réorchestrées tout en nuance, sans chercher à les tordre ou les métamorphoser, afin que le public historique les reconnaisse.

Chaque titre évoque, bien sûr, un passage de sa vie d’artiste, qui pourtant lui échappe. "Elles furent en leur temps des témoignages, mais appartiennent maintenant au répertoire collectif, sans pour autant cesser d’être miennes." Ici réside peut-être la définition du "tube". "C’est une notion instinctive. Il y a une part d’irrationnel trop grande dans le succès pour affirmer que tel ou tel titre va devenir un tube . Il faut une adéquation complète entre la mélodie, le texte, l’interprétation ainsi qu’une adaptation  à l’époque. En même temps, Wight is Wight, super datée, évoque un temps révolu. La mélodie, atemporelle, fonctionne, quant à elle. Seul le temps juge ". La sortie d’Inventaires fut enfin pour Michel Delpech l’occasion de se replonger dans son répertoire, génération par génération. Un constat rétrospectif satisfaisant : "Sans être fier comme Artaban, je suis content de l’ensemble de mon œuvre". En attendant le prochain album, le "retour en grâce" de Michel Delpech semble réussi.

Michel delpech Michel Delpech& (AZ) 2006

 Ecoutez l'interview de Michel Delpech dans Musiques du Monde