Arnold Turboust, le Dorian Gray pop
Apparu dans le paysage vers la fin des années 1970, avec Marquis de Sade, puis le groupe nantais Private Jokes, c’est avec Etienne Daho qu’Arnold Turboust s'est fait une réputation de compositeur arrangeur fin et racé. Aujourd'hui, après dix ans de silence, il sort un nouvel album, Toute sortie est définitive. Rencontre.
Esthète et dilettante
Apparu dans le paysage vers la fin des années 1970, avec Marquis de Sade, puis le groupe nantais Private Jokes, c’est avec Etienne Daho qu’Arnold Turboust s'est fait une réputation de compositeur arrangeur fin et racé. Aujourd'hui, après dix ans de silence, il sort un nouvel album, Toute sortie est définitive. Rencontre.
En 1986, l’artiste de l’ombre entre dans la lumière avec un étrange menuet electro pop, Adélaïde, chanté en duo avec une Zabou, pas encore réalisatrice. En 1988, un premier album solo, Let’s Go à Goa, affirme son style élégant. Au cours des années, il signe des chansons pour Sylvie Vartan, Daho encore, ou Genre Humain, l’album que les deux compères offrent à Brigitte Fontaine. Mes amis et moi, un deuxième album, en 1994, renforce son aura d’esthète pop pour happy fews. D’une extrême discrétion, Arnold Turboust s’est fait violence pour revenir avec un troisième album au titre à multiples lectures.
RFI Musique : Où donc était Arnold Turboust durant tout ce temps ?
Arnold Turboust : Cet album était quasi prêt depuis 2002, mais j’avais l’habitude de travailler avec un ami, Jack Bally, et cette personne est décédé. On travaillait à deux, depuis longtemps. J’ai mis l’album en stand by, et pour gagner ma vie, j’ai fait de la musique pour la publicité, de l’habillage d’antenne… Je continuais à écrire des chansons pour qui me le demandait. J’ai travaillé pour Lina Tavares, réalisé un album au Japon pour Clémentine. Des musiques de film...
Ce disque a un côté intemporel, hors de l’air du temps ?
Les modes changent tellement qu’y coller, c’est la meilleure façon de vieillir. Ne pas s’en occuper, ça a toujours été ma façon de voir les choses. La pop, pour moi, reste quelque chose d’acidulé, ça peut-être aussi bien les Gorillas, ou Air. Il y a peu de choses dans ce style en France aujourd’hui, avec de la légèreté, et de la chaleur.
D’Adélaïde à La Pompadour, il y a un cousinage, un côté carrosse, où je me trompe ?
Adélaïde a vraiment fonctionné, mais un peu malgré moi. J’étais content, mais pas si à l’aise que ça. J’ai un peu occulté cette chanson, elle n’a jamais été sur un de mes albums. J’ai fait La Pompadour un peu en pensant à ça, mais j’aime aussi l’histoire de France, je voulais faire un "Alain Decaux Raconte", en moins pompeux ! Ce que j’y raconte est néanmoins vrai !
Vous écrivez sur des thèmes très loin de l’autofiction de la génération actuelle ?
Ce n’est pas mon truc. Ils écrivent bien, dans cette nouvelle scène française. Mais pour moi l’écriture des chansons doit garder un côté léger, je n’ai pas de message particulier, si ce n’est faire sourire et passer un bon moment. Il faut que le texte ne gêne pas la musique. Ce n’est pas si sérieux. Je pense être devenu auteur par défaut. Je me sens plus compositeur.
Comment l’album a-t-il atterri sur le label Encore Merci ?
J’avais cet album, et plein d’autres chansons, mais je n’avais plus de goût pour faire ça. C’est un copain qui est venu me chercher, Stéphane Loisy. Il adorait les démos, il m’a poussé à m’y remettre, s’est occupé de trouver des partenaires, en l’occurrence la société de production de David Séchan, le frère de Renaud, qui nous a permis de finir ce disque. C’est une petite structure, vraiment différente de ce que j’ai expérimenté en major dans les années 1990. Ce qui importe à notre époque, c’est d'exister, faire des choses, se faire plaisir. C’est difficile pour beaucoup de gens qui veulent faire de la musique.
Internet aide pourtant un maximum de gens à le faire ?
Cette redistribution des cartes, c’est très bien. Et puis on apprend : faire un budget de disque, confier la pochette à un copain, s’occuper de tout, de la distribution, la fabrication... La musique, ça va être ça je crois, de l’artisanat. L’industrie du disque se casse la figure. La multiplication des artistes est parallèle à la réduction des grosses structures. Le CD va devenir un objet de luxe. Et si on regarde le temps que j’ai pris entre mes albums, c’est-à-dire dix ans, c’est certainement le dernier album que je fais !
Votre pop est très délicate, un peu surannée, elle convient bien à votre attitude un peu dilettante ?
C’est un peu vrai. Etre chanteur, c’est un hasard. Je me suis retrouvé à chanter parce qu’un interprète ne voulait pas de ma chanson. Je ne suis pas mû par une envie irrésistible d’être dans la lumière, je veux juste faire plaisir à des gens en sortant des choses de temps en temps. Faire des chansons, c’est ma passion. C’est mon truc, mon format. Je suis vraiment fait ça. Dès que je me replonge dedans, j’adore ça. Écrire les textes, domestiquer le truc… C’est un moyen d’expression génial, j’ai beaucoup de plaisir et de chance.
Arnold Turboust Toute sortie est définitive (Encore Merci) 2007