Influences Caraïbes

Depuis le 20 octobre à Paris, le festival Influences Caraïbes propose une découverte des arts caribéens, au gré d’un itinéraire dense et varié. Contes, expositions et documentaires se referment ainsi sur une semaine de concerts, qui réunit la crème des musiciens guadeloupéens, guyanais, martiniquais, et portoricains. Parmi eux, Dédé Saint-Prix a subjugué l’auditoire du Divan du Monde jeudi 15 novembre. 

Paris à l’heure créole

Depuis le 20 octobre à Paris, le festival Influences Caraïbes propose une découverte des arts caribéens, au gré d’un itinéraire dense et varié. Contes, expositions et documentaires se referment ainsi sur une semaine de concerts, qui réunit la crème des musiciens guadeloupéens, guyanais, martiniquais, et portoricains. Parmi eux, Dédé Saint-Prix a subjugué l’auditoire du Divan du Monde jeudi 15 novembre. 

Elles s’invitent dans les rues de la capitale, ces îles, squattent les cafés, les salles de concert, les cinémas : Guadeloupe, Guyane, Martinique, Porto Rico, Haïti, Trinidad, offrent un visage pluriel, déclinent leurs disciplines artistiques, échangent. Héritier de Variations Caraïbes, le festival originel aujourd’hui scindé en deux, Influences Caraïbes propose depuis le 20 octobre, une vision éclectique et sans frontière de la richesse insulaire contemporaine, un parcours balisé d’expositions, de conférences et de contes. Surtout, l’association montmartroise Le Cri du Peuple, à l’origine de la manifestation, renoue avec sa vocation : sortir l’art de ses espaces habituels, pour toucher un large public dans des lieux familiers-bars, cafés.

Après des prémices chargées d’émotion, de débats et d’idées, le festival s’achève en apothéose à La Bellevilloise et au Divan du Monde pour une semaine de concerts, fière d’accueillir les meilleurs ambassadeurs de la musique caribéenne.

Le rideau s’est levé samedi 10 novembre au soir, sur des notes bleues chaloupées, un jazz qui s’acoquine avec la biguine et des syncopes arrangées au rhum. Après le pianiste guyanais Xavier Harry, le combo Iguane Xtet a ainsi distillé un mélange de biguine, de mazurka, de gwoka et de jazz pour une fusion pertinente. Swing, virtuosité des solistes et générosité : un énorme charisme émane de la formation soutenue par une rythmique hantée par le tempo des îles. Même niveau d’excellence mercredi 14 avec le quintet du pianiste martiniquais Bibi Louison. Reprises de Freddie Hubbard, hommage à Malavoi et compositions originales servent, en deux sets, un swing imparable, et une parfaite maîtrise instrumentale. En intermède, le chanteur et flûtiste Paulo Athanase envoûte la salle d’un bélé puissant et guttural.

Dédé Saint-Prix

Troisième volet le lendemain avec une icône de la musique martiniquaise : Dédé Saint-Prix, géant débonnaire, fort de simplicité et d’humanité, qui enivre un Divan du Monde un peu clairsemé en ce jour de grève des transports parisiens. Sur scène, il présente la formation du spectacle et de l’album Mélanj, créés à l’issue d’une résidence au printemps dernier au théâtre d’Ivry.

Avec sa comparse, percussionniste et chanteuse de formation classique, Marie-Céline Croné, ils choisissent chacun un musicien. Elle amène Sylviane Lorté, pianiste bercée d’art religieux ; il désigne Ismaël Wonder, ivoiro-malien, qui interprète la tradition mandingue en peul et en bambara. Quatre univers se croisent alors, et naviguent ensemble vers d’autres horizons : le maloya, le ladja, le bélé, la bossa nova, le blues ; une aventure à dos de chouval bwa, l’art qui fit la renommée de Dédé Saint-Prix. "La pulsation et l’ossature demeurent, mais elles s’acclimatent au gré des rencontres, des voyages et des influences", raconte l’artiste. "Le ghetto ne m’intéresse pas : ma musique garde les fenêtres et les portes ouvertes". Dans les interstices, s’engouffrent un parfum d’enfance, une ritournelle tendre, des polyphonies épurées à l’élégance troublante, des voix divines, une rythmique discrète mais incisive, tour à tour douce ou rageuse.

Surtout, ce soir là, se produit un miracle. La somme des musiciens égale bien quatre. Quatre personnalités qui se dessinent et s’affirment, liées par un respect et une estime réciproque. Une cinquième entité s’élève alors : une musique particulière et rassurante, une famille où chacun trouve sa place, un cocon qui charme l’auditeur et l’invite dans la ronde. "Je suis un miroir pour l’autre, et l’autre est un miroir pour moi", explique Dédé Saint-Prix, "Je lui permets de mieux se comprendre au travers de mon regard, et inversement". La connivence s’impose. Les regards s’échangent sur scène, comme les éclats de rire, implication et générosité en partage.

L’ambiance cosy et feutrée- un confort pour tendre l’oreille aux subtilités de la musique-explose soudain. Les pieds s’élancent dans des quadrilles. Dédé Saint-Prix reprend des standards de son île et ses vieux tubes, entonnés en chœur par le public. Paulo Athanase, venu incognito siroter une bière, est prié de rejoindre la scène illico. Le bélé, les sourires et le créole se lisent sur toutes les lèvres. Le Divan du Monde a reçu ce soir une belle leçon de métissage, grâce au maître qui reconnaît à l’époque ses bienfaits : "Par les moyens de communication et de voyage, les océans n’ont plus d’importance sur nous. Au départ, tout était loin. Et ce lointain nous effrayait. Finalement, l’homme s’est rapproché".

Tout au long du week-end, le périple continue avec la chanson guyanaise de Chris Combette, l’art marron de Prince Koloni, et la pop matinée de percussions portoricaines de Gabriel Rios. Que du bon en perspective, pour ce tout jeune festival amené à devenir incontournable en la matière !