L’Adami invite le Printemps
Imbert Imbert, la surprise
Depuis 2005, l’ADAMI organise chaque année un concert à Paris avec plusieurs artistes Découvertes du Printemps de Bourges. Au rayon des têtes d’affiche de cette cuvée du 30 octobre 2007, on a retrouvé avec plaisir la folie effervescente des Belges de Sharko et le rock teinté de transe de Gomm. Du côté des petits nouveaux, Cocoon a confirmé tout le bien colporté par le bouche-à-oreille mais c’est Imbert Imbert, qui seul avec sa contrebasse, nous a mis une vraie claque."Grâce à vos achats de CDs vierges et de clefs USB, vous aidez le spectacle vivant, vous pouvez vous applaudir !" Michel Joubert, trésorier de l’ADAMI, reçoit une véritable ovation.
Jusque-là, son discours inaugural avait eu le plus grand mal à capter l’attention du public. Mais d’un coup, les jeunes qui composent l’énorme majorité de l’assistance se sentent concernés. A rebours de l’industrie musicale, l’Association des Droits des Artistes Musiciens et Interprètes (ADAMI) caresse le consommateur dans le sens du poil. Cette société* de perception et de répartition s’occupe des droits des artistes interprètes (musiciens et comédiens). Elle gère l’argent provenant de la diffusion des œuvres ainsi qu’une partie de la taxe sur la copie privée**. L’ADAMI, dirigée par un collège d’artistes élus par ses pairs, consacre un quart de la somme récoltée au soutien de projets artistiques.
Dans ce cadre, elle apporte une aide financière au Réseau Printemps qui depuis plus de vingt ans repèrent de jeunes groupes pour les produire au Printemps de Bourges. Les missions de ces deux organismes sont semblables : aider les artistes émergents à se faire connaître et à se professionnaliser. C’est l’idée de ce concert : permettre à de jeunes pousses de démontrer leur qualité au public parisien, composé, ce soir-là, d’une bonne partie de professionnels du monde de la musique. Les deux Découvertes sélectionnées cette année se sont taillées un beau succès. Cocoon, toute jeune formation folk, draine déjà son public de fidèles. Imbert Imbert a lui, créé une heureuse surprise, seul sur scène avec sa contrebasse.
La magie d’un claquement de doigts
Ce Parisien a fait ses armes dans des formations reconnues comme Jim Murple Memorial (ska) et De Rien (chanson). Mais son passage, en tout début de soirée n’était pas gagné d’avance : "C’est une grosse salle, ce n’était pas évident, confiait-il après le concert. Il y avait pas mal de professionnels dans le public. Ils ont assez souvent tendance à tchatcher pendant les concerts. Des groupes, ils en voient dix mille chaque année… La musique que je fais, moi tout seul sur scène avec ma contrebasse, demande parfois un certain calme. Mais à la fin, le public avait l’air plutôt content."
Sa première chanson a provoqué quelques rires nerveux chez les ados se languissant de Cocoon. Les premiers applaudissements furent polis. Imbert Imbert ne se formalise pas. L’œil qui frise, il balance : "Allez maintenant, une histoire de fesse pour se donner le moral !" Le Parisien manie une poésie chantée aussi crue que passionnée. Insensiblement, au gré de titres comme Sans toi, ni loi ou Il faut que je t’oublie, il capte l’attention. Un claquement de doigt, deux notes hypnotiques et Imbert Imbert embarque la salle.
Si on vous avait dit, un jour, qu’un jeune torse nu sous son gilet de cuir, accompagné d’une contrebasse, vous collerait un groove d’enfer en déclamant des poèmes à fleur de peau, vous ne l’auriez pas cru. Et bien courez voir Imbert Imbert. Son air canaille évoque les débuts d’un Renaud, seule référence chanson française revendiquée. En pleine décompression, il se livre tranquillement dans sa loge : "A partir de douze ans, j’ai plutôt écouté du bon gros rock’n’roll, pas mal de jazz et surtout de la musique improvisée. Et puis en même temps, je dois l’avouer quand j’avais sept ans, j’écoutais Renaud 24h/24h, un truc de dingue, j’étais un peu fou. Et maintenant, encore, je sens très bien qu’il m’habite secrètement !"
Imbert Imbert a été conçu alors que le musicien officiait encore chez De Rien. "En tant que bassiste, je commençais à prendre pas mal de place. Je sentais qu’il fallait que je me débatte avec moi même plus qu’avec d’autres. J’étais contrebassiste mais ce n’est pas une fatalité. Finalement, seul avec mon instrument, c’est le meilleur moyen de capter l’attention du public." Et le Parisien a plutôt bien réussi sa tentative de séduction. En un an, il a été Découverte du Printemps de Bourges, récompensé aux Francofolies de la Rochelle et primé au Festival Alors Chante de Montauban.
Son carnet de bal est plein pour les semaines à venir : "J’ai en moyenne dix dates par mois jusqu’en février. Je suis un habitué des tournées, mais le regard des gens n’est plus du tout le même depuis que je suis chanteur. C’est quand même vachement fort, vachement grave ! Quand tu montes tout seul sur scène pour chanter des chansons qui ne sont pas toujours légères, ça te met dans un drôle d’état d’esprit. C’est un peu comme un prêche, même si je n’aime pas trop le mot. Il y a un rapport avec le public très intense et j’ai envie d’en profiter."
L’ADAMI et le Réseau Printemps ont eu le nez creux pour cette année 2007. L’année prochaine se prépare déjà. 4000 groupes ont postulé, ils ne seront que trente-deux sélectionnés pour le Printemps de Bourges. Espérons des surprises du même acabit.
* L’équivalent de la SACEM qui gère les droits des auteurs et compositeurs en musique.
** A chaque fois que vous achetez un support permettant d’enregistrer de la musique, une partie de l’argent est redistribuée aux artistes.
Ludovic BASQUE
Imbert Imbert, les 14 et 15 décembre au Café de la Danse (Paris).
Les Découvertes du Printemps (Imbert Imbert + Cocoon + Gomm + Sharko) le 30 janvier à Strasbourg (la Laiterie) et le 1er février à Toulouse (Bikini).