Bombes 2 Bal toujours au bal

Dans l’orbite de Claude Sicre, qui a écrit la plupart de leurs chansons, les Toulousains des Bombes 2 Bal sortent un nouvel album, Bal indigène, manifeste d’une musique et d’une danse qui jettent un pont entre traditions occitanes ou brésiliennes et l’actualité bigarrée de la France d’aujourd’hui.

Un folklore pour demain ?

Dans l’orbite de Claude Sicre, qui a écrit la plupart de leurs chansons, les Toulousains des Bombes 2 Bal sortent un nouvel album, Bal indigène, manifeste d’une musique et d’une danse qui jettent un pont entre traditions occitanes ou brésiliennes et l’actualité bigarrée de la France d’aujourd’hui.

Il existe un territoire à mi-chemin du Nordeste et de l’Occitanie, comme pour narguer la géographie. Les Bombes 2 Bal chantent et dansent, entre forro brésilien et musique traditionnelle jouée jadis dans les villages du Sud Ouest. Quatre filles et deux garçons qui chantent les plaisirs de la danse collective, l’indispensable sieste, le souvenir du grand-père, les charmes de la langue occitane, tout un univers plus truculent que nostalgique, plus fantaisiste que "trad".

L’impulsion natale des Bombes 2 Bal a été donnée il y a neuf ans au Forum des langues du monde, organisé place du Capitole à Toulouse. Là, Lise Arbiol et Aurélie Neuville rencontrent Claude Sicre, théoricien, musicien, poète, tchatcheur et showman des Fabulous Trobadors, duo toulousain enraciné dans le quartier d’Arnaud-Bernard qui travaille à l’invention d’un folklore urbain, sorte de proto-rap qui puise dans l’art des musiciens populaires du Nordeste comme dans ce que l’histoire nous enseigne des troubadours occitans. "Claude nous a proposé ce projet, explique Aurélie. Il nous a parlé de la création d’un groupe, du style qu’il voulait développer, des raisons pour lesquelles il voulait faire danser les gens, pourquoi mélanger le folklore du Nordeste au folklore occitan."Car si les Fabulous Trobadors portent une parole neuve et audacieuse sur les scènes françaises, il manque une articulation à la création d’un folklore nouveau : le faire passer par le corps, lui donner une expression dansée, lui donner des couleurs de fête réelle. Alors, début 1999, naissent les Bombes 2 Bal qui vont peu à peu se constituer en groupe professionnel. "Au début, nous n’étions pas musiciennes, à part pour rigoler un peu, explique Lise. Un peu de piano, de chorale, de violon. On aimait bien chanter, c’est tout." "L’idée de Claude était de jouer directement, ajoute Aurélie, ce qui est à l’envers de ce qu’on nous a dit dans les cours de solfège. La musique en France, c’est d’abord le solfège, puis la flûte à bec, puis ensuite seulement un autre instrument… Nous, nous avons appris à jouer en jouant. Et maintenant, quand on va dans les écoles de musique, on fait chanter et danser les gens même s’ils ne savent pas le solfège."

Invitation à la danse et au chant

Car les Bombes 2 Bal sont des artistes de scène mais animent aussi des stages, interviennent dans les maisons de retraite ou les prisons, débarquent dans les villages ou dans les quartiers avec une sorte de fête clés en main : des musiques implacablement dansantes, des chansons aux refrains simplissimes et le plaisir de faire danser tous et chacun. Alors que les artistes en général ne se mêlent guère au public, les Bombes 2 Bal descendent de la scène pour inviter les spectateurs à la danse, les entrainer dans la ronde, les faire chanter.

Une approche à la fois évidente et révolutionnaire, dans un pays où la danse a fini par être cantonnée aux boîtes de nuit. "C’est notre histoire de centralisme culturel, explique Lise. D’autres pays aussi riches que la France n’ont pas le même statut pour le folklore. Le cas est assez unique dans le monde développé, d’un tel reniement des langues et des folklores." Et, après Claude Sicre, les Bombes 2 Bal mènent combat contre l’idée que la danse collective est forcément ringarde ou rétrograde, que les langues régionales sont forcément soit réactionnaires, soit gauchistes, mais qu’elles peuvent simplement se propager et vivre simplement par l’échange quotidien.

Bal indigène

C’est pourquoi leur nouveau disque, trois ans après Danse avec ta grand-mère, est d’une production aussi légère : percussions, accordéon, violon rudimentaire, chant. La production en a été assurée par Vincent Segal, violoncelliste multicartes (et notamment avec Bumcello) : "Efficacité, qualité, rapidité, spontanéité, résume Lise. Vincent n’aime pas les retouches à n’en plus finir, ce qui nous convient bien parce qu’on n’est des pros ni de notre instrument ni du studio. Il a préféré jouer sur les petits accrochages, les petites erreurs, les petits trucs spontanés, tout en gardant l’objectif de la danse et du folklore."

Le nouvel album, Bal indigène, est moins ouvertement nordestin et affiche "beaucoup plus d’occitan, comme le dit Lise Arbiol. Mais nous ne sommes pas tous d’origine occitane. Nous n’avons pas du tout un discours de racines ou le discours de gens qui sont nés là-dedans. Il y a autant d’occitan parce qu’on vit là et qu’on a envie de prendre en compte les folklores et les cultures qui composent la culture française. C’est dans ce sens-là qu’on dit "bal indigène" : pas au sens ou l’on est né ici. Mais parce que le bal qu’on fait est enrichi de tout ce qui constitue la culture du lieu telle qu’on la vit – un quartier qui a été le premier quartier d’immigration nord-africaine à Toulouse, dans lequel on joue souvent avec des Berbères dans la rue, mais aussi des gens du Nord." Et Aurélie Neuville ajoute : "Notre bal est arnaudbernardien. Il n’y a pas que des gens qui sont nés à Arnaud-Bernard : il y a les gens qui sont d’ici et d’aujourd’hui."

Bombes 2 Bal Bal indigène (Tôt ou Tard) 2007 En tournée en France.