Otentikk Street Brothers
Coup double pour le groupe de reggae mauricien Otentikk Street Brothers (OSB) qui fête ses quinze ans d’existence en partant pour la première fois à l’assaut du marché international avec son quatrième album Revey Twa, après avoir conquis le cœur de ses compatriotes.
Leçon de reggae en créole mauricien
Coup double pour le groupe de reggae mauricien Otentikk Street Brothers (OSB) qui fête ses quinze ans d’existence en partant pour la première fois à l’assaut du marché international avec son quatrième album Revey Twa, après avoir conquis le cœur de ses compatriotes.
Samedi 11 novembre 2006, minuit : devant une salle de la banlieue parisienne, la longue file de spectateurs qui s’est formée sur le trottoir n’en finit pas de se régénérer. Malgré le froid piquant, près d’un millier de jeunes Mauriciens se sont déplacés pour voir et écouter ceux qui sont les porte-parole de leur génération. Le concert d’Otentikk Street Brothers en France n’a été confirmé qu’au dernier moment, une fois les chanteurs dans l’avion avec en poche les précieux visas, mais l’information a circulé à toute vitesse dans la communauté. Artiste principal de la soirée sur le papier, Alain Ramanisum s’est vite rendu à l’évidence qu’il s’était fait voler la vedette par la bande de Bruno Raya. De bonne grâce, l’ex-membre de Cassiya a même écourté sa prestation pour permettre aux quatre garçons de revenir sur scène dans une salle où la température avait atteint celle d’un sauna.
Longtemps, le reggae pétillant d’OSB est resté l’un des secrets les mieux gardés de l’île Maurice. Aujourd’hui, la situation a commencé à changer. L’année 2007 marque un vrai tournant dans le développement international de la carrière du groupe. Quinze ans après ses débuts, il a enfin les moyens de voir au-delà de l’océan Indien et d’élargir le cercle de son public jusque-là essentiellement constitué de compatriotes. Au cours des derniers mois, son quatrième album Revey Twa – "réveille-toi", en créole – a été le premier à bénéficier d’une commercialisation dans de nombreux pays.
Pour accompagner cette sortie, le quatuor s’est produit dans une douzaine de festivals aux Pays-Bas, en République tchèque, en Autriche, en Slovénie et surtout en Allemagne, en particulier au Summerjam, le plus grand événement de la planète reggae sur le sol européen. "C’est un rêve qui se réalise", résume Bruno Raya, 32 ans, connu aussi sous le nom de Master Kkool B. Le moment était venu pour OSB de partir à la conquête de nouveaux territoires.
Des pionniers sur leur île
Chez eux, leur popularité peut difficilement croître davantage : depuis Ragga Kreol enregistré en 1994 dans un studio de l’île sœur de La Réunion jusqu’au DVD-CD live Reggae Donn Sa paru en 2005 et vendu malgré le piratage à plus de 15000 exemplaires (pour une population totale de 1,2 millions d’habitants !), chacun des épisodes de leur discographie a rencontré un impressionnant succès.
Elevés d’abord au son des rappeurs américains et français avant de craquer pour le reggae dancehall jamaïcain, ces anciens gamins des rues de Plaisance, un quartier de Rose-Hill, ont entraîné dans leur sillage une ribambelle de groupes avec lesquels ils ont transformé le paysage musical mauricien traditionnellement dominé par le séga, aidés dans leur putsch par l’apparition des radios libres au début des années 2000.
Au contact des musiciens vétérans de Natir, formation reggae roots installée sur les hauteurs de Chamarel, ils ont épaissi leurs compositions, dynamisées par la façon unique qu’ils ont de se succéder au micro. Avec le temps, la machine OSB s’est structurée pour diversifier ses activités. "C’est une petite entreprise qui pense en grand", explique leur leader, également animateur de Bonnto Klip, une émission télé hebdomadaire récemment programmée en prime-time. Ils se sont lancés dans la production et la distribution de disques, organisent des concerts à travers leur société événementielle qui a créé la sensation en faisant venir des artistes tels qu’Alpha Blondy…
Loin des clichés…
Pourtant, en dépit de leur notoriété et de leur professionnalisme, ils doivent régulièrement faire face aux obstacles que les autorités mauriciennes dressent avec une étonnante constance sur leur route. Dernier coup tordu en date : le refus d’accorder une autorisation administrative pour la tenue de l’édition 2007 du festival Reggae Donn Sa, quelques jours à peine avant le coup d’envoi, alors que tout était prêt et les 4000 billets vendus !
L’emprise d’OSB sur la jeunesse n’est pas du goût de tous, d’autant que les textes ne vantent pas la beauté des plages de sable fin mais s’attardent sur le mauvais fonctionnement de la société mauricienne qui continue à faire peu de cas de sa composante créole, véritables citoyens de seconde classe, tandis que les hindous majoritaires conservent richesses et postes à responsabilités. Huit ans après les émeutes socio-économico-raciales qui avaient suivi la mort en prison de Kaya, le Bob Marley de l’océan Indien, la leçon semble avoir déjà été oubliée. "On est condamné à vivre ensemble. Tu peux pas me mettre de côté", affirme Bruno Raya. Et de prévenir : "Si ça explose à nouveau, ce sera trois à quatre fois plus fort."
Otentikk Street Brothers Revey Twa (Nocturne) 2007