Youssoupha

Youssoupha représente-t-il un nouvel espoir pour le rap dit "conscient", ou est-il simplement le nouveau MC qui compte sur la scène française ? En tout cas, son premier album est très attendu. Rencontre avec un artiste prometteur.

Conscience noire

Youssoupha représente-t-il un nouvel espoir pour le rap dit "conscient", ou est-il simplement le nouveau MC qui compte sur la scène française ? En tout cas, son premier album est très attendu. Rencontre avec un artiste prometteur.

À chaque frère, qui sortira mi-mars, va révéler au grand public Youssoupha. Un rappeur au flow limpide et aux rimes sensées, dont le style accessible ne signifie pas qu’il a fait l’impasse sur les sujets de société les plus polémiques. Citant les leaders noirs africains (Patrice Lumumba) et américains (Malcolm X et Martin Luther King) dans One Love, dissertant sur la rue dans Macadam, Youssoupha ne manie jamais l’anathème et s’interdit le parler cru. Du rap de qualité sans insultes ni argot indéchiffrable ? C’est possible avec Youssoupha, peut-être aussi parce qu’il est le fils d’un seigneur de la musique africaine, Tabu Ley Rochereau, dont il a hérité du charisme et de la prestance.

RFI Musique : Quel a été ton parcours personnel avant de devenir rappeur ?
Youssoupha : Je suis né à Kinshasa, et ma mère est Sénégalaise. Mon père est un grand chanteur de variétés congolaises, Tabu Ley Rochereau. J’avais un peu envie de faire de la musique quand j’étais au bled, mais j’étais timide et là-bas, c’est la rumba qui fonctionne donc il faut apprendre à jouer de la guitare, de la batterie, à chanter… À dix ans, je débarque ici. Ma mère m’avait envoyé en France chez ma tante pour faire mes études. C’était le parcours préféré des Africains dans les années 1980/1990, les études. Maintenant on vient juste pour s’en sortir, il n’y a même plus de prétexte. J’arrivais plein d’espoirs, et on s’est retrouvé dans un foyer. On a fini par avoir un HLM à Cergy, en région parisienne. J’y ai grandi mais dans ma tête, j’étais en transit. J’ai eu envie de rapper parce que je kiffais l’écriture. Dans le rap, pas besoin de solfège, tu kickes avec tes potes. Le rapper Diable Rouge était le meilleur ami de mon frère et j’ai grandi en le voyant rapper, il m’a un peu coaché au début. J’ai monté un premier groupe en 1998 avec mon cousin de Belgique, Les Frères Lumière. Une fois les études achevées, le marché du travail ne répondait pas et celui du rap, si. J’ai fait le projet Bana Kin avec Philo et Sinistre, un mélange de rap et de musique africaine. Ça m’a donné une envie de malade de continuer dans les studios parce que j’ai pris du plaisir à faire des titres, à écrire des textes.

Qu’est-ce qui t’a amené à être signé sur une major en ces temps où les signatures hip hop se font rares ?
Déjà la conjoncture, qui fait que les maisons de disques attendent de voir le retour de la base pour les nouveaux artistes. Avant, ils prenaient des inconnus et leur montaient une crédibilité. Maintenant, ils regardent les retours du public et de la rue sur les Street CDs. Et avec moi, ils se sont dit qu’en plus j’étais "startable" sur des réseaux plus larges parce que - c’est ce qu’ils disent - j’écris bien. C’est articulé et c’est un message accessible.

On avait déjà remarqué sur ton Street CD Eternel recommencement que tu employais très peu d’argot…
Moi-même, je le remarque par rapport à ce que j’entends d’autres rappeurs. Dans le rap d’aujourd’hui, il y a beaucoup de choses qui ne parlent qu’à nous. Les thèmes sont souvent nombrilistes. Je ne renie pas, c’est mon milieu, mais je constate qu’il faut avoir les codes, le lexique, avoir vécu en cité depuis longtemps pour comprendre le délire. Moi j’essaie d’ouvrir le truc en choisissant un style accessible pour qu’on se comprenne.

Une chanson t’a fait connaître, Anti-Vénus, une réponse au Vénus de Diam’s…
J’étais chez ma tante, je matais le DVD de Diam’s et je me suis dit que ça serait mortel si un rappeur faisait une version masculine de cette chanson. J’ai écouté son style pour voir comment elle posait et j’ai calqué son flow en mettant des mots d’homme sur une situation inversée, un mec qui se fait tromper par sa femme. C’était super facile, j’avais l’impression de remplir des cases ! Tout est bien rangé chez Diam’s, donc c’est plus facile de remettre les meubles. J’ai emménagé. Le street CD partait en fabrication deux jours après, on a reculé le pressage. Certains pensaient qu’elle allait mal le prendre, mais j’ai parié sur son intelligence et j’ai pris le risque. Elle a eu mon numéro, elle m’a appelé et elle m’a proposé qu’on le fasse ensemble, elle adorait. Et humainement, ça s’est super bien passé. On a fait l’émission de Thierry Ardisson 93, Faubourg St Honoré ensemble avec elle au piano. Elle connaissait le texte par cœur. C’est une meuf en or, une boulette de fille ! Elle kiffe le rap, elle me soutient régulièrement. On a prévu de faire un morceau ensemble.

Youssoupha À chaque frère (Hostile Records/EMI) 2007
Concert en première partie de Method Man le 8 avril à l'Elysée Montmartre à Paris