Cotonou club au Bénin
La première édition du festival Paris Cotonou aller-retour a permis à une trentaine d’artistes français et béninois de ranimer l’âme de l’ancien Cinévog de Cotonou. Du 28 juillet au 7 août, l’Atelier du Plateau, le festival Africolor, la compagnie Archimusic et le slameur Dgiz se sont délocalisés dans la capitale béninoise pour monter une série de concerts et de créations hybrides : mêlant jazz, théâtre, cirque, danse, acrobaties et slam. Le voyage retour est prévu à Paris, en décembre.
Africolor, Archimusic, l’Atelier du Plateau et Dgiz
La première édition du festival Paris Cotonou aller-retour a permis à une trentaine d’artistes français et béninois de ranimer l’âme de l’ancien Cinévog de Cotonou. Du 28 juillet au 7 août, l’Atelier du Plateau, le festival Africolor, la compagnie Archimusic et le slameur Dgiz se sont délocalisés dans la capitale béninoise pour monter une série de concerts et de créations hybrides : mêlant jazz, théâtre, cirque, danse, acrobaties et slam. Le voyage retour est prévu à Paris, en décembre.
Même si les projections s'y font rares, à Cotonou, le Cinévog est presque aussi célèbre que le Palais Présidentiel. Dans ce vénérable bâtiment du centre-ville, l'écran est toujours là, fidèle témoin des rêves en technicolor tissés dans les jeunes années de la République du Bénin. Mais le festival Paris-Cotonou est venu y faire cohabiter un autre rêve. Celui d'une troupe éphémère d'une trentaine d'artistes français et béninois, qui invente chaque soir un nouveau spectacle. Une poésie musicale, théâtrale, acrobatique, slammée et improvisée.
L'immense cinéma est rétréci par une haie de bambous. Au plafond, se balancent un trapèze et une corde, et le public se cale sur des petits tabourets. L'ancienne salle obscure voit un jour nouveau sous le subtil éclairage tamisé de Maxime Sueur, technicien de l'Atelier du Plateau (salle protéiforme parisienne, qui abolit les barrières artistiques en faisant cohabiter acrobates, musiciens, slameurs, auteurs, poètes, cuisiniers et plasticiens dans un même espace, au cœur du public).
Mix artistique
La recette de ce cabaret inédit parait évidente tant elle se déroule naturellement, chaque soir : les échanges artistiques se nouent autour des créations musicales du Français Jean Rémy Guédon, saxophoniste "et producteur musical bio" à la tête de l'octet Archimusic. Un ensemble composé de jazzmen, de musiciens issus de la scène contemporaines et classique (hautbois, cor anglais, cornemuse, clarinette, trompette, basse, basson et batterie). Le Cinévog se transforme petit à petit en club artistique où les disciplines se frottent. "Ici, les artistes ont plusieurs casquettes : comédien-chanteur-danseur-magicien et même rieur. Les faire jouer ensemble, c'est nouveau, car d'habitude, un même artiste fait plusieurs performances, et ici peu de spectacles laissent place à l'improvisation", témoignent Matthieu Malgrange et Laetitia Zaepffeld, co-directeurs de l'Atelier du Plateau. Ils ont choisi ou écrit les textes lus sur scène, parmi les œuvres de huit auteurs africains vivants qui traitent du monde contemporain : de la femme africaine, de consommation, de religion, de sexe ou de politique…
L’ensemble Archimusic est rejoint par deux piliers des rythmes béninois (les percussionnistes Bonaventure Didolanvi er Raphael Houedecoutin) et accompagné par l’acrobate Cécile Mont-Reynaud, la danseuse Rachelle Agbossou, le slammeur parisien Dgiz et l’actrice Kate Aguegue. Et chaque soir, rappeurs, slammeur, conteur, poètes, danseurs et autres artistes de Cotonou s’y invitent dans une forme totalement libre. Ce précipité d’impromptus est baptisé "Vaudou Mots-zic".
"C’est la première fois qu’un tel festival est organisé au Bénin, s’enthousiasme Orden Alladadatin, directeur de la biennale de théâtre béninoise FITHEB. Le titre est bien choisi car ici, il est impossible de faire de la musique sans puiser dans la banque de rythmes et de traditions du vaudou. Et si le festival avait eu lieu en plein air, on serait allés faire des sacrifices, voir les maîtres vaudous qui maîtrisent les dieux du tonnerre. Il y a très longtemps que j’organise des spectacles ici, et je peux certifier qu’ils sont en mesure de différer la pluie."
"Gueuloirs poétiques"
C'est sous ce bel hospice et sur ce canevas artistique bienveillant que se conjuguent alors les différentes interventions poétiques du soir. Au milieu des mots et des sons qui se bousculent, une découverte : le slam. "C'est de l'art, c'est prendre le temps de vivre le passé, le présent et le futur. C'est très africain. Avec le slam, lorsqu'une parole te touche, elle devient un morceau", détaille le musicien nigérian Segun Ola, installé à Cotonou. "Même s'il n'y a pas encore de slam sessions, on peut dire que l'on connaissait une forme proche du slam car nous avons une tradition de 'gueuloirs poétiques' ", complète Sergent Marcus, rappeur-journaliste. Auteur, pendant le festival et le jour de l'anniversaire de l'indépendance du Bénin, d'un slam vibrant à l'attention des "change-menteurs".
"Il y a trois ans, nous, slammeurs, étions vus comme des alcooliques qui hurlions pour avoir une bière, sourit le parisien Dgiz. Le slam fait son chemin ici aussi car en Afrique, la vie est là, elle jaillit. Il n'y a pas besoin de tricher pour exprimer des émotions." Les émotions de ces semaines voyageront à Paris en décembre, à l'occasion du festival Africolor et au cours de soirées à l'Atelier du Plateau, en forme d'hommage au grand musicien guetteur martiniquais Henri Guédon. Un lointain cousin retrouvé de Jean Rémy Guédon, qui rêvait de monter un concert avec lui : "Nous, les artistes, nous ne sommes pas des fabricants de rêves, c'est l'inverse : on a des rêves et on fabrique de la réalité. Et en fait, la réalité est bien plus belle que nos rêves… Mais il ne faut pas le dire."