Maxime Delpierre
Branché aux courants et lieux alternatifs du Paris des années 1990, le guitariste nantais Maxime Delpierre s’est forgé un son et une identité en marge des sillons officiels. C'est là qu'il a rencontré la plupart de ceux avec lesquels il joue encore dix ans plus tard. Entretien à l’occasion du festival Jazz à La Villette, où il signe la création Viva And The Diva.
Guitariste éclectique
Branché aux courants et lieux alternatifs du Paris des années 1990, le guitariste nantais Maxime Delpierre s’est forgé un son et une identité en marge des sillons officiels. C'est là qu'il a rencontré la plupart de ceux avec lesquels il joue encore dix ans plus tard. Entretien à l’occasion du festival Jazz à La Villette, où il signe la création Viva And The Diva.
Remarqué dans le collectif foutraque Slang, remarquable avec Laurent Bardainne et David Aknin au sein du trio minimal Limousine, Maxime Delpierre est l’un des piliers de Camisetas, un nouveau projet du label Chief Inspector. A 32 ans, ce guitariste est emblématique d’une jeune génération fatiguée des étiquettes.
RFI Musique : Votre création est programmée deux soirs de suite au festival Jazz à La Villette. De quoi s’agit-il ?
Maxime Delpierre : En fait, il s’agit de deux dates dans un micro-endroit : l’Atelier du plateau, dans le 19e arrondissement, où j’ai déjà eu des cartes blanches. Initialement, cette création dont je signe la musique, Viva And The Diva, devait faire partie de la carte blanche à Sonic Youth. Ce sont mes réflexions autour du krautrock, avec Sir Alice, Arnaud Roulin aux claviers et Marc Kerr, le batteur de Rita Mitsouko, que je côtoie dans l’Ectoplasmic Band de Joakim. Marc et Joakim m’ont fait découvrir cette musique : Can, Neu… J’ai retrouvé l’ambiance du Miles électrique, l’étirement du temps, les boucles rythmiques, mais sans les longs solos. En ce moment, Joakim adopte une production très eighties, du style Bowie, Talkin Heads… Ça me rappelle quand j’étais gamin, à Nantes. Mon grand frère était DJ et à la maison, c’était Japan, Talk Talk, Joy Division…
Vous venez d’une famille de musiciens ?
Mon père et mon frère pratiquaient la guitare. Moi, je voulais faire du saxo, un instrument que tu peux jouer n’importe où. Après quelques années de piano, je me suis finalement mis à la guitare. A 16 ans. En autodidacte, puis à l’école Arpej à Paris, où je suis arrivé en 1993 pour faire de la musique. J’en avais un peu marre du côté “vie de village”de Nantes. J’avais besoin de me retrouver dans le dur avec ma guitare. Il fallait bien que je fasse quelque chose de mes dix doigts.
Quels furent vos premiers boulots “pro” ?
Ce fut avec le Zigh Band, un orchestre encadré par le collectif Zhivaro avec entre autres Sylvain Kassap et Claude Barthélémy. A l’époque, je traînais au Cithéa (un club parisien, ndlr), et puis, très vite, dans les clubs de la rue des Lombards. Je continuais à jouer dans des groupes nantais. Le week-end, on faisait des reprises de rock et de soul. Et puis j’ai tout rejeté du rock, pour me plonger dans le jazz. Ça a duré cinq ou six ans. Jusqu’à ma rencontre avec les gars du Studio des Islettes, dans le 18e arrondissement.
C’est à cette époque que vous allez, avec d’autres, créer une nébuleuse de projets qui visaient à rénover le jazz ?
Aux Islettes, on s’est branché sur les vieux Américains du free jazz installés à Paris et sur les musiciens de la scène dite “improvisée”. C’était radical. Et puis, j’ai habité aux Falaises, un squat du 18e arrondissement dans lequel j’ai rencontré la plupart de ceux qui sont encore des proches. On a commencé à sérieusement serrer les boulons, et à tester plein de trucs. Le collectif Slang était déjà là, Limousine était en gestation, tout comme le Septik de Médéric Collignon… A la fermeture des Falaises, il y a eu un flottement, même si je bossais déjà pas mal, et que nos premiers disques étaient en route.
Cela va d’ailleurs déboucher sur l’aventure Chief Inspector : un label, un collectif ?
C’est plus qu’un label, mais ce n’est pas un collectif. C’est surtout une histoire de famille jusqu’à aujourd’hui, même si chacun a suivi sa voie. D’ailleurs, le label lui-même a évolué en fonction de nos goûts. Moins jazz, plus pop-rock. En fait, sans étiquette.
A l’image de vos projets ?
Sans doute. Camisetas est un projet initié par le label, qui a proposé à Arnaud (Roulin), Médéric (Collignon) et moi-même de bosser avec Jim Black, un batteur superstar du jazz actuel. En fait, ça se passe très naturellement et tout est très clair, ce qui n’est pas une surprise vu qu’il vient de chez Zorn. Il s’agit d’un jazz plutôt contemporain et noisy ! Dans un registre parallèle, on prépare un nouveau maxi du Collectif Slang avec Bruce Sherfield (MC Jester sur scène). On a moins envie de sonner jazz, de faire de longs instrumentaux. La musique évolue plus vers le rock violent et le hip-hop.
Le jazz et vous, c’est un divorce assumé ?
Non, je me sens jazzman, même s’il y a en ce moment un côté toile d’araignée que je n'aime pas. Ce n’était pas le cas il y a dix ans. Le jazz est une musique qui demande d’aller voir ailleurs, de se tester dans d’autres univers, qui impose de l’autonomie, pour former ses propres grammaire et vocabulaire. Je pense qu’un jour, je referai une période de jazz standard.
Y a-t-il un son de guitare jazz ?
Il y a autant de guitares que de musiques : jazz, flamenco, rock, classique… Pour l’heure, je pense avoir bien abordé le jazz, les musiques afro-américaines et le rock. Voire les musiques d’Afrique de l’Ouest, sur lesquelles j’ai bloqué pendant deux ans, après un long séjour au Sénégal. J’ai pu jouer avec des groupes maliens, avec Ray Lema… Mais je suis incapable de jouer du fado !
Camisetas Camisetas (Chief Inspector) 2007
Collectif Slang Addict (Chief Inspector) 2006
Limousine Limousine (Chief Inspector) 2006
En concert les 7 et 8 septembre au festival Jazz à la Villette à Paris, à l’Atelier du Plateau.