Mano Solo le jardinier
A deux pas du périphérique parisien, il s’amuse à faire pousser carottes et radis. Lui qui n’a pas spécialement la main verte s’enthousiasme à voir grandir aussi vite ses légumes. Dans son jardin, Mano Solo a également laissé germer In the Garden, son nouvel album. Terreau intime pour compositions à grande gueule, qui raviront les fans. Bien avant les Saintes Glaces, le Celcius avoisine le zéro en cette fin mars. L’interview se passera donc dans sa salle de répétition, face au jardin.
In the garden, 9e album
A deux pas du périphérique parisien, il s’amuse à faire pousser carottes et radis. Lui qui n’a pas spécialement la main verte s’enthousiasme à voir grandir aussi vite ses légumes. Dans son jardin, Mano Solo a également laissé germer In the Garden, son nouvel album. Terreau intime pour compositions à grande gueule, qui raviront les fans. Bien avant les Saintes Glaces, le Celcius avoisine le zéro en cette fin mars. L’interview se passera donc dans sa salle de répétition, face au jardin.
Pourquoi avoir appelé ce nouveau disque In the Garden ?
C’est ici qu’on a redémarré de rien. La fin de la tournée des Animals a été pénible pour moi. Mon groupe était trop gros, trop difficile à manipuler. Les musiciens ne voulaient pas changer leurs habitudes, même la liste des morceaux était figée. Je m’étais rendu compte que j’avais moi-même créer un truc qui ne me plaisait pas. Tellement persuadé d’avoir envie d’un gros groupe pour faire des concerts qui déménage. Et c’est vrai, je les ai rendus ouf les gens, ils bondissaient dans tous les sens mais ils ne m’écoutaient plus. J’étais même vexé à certains moments, de voir qu’ils s’éclataient pratiquement sans moi.
Du coup, vous avez choisi une formation un peu particulière : un pianiste, une guitare, un accordéon…
C’est une formation tango finalement. Dans la Marmaille nue, mon premier groupe, il n’y avait pas de batteur. Après, je me suis fait avoir par les moyens qu’on m’a donnés. Je ne me vois pas faire du punk sans basse/batterie mais pour toutes les autres musiques on s’en passe très bien. Ça t’oblige à sortir des sentiers battus. Là, les trois musiciens se retrouvaient un peu à poil, obligés de donner autre chose. Dans l’espace sonore, il y avait beaucoup de place, on a du recréer les autres instruments. J’essaie d’en arriver à sous-entendre les choses, que notre cerveau fasse la suite des arrangements. Je ne te dis pas qu’on est en train de faire un truc génial ou super original, mais c’est une musique équilibrée qu’on va pouvoir faire vivre partout. On est revenu à quelque chose d’humain et de mélodieux.
Vous avez produit l’album seul, ça s’est passé comment ?
Je suis allé voir ma banque. Je leur ai dit : "J’ai une belle maison, je vous la laisse en garantie, vous me faites un prêt et moi je produis mon disque." Elle m’a avancé 130000 euros pour la production, la fabrication et la promotion. On retrouvera nos ronds autour de 50000 albums vendus.
Vous aviez lancé une souscription, ça a marché ?
C’était un test. Je l’ai fait pour montrer aux gens qu’il fallait arrêter les discours sur la supposée complicité des artistes avec leur public. Je pense qu’il n’y a pas d’artiste de ma catégorie avec autant de proximité avec son public sur Internet. J’y passe ma journée des fois ! Et pourtant un type comme moi qui vends entre 70000 et 150000 albums à chaque fois, j’ai réuni 2 600 souscripteurs. Ce qui est que dale. Ça ne m’aurait pas permis de faire mon album. Ce truc, c’est la démonstration que tous les gens qui n’ont pas la niaque comme moi, ils vont crever direct. Et pourtant moi je suis un sacré opportuniste !
2600 personnes qui envoient de l’argent, sans savoir ce que ça va devenir, c’est quand même déjà une belle preuve de confiance ?
Ça, c’est vrai. Pour moi ce sont des anges. Je ne sais même pas si moi-même je l’aurais fait ! Je n’en veux pas aux gens d’être ce qu’ils sont. Qu’ils arrêtent juste de voir les pailles dans ton oeil, alors qu’ils ont les yeux remplis de poutres ! On a beau avoir mille discours idéalistes sur le net, en disant qu’on va avoir un accès formidable à la culture, et patati et patata. En vérité, on en est à 5 ans de haut débit et on a vu qui émerger du net ? Kamini. En même temps, plein d’artistes comme Pauline Croze ont été signés par des maisons de disques. La diversité elle vient de là, pas du net. En France, il n’y a pas un seul artiste qui vivent de MySpace. Arrêtons de le glorifier. Ça sert juste d’aquarium où les maisons de disques vont piocher. MySpace, c’est le marché aux esclaves, la manche globale ! Qu’est-ce que tu fais sinon engrosser le propriétaire du site grâce aux banderoles de pub. Tout ça pour une visibilité que tu peux avoir partout sur le net.
Tu surfes sur des milliers de vie en trois minutes, si ce n’est pas du mépris c’est quoi ? Tout ça accompagne le marchand de clés USB, d’I-Pod. Nous, on est une excuse pour vendre autre chose.
Vous avez appréhendé cette sortie ?
Je pense qu’il va cartonner cet album, il est super ! Je vois déjà qu’il plait beaucoup aux fans de base, avec plus de mélodies et des trucs sombres. Les gens m’aiment quand je suis triste ! Mon but, c’est de retrouver un contrat cohérent avec une maison de disques. Je ne suis pas sûr de gagner assez d’argent pour pouvoir rembourser mon emprunt, vivre et produire un album dans un ou deux ans. Je me suis donné des moyens professionnels mais je ne pourrais pas le faire deux fois. Ce n’est pas mon métier même si ça m’amuse bien.
Vous avez un humour très provocant, est-ce que les gens s’y sont habitués maintenant ?
J’adore le conflit ça me fait marrer, mais il y énormément de gens que ça ne fait pas rire. Plus je vieillis plus je me dis que c’est à moi de m’adapter. C’est difficile parce que je me marre moins ! Tout le monde pense que c’est parce que je suis une star que je suis comme ça, alors que j’ai toujours été d’une insupportable prétention. C’est certainement grâce à ça que je suis devenu Mano Solo. Mais grâce à ce métier, je suis tout de même moins pire qu’avant !
Mano Solo In the Garden (La Marmaille nue/L’autre distribution) 2007
Mano Solo sera l'invité de l'émission La Bande Passante le 10 avril 2007 à La Flèche d'or à Paris : + d'info