Newbled, un festival motivé(s)
Esprit militant
Avec le collectif Motivés et le Ministère des Affaires Populaires, un parfum enivrant de révolution flottait ce jeudi 31 mai sur le festival Newbled, organisé dans plusieurs salles parisiennes entre le 24 mai et le 2 juin. Reportage.
L’affiche aurait pu être celle d’un match de football entre deux équipes actuellement parmi les meilleures du championnat, mais la rencontre musicale Toulouse-Lille qui s’est déroulée en terrain parisien jeudi 31 mai n’avait rien d’un affrontement.
Si le collectif Motivés et le Ministère des Affaires Populaires se sont bien envoyé quelques blagues attendues entre "nordistes" et "sudistes", les deux groupes se sont regroupés sous la même bannière.
Mohand Hadder, patron de Newbled, avait choisi hier de donner carte blanche pour la programmation à ses confrères toulousains d’Origines Contrôlées, "un festival qui a un fort contenu de débats sur les questions liées aux discriminations, à la citoyenneté, aux conséquences de la colonisation, toutes ces questions qui se posent dans les quartiers populaires et pour un certain type de population que sont les immigrés", explique son co-organisateur Tayeb Cherfi qui en oublie presque de parler musique. Un documentaire sur les scopitones arabes, berbères et kabyles puis un débat sur les chansons de l’immigration étaient donc au programme de la soirée, avant que les invités musicaux ne fassent leur apparition au Cabaret Sauvage, bien rempli pour l’occasion.
Après Akli D, venu préparer l’assistance avec sa guitare alors qu’on attendait Rachid Azarif, c’est au tour de Motivés de monter sur scène. Les Toulousains donnent tout de suite le ton avec Cheneroh, un titre d’Aït Menguelet qui figurait sur l’album 100% collègues, revisitent aussi La Résidence de Slimane Azem. La bande emmenée par les deux frères Mouss et Hakim Amochrane pioche dans les différents répertoires qu’elle a enregistrés au fil du temps, mais reste fidèle à l’intention première de Motivés : faire connaître les chants de lutte tels que Bella Ciao, La Cucaracha… Après une heure de show que personne n’a vu passer, ils quittent la scène sur l’inévitable Motivés, adaptation du Chant des partisans.
Un vent du Nord
"Ils ont mis la barre très haut", reconnaît Dias, l’un des rappeurs de MAP sur le pas de sa loge quelques minutes avant d’aller à son tour sur scène. Depuis l’édition 2006 du Printemps de Bourges qui l’a véritablement révélé, le Ministère des Affaires Populaires a passé beaucoup de temps sur les routes. La longue tournée, qui prendra fin en août pour laisser enfin le temps aux Lillois de se plonger dans la préparation du second album, leur a permis de concevoir un show millimétré.
Arrivant avec des lampes frontales, ils s’enfoncent dans la foule, accompagnés par le violon et l’accordéon, pour raconter une histoire qui ne laisse déjà aucun doute sur leur positionnement militant même s’ils savent enrober leur propos avec un humour irrésistible. Sans complaisance, ils le sont aussi avec leur ville que ces ch’tis mi chantent sur Lillo : "On va raconter comment ça se passe chez nous, au pays des mines de charbon et des pavés boueux." Avant de conclure sur Balle populaire une prestation sans temps faible, ils font revenir les deux Motivés Mouss et Hakim pour se lancer dans une reprise du tube de Zebda Oualalaradim, puis pour faire découvrir le morceau qu’ils ont enregistrés tous ensemble et qui a ajouté avec trois autres inédits à la réédition de l’album Debout la d’dans ! de MAP. Bras levés, poings serrés, ils font part de leur Salutations révolutionnaires. Un titre qui résume l’esprit de la soirée.
Bertrand Lavaine