Lo Cor de la Plana, et dansons maintenant !

Les six Marseillais de Lo Cor de la Plana viennent de sortirTan Deman, un second album de chants à danser aux influences multiples – rythmes du Maghreb, jungle, reggae. Autour d’un verre de vin rouge, rencontre avec le truculent Manu Théron, chantre d’une création populaire occitane contemporaine.

Album et tournée

Les six Marseillais de Lo Cor de la Plana viennent de sortirTan Deman, un second album de chants à danser aux influences multiples – rythmes du Maghreb, jungle, reggae. Autour d’un verre de vin rouge, rencontre avec le truculent Manu Théron, chantre d’une création populaire occitane contemporaine.

Pourquoi avoir fait un second album de chants à danser, alors que votre premier revisitait des chants religieux ?
On ne va pas passer notre vie en bondieuseries non plus ! Ce n’est pas parce qu’on rend hommage à des chants religieux dont la puissance évocatrice nous avait beaucoup touché, qu’on doit s’arrêter à cela. Souvent quand un instrumentiste coûtait trop cher, on engageait des chanteurs qui venaient faire la réponse aux assistants pour qu’ils puissent danser. Cette habitude était surtout répandue chez les Occitans d’Auvergne et du Cantal qui étaient quand même les plus pauvres, Quand personne, même pas le "violonneux" pouvait venir, et bien on prenait des chanteurs.

L’album Tan deman est co-produit par Buda Musique et par la Compagnie du Lamparo, votre association à Marseille, quels sont ses objectifs exactement ?
Au départ, la compagnie est née d’une volonté à la Plaine de se rassembler autour du chant occitan et  du chant collectif. Nous faisions à l’époque des ateliers de transmission pour la somme modique d’un euro par an. C’est un répertoire populaire pour lequel on n'allait pas faire payer l’apprentissage, évidemment. Parallèlement, on a envoyé sur le terrain Manuel Barthélémy (l’un des chanteur du groupe, ndr) collecter auprès des anciens toute une littérature orale. Les histoires de quartier, la petite histoire de la grande Histoire, l’ensemble des pratiques culinaires, les blagues, les sports, bref, toutes les pratiques sociales qui unissent les gens et les identifient comme appartenant à une civilisation donnée, occitane, en ce qui nous concerne.
Notre projet est d’aller chercher l’ensemble des pratiques qui continuent à exister par d’autres formes d’existence que la langue (qui s’éteint) : le sport, les boules, la pêche... Il reste quand même des anciens qui ont conservé à la fois la langue et les pratiques, mais ces gens vont mourir d’ici 4/5 ans. C’est très important de donner une chance aux futurs détenteurs d’une culture populaire, de savoir que ces cultures n'ont pas qu’une existence spontanée, elles ont aussi une histoire. Si en Afrique quand un vieux meurt, c’est une bibliothèque qui brûle, c’est la même chose en Europe. La même chose en tous cas, chez des gens où la culture livresque n’est pas l’essentiel du fond culturel et de la pratique culturelle.

Est-ce que l'appellation musique traditionnelle signifie quelque chose pour vous ?
Le seul endroit où il y a une vraie tradition de la transmission de la musique, en France, c'est le conservatoire. De notre point de vue, ce qui est vraiment traditionnel, c'est finalement une pérennisation des pratiques. La tradition ne veut rien dire, mais ce qui veut dire quelque chose, c'est la volonté de dire "tradition". En fait, on veut dire filiation, transmission d'un patrimoine non-écrit. Quand on parle de musiques traditionnelles en Europe, on parle souvent de folk. Dans les années 70, on reprend des airs de musique populaires anciennes pour en faire un fantasme d'invention de ce qu'aurait pu être la musique traditionnelle. On n'a jamais vraiment souscrit à cette mouvance, parce que c'est un fantasme qui ne cherche qu'à retranscrire, qui ne cherche pas à vivre.

Au sein du groupe Lo Cor de la Plana,  vous faites vivre la musique populaire d'Occitanie ?
Nous avons une création populaire autonome, dont la base de départ est la langue occitane, mais pas la musique de tradition occitane. Certains thèmes peuvent parfois interroger notre envie de créer, mais sur l'album, on n'a pas fait un répertoire de rigodon, de branle, de bourrées et de rondeaux ce qui est le cas de tous les répertoires de chants à danser. On a fait un répertoire où il y a du reggae, de la jungle, de la danse d'aujourd'hui. Ce qu'on danse nous en tant que créatures urbaines du début du XXIe siècle…

Mais j’imagine qu’il y a une interpénétration entre l’action de la compagnie, les témoignages collectés, et les textes de Lo Cor de la Plana ?
On emprunte beaucoup de choses, des rythmes au Maghreb, par exemple, (on les rendra, c’est promis). Mais par contre, on a créé nous-mêmes certaines choses qui nous sont très chères et inspirées effectivement du collectage. Dans le processus de création, il ne peut pas y avoir de  calque ou de superposition. Il faut que les choses se fassent spontanément et il faut accepter que ça puisse prendre des années. C’est pour cette raison qu’on a mis trois ans à faire ce disque-là. On voulait vraiment que les influences qu’on essaie de faire jaillir ne s’appliquent pas les unes aux autres comme si elles étaient forcément compatibles. D’ailleurs, on s’amuse souvent à mettre en lumière les incompatibilités.

Vous pensez faire une musique de survie, au niveau de la langue par exemple, ou absolument pas ?
Absolument pas. Notre musique n’est pas un acte de résistance ou de combat, c’est un acte de création. Et c’est sur la création qu’on fait reposer ce disque, ce répertoire et notre engagement. Ce n’est pas un acte qui se pose pour ou contre, c’est une musique d’abord dans la recherche et l’invention d’elle-même.

Cor de la Plana Tan Deman (Buda Musique/ Lamparo/Universal) 2007

En concert :
27 juillet : Le Puy-en-Velay (43) - Les Nuits Basaltiques
04 aout : Detmold (Allemagne) - Summerstage
09 août : Semussac (17) - Les Jeudis Musicaux    
10 août : Pau (64)
15 août : Parthenay (79) - De Bouche à Oreille
17 août : La Couarde-sur-mer (17) - Île de Ré, La Maline
18 août : Huy (Belgique) - Festival d Art de Huy Couvent des Frères Mineurs
25 aout : Vezelay (89) - Rencontres Musicales de Vezelay