Zazie dresse son Totem
Deux ans et quelques mois après Rodéo, Zazie revient avec Totem, album peut-être moins ouvertement électro mais tout aussi introspectif. Avec, cette fois-ci, plusieurs titres qui évoquent ouvertement une rupture amoureuse. Mais elle se défend : "Toutes mes chansons ne sont pas autobiographiques".
Zazie sera l'invité de l'émission Musiques du monde jeudi 15 février : + d'info
Un sixième opus plus "cash"
Deux ans et quelques mois après Rodéo, Zazie revient avec Totem, album peut-être moins ouvertement électro mais tout aussi introspectif. Avec, cette fois-ci, plusieurs titres qui évoquent ouvertement une rupture amoureuse. Mais elle se défend : "Toutes mes chansons ne sont pas autobiographiques".
Zazie sera l'invité de l'émission Musiques du monde jeudi 15 février : + d'info
RFI Musique : Totem après Rodéo, vos titres d’albums sont d’inspiration très Far West…
Zazie : C’était ma première idée, mais je voyais déjà les phrases : "Après les cowboys, les Indiens". Alors j’ai pensé à Jet Lag, mais "jet", ça fait jet-set et il n’y a que les gens qui prennent l’avion qui savent ce qu’est le jet lag. Hors phase m’a tenu un moment, mais on m’a dit que c’était un peu tristounet et du coup, je suis revenue à Totem. Totem, à prendre comme un mot magique, dans lequel on met ce qu’on veut. J’y mets vaguement l’idée d’une sculpture dressée à un idéal de vie, à une construction intérieure, à tout ce qu’on veut de "mystico-flou". Ça m’arrange que ce soit flou parce que j’aime bien les mots flous, surtout si ce sont des titres d’albums. On sait que ce n’est pas ça qui va faire la différence et que les gens peuvent y mettre leurs trucs à eux. C’était pareil pour Zen : j’avais une idée plutôt précise et les gens l’ont pris comme ils voulaient.
Comment écrivez-vous vos textes ? Dans l’instant, sur le vif de l’émotion ou après un temps de décantation ?
J’écris sur la chanson, après que la musique soit faite, et j’écris la nuit, sur le rêve plus que sur la réalité vécue du jour même ou de la semaine précédente. Ça peut se faire parce que, quand on est en écriture, on est dans un état où tout ce qui est vu et vécu est recyclable – vitrine, pub, crotte de chien, scooter, fille, amant… C’est un état dans lequel on ne dort pas beaucoup, dans lequel on écrit la nuit, un état un chouïa périlleux. Ce n’est pas la révolution, mais on est un peu décalé. Dans l’inspiration, il y a des sensations et je cherche une seule chose – pas deux –, l’émotion. Et cette émotion, je la trouve plus dans les choses pas gaies. La faille, le relief, l’aspérité, le truc qui cloche... Le point de départ, c’est souvent moi. Mais pas toujours, même si ce que je connais le mieux, c’est quand même moi-même… Comme je ne veux pas être dans l’indécence totale, quand je trouve qu’il y a un truc qui cloche dans la société, je mets "je" parce que je trouve plus honnête de m’inclure dedans que de me mettre à côté.
Les derniers mots de cet album, à la fin de la chanson Vue du Ciel, sont très beaux : "Je suis un garçon manqué / Qui va finir en beauté".
On me dit que c’est une chanson sur la mort. Pas du tout – ou alors ce qu’on appelle la petite mort. En fait, c’est une chanson sur le câlin. C’est marrant de faire une chanson joyeuse et un peu floue sur le septième ciel… Un garçon manqué, c’est ce qu’on a dit sur moi, ce que j’ai dit aussi sur moi. Je l’ai vécu : mon but était de devenir un garçon. Après, quand un garçon me prenait par l’épaule et me disait : "il faut que je te dise un truc", mon cœur battait en me disant qu’il allait m’embrasser. Mais il me disait : "qu’est-ce que tu penses de Géraldine ?", et le rêve tombait en morceaux. Je voyais bien qu’il fallait que j’arrête d’être leur pote parce qu’ils n’allaient jamais m’embrasser. Ça m’a pris un bout de temps de réaliser que mon côté garçon manqué pouvait être aussi, sinon une séduction, du moins une manière d’être, y compris hétérosexuelle. Une manière d’être comme je suis et que, à la fin, ça fasse une fille bien.
Comment avez-vous travaillé aux compositions avec vos complices Jean-Pierre Pilot et Philippe Paradis ?
C’est la même équipe que Rodéo, mais pas le même matériel. Pour le premier, nous avions une centrale nucléaire pour faire de la musique, avec un nombre de boutons à tourner joyeusement intéressant. Ce qui explique le côté un peu sophistiqué électro de Rodéo. Pour celui-là, on avait le matériel de base : moi mon CP70 (un piano électrique de Yamaha), Jean-Pierre Pilot un deuxième CP70, Philippe Paradis une guitare acoustique et une guitare électrique et puis une boîte à rythmes toute petite pour faire boum tjiii poupoum quand on avait vraiment besoin d’un soutien. Et, quand on a enregistré, on a rajouté une guitare électrique. Il y a très peu de boucles, très peu d’ordinateurs. Deux raisons à cela : on a plus envie de se marrer sur scène et c’est beaucoup plus élastique et simple que d’avoir une usine à gaz qui tourne sans qu’on puisse manger un temps ou une mesure. Et aussi parce que sur l’album, on voulait un truc un chouïa plus frontal, plus "cash". Nous étions toujours avec tous les musiciens dans la pièce. J’ai joué du piano sur les deux tiers de l’album, ce que je fais très peu, d’habitude.
Zazie Totem (Mercury/Universal) 2007
En tournée à partir du mois juin, avec des concerts au Zénith de Paris du 13 au 15 juin.