La vie rêvée du Printemps

Fin de la 31e édition

La 31e édition du Printemps de Bourges s’est terminée ce 22 avril par un bel après-midi ensoleillé. Dernière journée donc, avec quelques concerts gratuits sur les scènes extérieures avec entre autres, les représentants français au prochain concours de l'Eurovision, des Fatals Picards déchaînés pour un véritable concert festif. Retour sur le week-end.

Vendredi 20 avril, la journée était aux grands rendez-vous. Une soirée reggae qui rassemblait quelques pointures (déjà anciennes) dont Bunny Wailer, Capleton et consorts faisait le plein (voire plus selon les représentants de la Croix Rouge présents) sous le chapiteau du Phénix. Fumées en tout genre, moyenne d’age peu élevée, et enthousiasme débordant, une vraie fête pour la jeunesse berruyère. De l’autre côté, au Palais d’Auron, on venait voir Christophe Miossec, comme on passe voir un vieil ami que l’on a pas vu depuis longtemps. Une démarche toujours aussi bancale, une propension à malmener micros et pieds de micro qui font parfois craindre pour le premier rang, "Je ne suis plus saoul, un peu à bout c’est rien", on le croirait presque. Mais l’énergie était là et le Breton vit la musique plus qu’il ne chante. Il extirpe de ses tripes les mots qui sur ses albums paraissent même plus sages.

Le déferlement de décibels permet de se lâcher. Au contraire, les lieux intimistes et les musiques acoustiques permettent un retour sur soi. Un détour dans l’après-midi par le théâtre Saint-Bonnet et nous voila transportés dans un autre monde, un autre siècle. Ce lieu particulier est une ancienne grange, attenante à un hôtel particulier, transformée par son propriétaire en petit théâtre italien, avec velours rouge, chaises dorées, et lustre imposant. Dans cet endroit atypique, la jeune chanteuse Rose et le duo Aaron nous ont fait échapper quelques minutes au tumulte de la ville.

Ambiance folk, guitare sèche et banjo, la belle Rose a proposé des mélodies accrocheuses et des textes enlevés. Auteure d’un premier album sorti en septembre 2006, la jeune femme fait partie aujourd’hui des jeunes espoirs de la chanson, même si de toute évidence, elle ne révolutionnera pas le genre. Le duo Aaron quant à lui, navigue en eau trouble. Pour l’occasion, Simon Buret et Olivier Coursier se sont adjoints les services d’une violoncelliste. L’échantillonneur est aussi venu à point nommé servir la cause du duo. Rencontrés au hasard de leur parcour professionnel, les deux hommes semblent se compléter. L’un est au piano l’autre au chant. Ils offrent une pop mélancolique, reflet d’un monde rêvé, où l’on évoque la musique de films, ceux de Lynch par exemple. Ce sont d’ailleurs les auteurs de U-Turn (Lili), morceau extrait de leur premier album Artificial Animals Riding on Neverland, qui a été repris par le réalisateur Philippe Lioret pour son film Je vais bien, ne t’en fait pas. Pour une première prestation lors d’un festival, le duo a joué gagnant et s’est félicité de ce premier essai. Nous aussi.

Allons z’à la campagne…

Autre moment emprunt de poésie, celui des Escapades et en particulier le concert d’Emily Loizeau qu’elle a donné samedi 21 avril. Chaque année, le Printemps propose aux festivaliers de découvrir un endroit du Cher et de venir écouter un artiste dans un lieu différent. En partant en fin de matinée, on profite de la ballade en autobus londonien et on assiste à deux concerts. A 45 minutes du centre ville de Bourges, le Pôle du cheval et de l’âne a donc accueilli la jeune chanteuse pour un set atypique. Label du Vivier et Cordeen du Pont, les deux chevaux installés dans des box près de l’entrée ont trouvé cette foule assez peu ordinaire. Au milieu de la campagne berrichonne, ce genre d’événement n’est pas banal.

C’était aussi l’avis d’Emily qui attendait avec curiosité et une légère excitation ce moment. Elle ne fut sans doute pas déçue car la fée Electricité ayant été un peu capricieuse, les techniciens ne purent faire fonctionner l’installation qui devait permettre la sonorisation du manège transformé en salle de spectacle, ainsi que la mise place de la partie vidéo du concert. A quelques minutes du début, il fut décidé que ce serait un concert acoustique réservant ainsi une jolie surprise au public. La jeune femme au piano a dû forcer un peu sa voix, mais fidèlement soutenu par ses deux musiciens, elle réussit à donner le meilleur d’elle-même. Reprenant les chansons de l’album A l’autre bout du monde, sorti sur le label indépendant Fargo en 2006, Emily a su donner un nouveau souffle à son interprétation. Comme dans Je ne sais pas choisir, chanson sur laquelle Jeanne Moreau, celle du Tourbillon semble poindre son nez.

Après cette Escapade, retour à Bourges pour la dernière soirée du Printemps. Où l’on a retrouvé Emily Loizeau sur la scène de l’Auditorium pour un hommage à Neil Young, orchestré par Seb Martel. Où l’on a frétillé sur la pop folk post hippie des Suédois de Hermann Dune, où l’on a investi le dancefloor du Palais d’Auron pour la nuit electro. La nuit fut longue mais le Dimanche de campagne comme l'ont appelé les organisateurs, rassembleur et festif. Une belle édition pour ce Printemps de Bourges qui se déroulera l'an prochain du 15 au 20 avril 2008.

Valérie Passelègue