Panorama 2006 : musiques des îles et du Maghreb

Qu’ont en commun Biyouna, Lo’Jo, Menwar et Belo ? Ils font partie de ceux qui ont marqué l’actualité des musiques du monde cette année et qui ne viennent pas d’Afrique subsaharienne. Si vous avez manqué quelques épisodes, RFI Musique vous propose une séance de rattrapage intensif sur la production discographique en 2006 des artistes des Caraïbes, du Maghreb, de l’océan Indien et de la France métissée.

Voyager en musique

Qu’ont en commun Biyouna, Lo’Jo, Menwar et Belo ? Ils font partie de ceux qui ont marqué l’actualité des musiques du monde cette année et qui ne viennent pas d’Afrique subsaharienne. Si vous avez manqué quelques épisodes, RFI Musique vous propose une séance de rattrapage intensif sur la production discographique en 2006 des artistes des Caraïbes, du Maghreb, de l’océan Indien et de la France métissée.

Tout avait commencé dans une ambiance d’anniversaire : en janvier 2006, le raï fêtait les vingt ans de son arrivée en France. Quatre mois plus tard, il perdait sa mère : Cheikha Rimitti. La chanteuse algérienne, âgée de 83 ans, était encore sur scène le 1er mai lors de la trentième édition du Printemps de Bourges. Celle qui répétait à l’envi que la jeune génération – Khaled en tête – avaient pillé son répertoire sans jamais rien lui rendre était enfin en passe d’obtenir cette reconnaissance internationale historiquement et artistiquement méritée grâce à N’ta Goudami, dernier album d’une carrière qui en compte plusieurs centaines ! Pour Cheb Mami, de 43 ans son cadet, tout est allé beaucoup plus vite. Le natif de Saïda a depuis longtemps marié le raï à toutes les musiques, pour mieux le faire connaître. Avec succès. S’il avait convié Zucchero, Sting ou Ziggy Marley sur Du Sud au Nord en 2004, il a fait cette fois le voyage vers Le Caire pour y enregistrer Layali et provoquer la rencontre du Maghreb et du Machrek, au nom d’une pop panarabe. Mais les récents déboires du chanteur avec la justice française pourraient retarder son retour sur le devant de la scène.

L’Egypte est aussi très présente sur Diwan 2 de Rachid Taha, avec des reprises d’Oum Khalsoum et d’Abdel Halim Hafez, accompagnées par un ensemble de cordes cairote. On retrouve également sur ce disque au goût d’antan quelques classiques du répertoire oriental ainsi qu’une version d’Agatha du Camerounais Francis Bebey. Fidèle à lui-même, l’ex-Carte de Séjour ne se fixe pas de barrière, pas plus que sa compatriote Biyouna, comédienne que l’on a découvert en tant que chanteuse en France cette année avec Blonde dans Casbah. Très populaire dans son pays, l’Algéroise a séduit le manager de Jane Birkin qui lui a proposé un disque entre chaâbi et chanson française. Autre révélation venue d’Algérie en 2006, Akli D apporte un peu d’air frais à la chanson kabyle avec Ma Yala, réalisé par Manu Chao, qu’il va avoir l’occasion de promouvoir dans d’autres pays en participant à la tournée African Soul Rebels avec Ba Cissoko et Femi Kuti.

Océan Indien

Pour les musiques des îles de l’océan Indien, 2006 restera à coup sûr un bon cru. D’année en année, la place qu’occupent les artistes de cette partie du monde semble s’élargir. En moins d’une décennie, Salem Tradition est devenu une des valeurs sûres du maloya réunionnais, lequel a tendance en ce moment à se conjuguer au féminin. Après la sortie de son troisième album baptisé Fanm ("femme", en créole), la formation dirigée par Christine Salem s’est envolée vers le continent africain pour y donner une dizaine de représentations de sa création La Route des Tropiques avec le groupe nigérien Mamar Kassey. Sur la liste des grands voyageurs, Régis Gizavo figurerait certainement dans les premiers rangs : entre deux tournées, avec Cesaria Evora ou Mano Solo, l’accordéoniste stakhanoviste malgache a toutefois trouvé le temps d’aller quelques jours en studio avec son complice David Mirandon et le guitariste Zimbabwéen Louis Mhlanga pour enregistrer Stories, un disque de toute beauté. Le musicien de la Grande Île intervient également sur Mgodro Gori, le troisième album de Mikidache, qui a lui aussi quitté l’océan Indien – il vient de Mayotte – pour s’installer à Paris. Lauréat du concours 9 Semaines et 1 Jour et donc finaliste de la sélection nationale pour l’Eurovision 2006, le chanteur guitariste mahorais est en train de prendre une autre dimension, en particulier sur le plan vocal, en s’attachant les services d’Yvon Rakotonanahary, ancien membre du trio Senge.

Si Mikidache avait remporté le prix RFI Découvertes RFI en 1999, Davy Sicard avait été récompensé en 1995 par le Prix RFI Médias-Adami alors qu’il faisait partie des College Brothers. Plus d’une décennie plus tard, le Réunionnais attachant réalise un superbe coup en parvenant à convaincre une major du disque de commercialiser Ker Maron, un disque de "maloya kabossé" qui reflète la sensibilité à fleur de peau de l’artiste. Mais la véritable découverte de l’année vient de l’île Maurice : à 50 ans, après de nombreuses tribulations, Menwar a trouvé la formule idéale avec son groupe Sagaï, concrétisée sur Ay Ay Lolo. Sa musique inspirée du séga l’a propulsé sur le circuit international. Le percussionniste mauricien a terminé son année en trio au festival Africolor. Il s’y produisait en première partie de Michto Maloya, spectacle réunissant le guitariste Titi Robin – dont le CD live Anita est sorti en novembre – et le Réunionnais Danyel Waro, grand maître du maloya.

L’inlassable militant de la cause créole a multiplié les projets au second semestre 2006 : un sixième album, Grin n Syèl, sur lequel Samy Pageaux-Waro fait ses débuts officiels aux côtés de son père, puis une rencontre en Martinique au mois d’octobre avec les maîtres du bèlè. Cette musique traditionnelle héritée du temps de l’esclavage continue d’inspirer de jeunes artistes, à l’image de Valérie Louri. L’ancienne danseuse a pris l’option d’un accompagnement essentiellement acoustique sur son premier disque Bay Lanmen. En Guadeloupe, loin du zouk ou du ragga qui connaît un remarquable essor avec Krys et Admiral T, la sensation a pour nom Soft. Ce quartet ouvre une nouvelle voie avec Kadans a péyi-la, entre jazz et gwo ka. Un détour par Haïti et le Prix RFI Découvertes remis cette année à un jeune auteur compositeur interprète, Belony Murat, alias Belo. Un seul album à son actif, Lakou trankil, et sa popularité ne cesse de grandir sur son île, et bientôt hors de la Caraïbe.

France métissée

Ce tour du monde, qui enjambe volontairement l’Afrique, ne serait pas complet sans revenir en France métropolitaine. Non à Paris, souvent considérée comme la capitale des musiques du monde, mais à Mûrs-Erigné. C’est dans cette petite ville du Maine-et-Loire que se retrouvent les membres de Lo’Jo. La tribu nomade de Denis Péan y a enregistré le fruit de ces dernières aventures de par le monde : Orient, Occident, Afrique… Autant de sonorités qui composent un joyeux Bazar Savant, à la fois d’ici et d’ailleurs. De la musique du monde, tout simplement.