Le rock candide des Plastiscines
Depuis un an, le microcosme parisien se réjouit du retour du rock comme préoccupation majeure des lycéens, à travers une scène balbutiante mais fortement médiatisée, appelée "les baby rockers". À l’heure de la professionnalisation, les filles des Plastiscines semblent les mieux armées pour donner un sens à cet effet de mode.
Baby rockeuses, comme des grandes
Depuis un an, le microcosme parisien se réjouit du retour du rock comme préoccupation majeure des lycéens, à travers une scène balbutiante mais fortement médiatisée, appelée "les baby rockers". À l’heure de la professionnalisation, les filles des Plastiscines semblent les mieux armées pour donner un sens à cet effet de mode.
Les baby rockers parisiens vont avoir fort à faire pour asseoir leur crédibilité : province et grand public pourraient rester circonspects devant ces groupes immatures, marquetés comme tels. Ces groupes qui, par ailleurs, semblent bénéficier de connexions avec les médias qui peuvent ressembler à de la collusion ! Résumons l’affaire : un mensuel spécialisé historique, découvrant que les ados des beaux quartiers de la capitale prennent à nouveau des guitares et délaissent le binôme hip hop / électro pour aligner les trois accords éternels, monte en épingle cette scène de rockers lycéens. Au point d’accorder récemment à Naast, emblème auto-proclamé du genre, une couverture pour un premier album. Honneur que n’eurent en leur temps ni Téléphone, ni Trust, ni Indochine, ni Noir Désir, ni Louise Attaque, qui tous ne débarquaient pas pourtant avec un album dont la durée n’excède pas vingt-cinq minutes !
Trois accords
Dans ce jeu, les quatre filles des Plastiscines, moyenne d'âge dix-neux ans, outre leurs frais minois, ont des arguments à faire valoir. A commencer par un nom qui fait référence aux Beatles : "C’est dans le texte de Lucy In The Sky With Diamonds, on l’a choisi parce qu’il sonnait bien. On ne savait pas alors qu’il y avait d’autres groupes nommés comme ça". Vérification faite sur le web, il existe des Plastiscine(s) à Lyon, en Belgique, et dans le New Jersey ! L’Internet est pourtant le dénominateur commun à tous ces groupes de teenagers. "On se réfère à des groupes comme Blondie, les Slits ou The B 52’s parce qu’on les a découverts par le Net. L’une d’entre nous a des parents qui avaient ce genre de disques à la maison, mais l’Internet, c’est par là qu’on fait notre culture. Une découverte en amène une autre, c’est facile."
C’est par ce média cher à cette génération que le rock est d’ailleurs redevenu d’actualité. "On a commencé à s’y intéresser avec la vague des nouveaux groupes comme The Strokes ou les Libertines. Ça nous a donné envie de prendre des guitares. On était très jeunes, on n’a pas eu la tentation de se diriger vers l’électro, comme la génération précédente. Avec les Strokes, ça paraissait facile : trois accords, et l’on pouvait faire une chanson. Louise nous a rejoint quand les Naast nous l’ont présentée à un concert des Libertines. On n’avait même pas réfléchi à chercher quelqu’un pour jouer de la basse !"
LP1, le premier album des Plastiscines, est un condensé de candeur qui convoque les mannes des Shangri La’s pour les années 1960, des Runaways pour les années 1970, des Go Go’s ou des Bangles pour le début des années 1980. Une quasi-tradition de combos féminins, soucieux d’esthétique néo-sixties, mais rarement représentée sous nos climats (Les Lou’s à l’époque punk, Les Calamités au milieu des années 1980, mais elles avaient UN batteur !). "On n’a pas l’impression de faire une musique rétro. On a un côté très sixties, ou punk, mais on ressent ça comme de la musique d’aujourd’hui."
Carrière accélérée
Avec treize chansons ramassées en vingt-six minutes, LP1 allie la candeur à l’urgence, comme un effet miroir de cette carrière accélérée. "On comprend que des gens puissent être jaloux, trouver que tout va trop vite, ou qu’on est pistonné. Mais en fait, on a connu toutes les étapes. On les a juste vécues plus vite que d’autres. On a commencé à jouer dans un bar, lors de soirées, puis dans les clubs, et on s’est retrouvées au bout de quelques mois en première partie d’Indochine, devant 9000 personnes ! Puis on a signé chez Virgin et on a fait l’album en deux semaines."
Ce court répertoire contient, entre autres, une perle qui évoque les ingénues "gainsbouriennes", Zazie fait de la Bicyclette. "C’est venu comme ça. On l’a écrite sans chercher à faire quelque chose qui ne nous correspondait pas. Au début, on ne pensait même pas la mettre sur le disque, et puis finalement, elle y a trouvé sa place. Notre son est plutôt garage, plus énervé, mais on montre qu’on peut prendre d’autres directions. Ce qu’on fera peut-être à l’avenir. Comme on aime bien les Slits, on essayera peut-être le reggae !"
Les Plastiscines bénéficient, pour ça, de l’ombre tutélaire de Maxime Schmitt, producteur qui a sur sa carte de visite Ici Paris, Dutronc, Taxi Girl, Kraftwerk et le magnifique Chat Bleu de Mink DeVille… "Il nous a surtout appris à travailler. Au début, on ne savait pas comment écrire une chanson qui tienne debout, il nous a cadré, mais sans jamais toucher à notre couleur. Il a su garder intacte notre fraîcheur. C’est quand il a commencé à s’intéresser à nous qu’on est devenu plus sérieuses. Au début, on faisait ça pour s’amuser."
S’amuser reste d’ailleurs le maître mot de l’aventure. Quand on évoque le discours de leur quasi contemporaine Diam’s, elles restent interloquées. "On ne connaît pas vraiment en profondeur… Ce qui est sûr, c’est qu’elle écrit sur les filles, et que nous sommes aussi des filles. Mais on n’est pas dans le même univers : ses textes sont plus politiques, il y a de la révolte. Nous, on exprime autre chose." L’innocence originelle du rock’n’roll, peut-être ?
Les Plastiscines LP1 (Virgin) 2007
En concert le 6 mars à La Boule Noire, à Paris.