Lambert Wilson entre en chansons

Après plusieurs spectacles et disques consacrés à des répertoires de reprises, Lambert Wilson, acteur et fils du comédien Georges Wilson, sort son premier disque de chansons originales, intitulé Loin.

Loin, premier album original

Après plusieurs spectacles et disques consacrés à des répertoires de reprises, Lambert Wilson, acteur et fils du comédien Georges Wilson, sort son premier disque de chansons originales, intitulé Loin.

Lambert Wilson a été élevé dans la chanson française : sa mère a le goût "de la chanson populaire qui allait de Boby Lapointe à Pierre Perret en passant par Jacques Brel et les plus sérieux." Comme son père Georges Wilson met en scène Mahagony au Théâtre national populaire de Chaillot, entre à la maison le disque de Pia Colombo chantant Kurt Weill et Bertolt Brecht, et Comme on fait son lit on se couche prend une valeur de comptine, de même qu’il se passe et repasse le 45 tours de Ne me quitte pas par Nina Simone en rentrant de l’école.

Mais on chante aussi, dans la voiture des voyages familiaux, Les jolies colonies de vacances de Pierre Perret et Les Dalton de Joe Dassin. "Et les chansons qui m’ont fait réfléchir quand j’avais quatorze ans étaient plutôt en anglais, même si on peut en sourire aujourd’hui : la fin du mouvement hippie avec Simon & Garfunkel, Donovan, Cat Stevens… " Et il avoue, aujourd’hui encore, une culture musicale tout en paradoxes, contrepieds et extravagances, comme de chanter à pleine voix, quand il roule en scooter, le générique de Kiri le clown "Nous irons de ville en ville porter la joie de vivre". Mais il se demande, aussi, en regardant son enfance, s’il n’est pas "un futur chanteur devenu acteur".

Professionnellement, il a longtemps contourné la chanson française : il a chanté de la comédie musicale anglo-saxonne, monté des spectacles de standards américains ou de chansons de films… "C’était souvent timide et douloureux. On disait que c’était dilettante, éparpillé, touche à tout. Et puis au Casino de Paris en 1990, au théâtre des Abbesses en 1997, à Cité de la musique et à l’Opéra comique en 2004 et 2005, c’était du théâtre musical, dans un circuit subventionné et mis en scène par des hommes de théâtre."

Chanteur pop

Il a voulu pourtant entrer enfin en chanson, et par les voies "normales" : avec un disque réalisé chez Virgin par des partenaires venus de la chanson (dont le compositeur, réalisateur et guitariste Jean-Jacques Sage) et sur des textes de paroliers venus de la chanson (Boris Bergman, Marie Nimier, Marc Estève, Christophe Mali…). "Avant, j’avais fait quelques tentatives en n’étant pas très bien préparé.

 Je me rends compte qu’on prend plus de plaisir si on travaille plus en amont." Il l’a fait pour Candide de Leonard Bernstein dans la mise en scène de Robert Carsen, qu’il a chanté l’autre saison à la Scala de Milan et au théâtre du Châtelet à Paris – grosse préparation vocale, immersion dans une forme radicalement différente de son travail d’acteur. Donc, pour Loin, il a travaillé sa "voix moderne, hors du lyrique. J’avais toujours senti chez les gens avec qui j’avais travaillé qu’ils étaient critiques de mon instrument vocal et de mon niveau de chant, qu’ils faisaient avec. Or, Jean-Jacques Sage trouvait qu’il y avait en moi un chanteur pop, presque rock qu’il voulait faire monter à la surface."

Et Loin est né, lentement et dans un climat de confiance propice aux audaces nouvelles pour Lambert Wilson. Car, toujours formé aux rigueurs plus qu’aux libertés, à servir l’univers des metteurs en scènes, des auteurs et des scénaristes plutôt qu’à s’exprimer directement, il s’est toujours tenu en retrait de lui-même. Ce qui devait arriver arriva donc : il a écrit une chanson, qui apparaît presque à la fin de son album, Trop tard : "Je l’ai écrite dans une laverie à Milan, un dimanche pendant que j’étais à la Scala. Je me suis laissé envahir par cette mélodie qui appelait cette répétition – "trop tard, trop tard". J’avais ces choses-là à dire, même si je ne trépignais pas d’impatience de raconter à la planète à quel point je veux être connu pour ce que je suis vraiment. Quand je compare à ce qu’ont écrit Boris Bergman, Marc Estève ou Marie Nimier, je rougis parce que je vois le travail subtil des poètes par rapport à mes vers de mirliton. Mais je sais que j’avais reculé jusqu’ici parce que je suis acteur et qu’il me faut un personnage."

Enfant de la balle

A quarante-neuf ans, il ose donc se montrer tout droit, tel qu’en lui-même, et par la chanson. Loin le présente dans des humeurs pop d’un romantisme léger, dans des humeurs de lounge cultivé et des couleurs de sincérité touchante. Il partira plus tard en tournée, quand le disque aura eu le temps de bien s’installer dans le paysage. Il chantera ces nouvelles chansons, bien évidemment, mais aussi quelques reprises comme Amor Particular du chanteur catalan Lluis Llach. En attendant, il a "deux-trois chantiers un peu lourds", un tournage entamé ces jours-ci, une mise en scène de Bérénice en fin d’année aux Bouffes du Nord… Mais il aime maintenant ce jeu intime de la chanson, celle qui le dévoile le plus parmi "toutes les activités que j’ai pu avoir jusqu’à présent. Je crois que je suis sur la pente d’une impudeur qui n’est absolument pas de mise chez les Wilson. Je me fais tancer à chaque fois que je parle de la famille. Quand j’étais môme, j’ai lu moi-même dans des interviews de mon père qu’il vivait seul dans l’aile d’un moulin – on ne savait pas du tout qu’il avait une famille." Rien d’étonnant à ce que son disque contienne une chanson douce-amère de Christophe Mali intitulée Enfants de la balle et évoquant la jeunesse des " fils de "

Lambert Wilson Loin (Virgin Classics-EMI) 2007