Zachary Richard, la Louisiane au cœur

Avec Lumière dans le noir, Zachary Richard rompt un silence discographique de sept ans. Ce bel album, où le combat pour la sauvegarde des baleines du Saint-Laurent croise la défense des peuples opprimés du Rwanda et du Liban, est dédié aux victimes des ouragans qui ont ravagé la Louisiane en 2005.

Nouvel album du chantre cajun

Avec Lumière dans le noir, Zachary Richard rompt un silence discographique de sept ans. Ce bel album, où le combat pour la sauvegarde des baleines du Saint-Laurent croise la défense des peuples opprimés du Rwanda et du Liban, est dédié aux victimes des ouragans qui ont ravagé la Louisiane en 2005.

Vêtu de bleu des pieds à la tête, Zachary Richard s’étire longuement. Dans les bureaux parisiens d’Exclaim, qui sort son nouvel opus Lumière dans le noir, il se remet difficilement d’un décalage horaire et d’une promo harassante entre sa Louisiane, le Québec où il a rang d’icône, la France qui l’oublie peu à peu.
Le temps est déjà loin où le titre Travailler c’est trop dur l’avait propulsé de l’Olympia aux Francofolies de La Rochelle. Ce Chevalier des arts et lettres assure qu’il aimerait bien "rencontrer le succès en France (imaginez que je vends moins de disques chez vous qu’aux Pays-Bas !"), mais cela nécessite un vrai engagement physique de ma part, que je m’installe ici pour une longue période." Il semble s’y être préparé, fort d’un disque réussi et d’une tournée dans l’Hexagone qui pourrait commencer au printemps 2008.

Après Katrina

Pour l’heure, il tente de se remémorer la longue genèse de cet album, dont la plupart des compositions étaient prêtes dès l’été 2005, mais qui a été profondément repensé après le passage de l’ouragan Katrina. Celui-ci a touché plusieurs états américains à la fin de l’été 2005, au premier rang desquels la Louisiane, tuant près de 1000 personnes et en déplaçant un million. "Ce qui devait être un enregistrement classique à Montréal a été complètement modifié. Je me suis engagé dans la collecte de fonds pour les victimes, notamment pour les musiciens."

L’engagement passe aussi par l’organisation de concerts de soutien. "Alors que nous avions monté de nombreux projets en Amérique, je me suis rendu compte que la France ne bougeait pas. J’ai donc appelé Francis Cabrel, qui est naturellement tourné vers la musique américain. C'est un homme de cœur, comme j’avais pu le voir avec son concert pour les victimes d’AZF." Quelques semaines plus tard, le 7 novembre 2005, le Palais des Congrès à Paris fait salle comble autour de Francis Cabrel et Zachary Richard, mais aussi d’Alain Souchon, Paris Combo, Sanseverino, etc.

C’est ainsi que l’imprévu rentre peu à peu dans la réalisation de Lumière dans le noir. "La révolution technologique m’a permis d’enregistrer partout et sur une très longue durée, ce que je n’avais jamais fait." Le livret du disque, ciselé comme un livre de contes pour adultes, fourmille de renseignements : la plupart des morceaux ont ainsi été enregistrés dans plusieurs villes, pays et continents différents. Et avec tout autant d’artistes : Francis Cabrel encore, pour le duo La promesse cassée consacrée aux victimes de Katrina, Stéphane Sanseverino pour son jeu de guitare sur La Ballade de DL-8-153, un morceau sur la sauvegarde des baleines bélugas. Ani DiFranco et Isabelle Boulay donnent de la voix sur Dans mon rêve, la chanson d’ouverture, et Le Souvenir, écrit "pour Beyrouth". Des accompagnateurs prestigieux comme Wynton Marsalis à la trompette et le guitariste Freddy Koella, compagnon de route de Dylan, illuminent également les arrangements.

Mixage à la Nouvelle Orléans

Ceux-ci donnent une coloration raffinée et très moderne à ce disque dont on pouvait craindre les penchants traditionalistes de Zachary Richard, grand défenseur de la cause cajun (le nom des francophones de Louisiane, descendants de déportés acadiens). Le mixage, confié à Mike Napolitano et réalisé à la Nouvelle-Orléans "comme une preuve d’engagement et de soutien à ses habitants", se révèle une pure réussite. Il parvient à donner une cohérence à quatorze titres qui allient le folk au blues, les rythmes africains ou caribéens à des touches de cajun et de country, des guitares jazzy à des chœurs gospel.

L’engagement de l’artiste, qui se définit lui-même comme "un fils de 68, de la Woodstock Nation et de la culture contestataire", ne confère pas au disque un côté tract, mais vient donner de la chair à des mélodies frissonnantes comme celle d’Ô Jésus, sur le génocide rwandais. Pour Zachary Richard, "il faut bien faire la distinction entre la chanson et la propagande. Avant tout, il y a une émotion que la chanson doit véhiculer. Quand je chante je me mets au service de la magie, pas de la politique. Mais si cette magie peut déborder et servir des idées qui me sont chères, alors tant mieux." Ces émotions et ces réflexions, le chanteur dit les offrir "à ceux et celles qui sentent le désespoir rôder autour de la cabane."  Même tranquillement assis dans son canapé, ce cadeau mérite d’être vite déballé.


Zachary Richard Lumière dans le noir (Exclaim) 2007