Panorama 2006 de la chanson
Beaucoup de réapparitions mais peu de nouveaux noms : en cette année 2006, la chanson française s’est quelque peu reposée sur ses lauriers. Une paresse qui ne l’a pas empêchée de donner dans la qualité. Ouf !
De Juliette Gréco à Emily Loizeau
Beaucoup de réapparitions mais peu de nouveaux noms : en cette année 2006, la chanson française s’est quelque peu reposée sur ses lauriers. Une paresse qui ne l’a pas empêchée de donner dans la qualité. Ouf !
Prenons le temps à rebours. Commençons cette rétrospective de l’année chanson par la fin. Par l’hiver et l’automne, qui ont vu défiler une série d’albums signés par des "vieux de la vieille". De grands noms de la chanson pas vus et entendus depuis longtemps (pour certains), revenus sous de nouveaux atours ou avec de nouvelles collaborations (pour d’autres).
En décembre, Françoise Hardy revenait après deux ans d’absence avec Parenthèses. Un disque de duos au casting prestigieux : Alain Bashung, Alain Delon, son mari Jacques Dutronc, Julio Iglesias, Alain Souchon, Henri Salvador, Arthur H, Maurane, Benjamin Biolay... Peu avant, Juliette Gréco s’était, elle, amusée à reprendre des airs ultra-connus sur Le Temps d’une Chanson : Mathilde de Brel, La Chanson de Prévert de Gainsbourg, Avec le temps de Léo Ferré… Mêmes deux classiques de la variété américaine (Over the Rainbow) et italienne (Volare), chantés en VO ! En tout, douze titres à l’orchestration méticuleuse enregistrés à New York avec des pointures du jazz : les saxophonistes Michael Brecker et Joe Lovano et le trompettiste Wallace Rooney.
Dans un tout autre registre, Brigitte Fontaine nous faisait découvrir fin novembre le "baroque’n’ roll" avec un seizième opus baptisé Libido. Clavecins, piano, pluies de cordes baroques, textes loufoques et libertins… La chanteuse s’est ancrée dans un nouvel univers – coloré et provoquant - qui lui sied à la perfection. Tour à tour badine (Comme dans un film de la Metro), grave (Elvire), rockeuse (Cul béni), elle tient la forme ! Areski Belkacem (qui a arrangé tout l’album), ainsi que M et Vincent Segal (qui ont collaboré à la plupart des chansons), peuvent s’en féliciter. Une semaine avant, c’est Jacques Higelin, frère de cœur de Brigitte Fontaine, qui recevait les honneurs de toute la presse. Il faut dire que le fantasque troubadour n’était pas retourné en studio depuis 8 ans. Attendu au tournant avec Amor Doloroso, il n’a pas déçu. Revenant avec une série de petits bijoux musicaux tantôt grivois, engagés, mélancoliques… Tous profondément poétiques. Quel plaisir de retrouver Higelin philosopher, siffloter et s’érailler la voix !
Les fans de jazz ouaté et de bossa-nova à la française ont eu, eux, le bonheur de retrouver Henri Salvador en octobre. A l’occasion d’un disque évènement en partie façonné au Brésil avec des sommités de la bossa-nova. Intitulé Révérence, il nous disait au passage que, à défaut d’arrêter les disques, le crooner de 89 ans quittait la scène. Son label laissant quand même entendre qu’un ultime concert aurait lieu à l’occasion de ses 90 ans en juillet prochain…
Mais quittons à présent l’automne pour la fin de l’été et la rentrée 2006, qui fut aussi celle de la "nouvelle chanson française", avec le retour de Vincent Delerm et de Jeanne Cherhal. Avec ses Piqûres d’araignée, le premier innove peu, sauf en laissant dans ses textes le présent reprendre le pas sur le passé. Mais, au niveau du ton, mêmes les mordus sont un peu lassés. La Nantaise, elle, prend plus de risques. Donnant à L’eau – son troisième album – un son pop des plus intéressants. Tournant le dos aux historiettes du quotidien, elle opte pour des paroles plus abstraites ou plus engagées (On dirait que c’est normal, sur l’excision). Toutefois, le quotidien semble encore avoir de beaux jours devant lui. Un petit détour aussi par le remarqué Malidor de Franck Monnet et le remarquable Le sacre des lemmings de Tété. Avec Rose, Adrienne Pauly et Renan Luce - qui ont sorti leurs premiers albums cet année – la relève est assurée. Peut même du côté du Québec avec le jeune et talentueux Pierre Lapointe.
En attendant, les aînés sévissent toujours. Tel Jean-Louis Murat, qui nous emmenait passer la fin août à Taormina. Entouré de guitares, bercé par sa voix forte et sensuelle, saisi par ses textes torturés… On en était revenu tout étourdi. Ebahi une fois de plus par l’énergie et la prolixité du chanteur aux yeux aigue marine. Autre moment fort de l’année, la sortie en mars de L’Horizon de Dominique A. Un septième album qualifié de "pointilliste" et de "moelleux" par son auteur : plages de plus de sept minutes, touches de cuivre ici et là, textes au goût d’espace, de mer et d’ouverture… La perfection n’est pas loin. La révélation de l’année non plus, puisqu’elle éclot en février sous le joli nom d’Emily Loizeau. Les oreilles découvrent alors le son bien particulier - à la fois brut et soyeux - d’A l’autre bout du monde. Entre voyages, récits d’enfance et digressions mélancoliques, la trentenaire inconnue au bataillon réussit sans mal à nous faire embarquer dans son univers folk. Gageons que cette jeune fille audacieuse (elle a réalisée elle-même ce premier disque, par ailleurs signé chez le mythique label Fargo !) saura ne pas se faire oublier en 2007.