Yves Simon

Huit ans après Intempestives, Yves Simon revient à la chanson. Après deux concerts aux Francofolies de La Rochelle et Spa l’été dernier, il vient de sortir Rumeurs, nouvel album aux couleurs et aux thèmes superbement fidèles au romantisme qui a fait sa gloire il y a plus de trente ans, avant qu’il ne devienne un romancier en vue.

Retrouvailles avec un sentimental

Huit ans après Intempestives, Yves Simon revient à la chanson. Après deux concerts aux Francofolies de La Rochelle et Spa l’été dernier, il vient de sortir Rumeurs, nouvel album aux couleurs et aux thèmes superbement fidèles au romantisme qui a fait sa gloire il y a plus de trente ans, avant qu’il ne devienne un romancier en vue.

RFI Musique : On a bien cru que vous ne reviendriez pas à la chanson…
Yves Simon :
Ce n’était pas évident après Intempestives. Je n’avais pas écrit ce disque comme un dernier album, mais comme un disque fin de siècle. Ce n’était pas un hasard qu’il sorte sort en 1999, j’avais choisi mon heure. Depuis 1991, depuis le succès de La Dérive des sentiments – prix Médicis, 18 traductions dans le monde, plus de 600000 bouquins vendus – je m’étais dit que je pouvais fermer la parenthèse chanson, ouverte un jour à 28 ans. J’avais 47 ans quand j’ai eu le prix et je me disais que la musique est liée à la jeunesse, pour ceux qui la produisent comme pour ceux qui l’écoutent. Déjà, quand j’ai sorti Intempestives, il y avait onze ou douze ans que je n’avais pas fait d’album, j’étais tout à fait devenu un écrivain.

Quelle est donc l’élément qui vous a ramené en studio et sur scène ? 
Je suis avec une nouvelle femme depuis cinq ans et nous avons des rituels – j’aime les rituels amoureux. J’ai la chance d’avoir maintenant trois étages dans mon immeuble. Elle est peintre et travaille au premier étage. Moi, je suis au troisième avec mes musiques et la littérature. Le soir, vers sept heures, on se retrouve au deuxième. Cette étage est "zenissime" : quelques livres, presque pas de meubles, une guitare, alors que tout le reste est surencombré. On se retrouve donc pour se raconter notre journée de travail en buvant du meursault. Puis elle va faire la cuisine, ce que je ne sais pas faire, et d’ailleurs déteste faire. Un jour elle me dit : "tu es là comme un nabab à m’attendre, pourquoi ne fais-tu rien ? Prends ta guitare et compose-moi une musique." On a donc pris l’habitude, pendant qu’elle est à la cuisine, que j’enregistre des petites mélodies. Evidemment, tout n’est pas génial mais quand j’en ai une cinquantaine, je commence à faire le tri et j’en trouve quelques-unes sur lesquelles j’ai envie d’écrire des mots.

Deuxième phrase importante de ma femme : un jour, alors que nous sommes en voiture, je passe à la radio – je ne sais plus si c’est Au pays des merveilles de Juliet ou Diabolo menthe. Nous n’écoutons jamais mes disques à la maison. Et là, elle me dit : "c’est insensé et immoral que quelqu’un ait un talent et ne l’exerce pas." Et ça m’a travaillé…

Le retour a-t-il été difficile ?
Le disque, c’était simple : j’ai toujours pris plaisir à sculpter le son, c’est même ce que j’ai préféré de ma carrière. Ce qui a été difficile, c’est la scène. J’étais un peu comme quand on est adolescent et qu’on retarde le moment de faire l’amour pour la première fois. Après trente ans, ce qui est toute une vie, je me demandais qui j’aurais en face de moi. Des gens de soixante, cinquante ans ? La génération qui a adoré Diabolo menthe quand elle avait douze ans et qui en a maintenant quarante ? Je suis plutôt parano, je me disais qu’on ne m’aime plus, que les gens ne viendraient pas, qu’ils allaient m’envoyer des trucs à la figure.

Et quel souvenir gardez-vous de votre premier concert aux Francofolies de La Rochelle, l’été dernier ?
Je n’ose pas le dire. Plus la date du 13 juillet approchait, plus j’y allais à reculons. J’avais fini le disque en juin, commencé aussitôt les répétitions pour la scène et j’étais vraiment fatigué. C’était bourré à la Coursive, 1000 personnes. Et il s’est passé un truc qui arrive rarement – j’ai demandé à mes copains chanteurs de me le confirmer – j’ai eu une standing ovation en arrivant. A la seconde même, toute la fatigue, toute l’angoisse ont été balayées. J’ai retrouvé le plaisir de faire de la scène. Je suis donc revenu sérieusement : je ne vais pas faire que des disques mais aussi tourner.

Avez-vous vite retrouvé vos automatismes et votre savoir-faire dans l’écriture ?
Pas tellement en écrivant. Les automatismes reviennent plus à la guitare, en composant. Mais il faut essayer d’inventer des suites d’accords qui n’ont jamais encore été faits. Pour Irène, Irène, par exemple, il y a une suite ré mineur-si bémol-do-la mineur qui n’est pas habituelle dans la chanson. En revanche, J’ai peur, la première chanson de l’album, est construite sur une suite d’accords très classiques.

Comment se répartissent vos idées entre la chanson et le roman. Y a-t-il des sujets spécifiques ou plus naturels à l’un ou l’autre art ?
Je ne sais pas s’il y a vraiment des sujets dans la chanson. Pour moi, elle vient tout de suite : du moment que j’ai choisi une musique et que j’ai décidé d’écrire, des mots me viennent immédiatement. Et ces mots peuvent devenir ensuite un sujet. Dans le roman, c’est plus mélangé, le sujet domine plutôt que l’écriture. Il se trouve que j’ai plus appris de la chanson pour le roman que le contraire. Mon expérience de la chanson fait que j’ai une écriture romanesque très dense, très serrée. Dans un roman, on peut se disperser, écrire dix lignes ternes pour faire du rythme en repartant sur quelque chose de plus fort. Dans la chanson, il faut une idée ou une image forte à chaque ligne.

Yves Simon Rumeurs (Barclay-Universal) 2007
Tournée à partir de février 2008, avec l'Olympia à Paris le 12 mars