Pagny chante Brel

Depuis des années, Florent Pagny alterne ce qu’il appelle des "albums atypiques" et des "albums de répertoire". Après Abracadabra en 2006 et avant un projet d’album qu’il pense demander à ses seuls "compères" Pascal Obispo et Lionel Florence, il ose une incursion dans un des temples les mieux gardés du patrimoine francophone : l’œuvre de Jacques Brel. Il sort Pagny chante Brel, un album de onze reprises de tubes immortels.  Son Brel est de facture très classique, dans des arrangements en général très sages et dans sa tessiture personnelle, plus haute que l’original. Rencontre avec un interprète qui ne cache pas l’empreinte de son grand aîné.

Album de reprises

Depuis des années, Florent Pagny alterne ce qu’il appelle des "albums atypiques" et des "albums de répertoire". Après Abracadabra en 2006 et avant un projet d’album qu’il pense demander à ses seuls "compères" Pascal Obispo et Lionel Florence, il ose une incursion dans un des temples les mieux gardés du patrimoine francophone : l’œuvre de Jacques Brel. Il sort Pagny chante Brel, un album de onze reprises de tubes immortels.  Son Brel est de facture très classique, dans des arrangements en général très sages et dans sa tessiture personnelle, plus haute que l’original. Rencontre avec un interprète qui ne cache pas l’empreinte de son grand aîné.


RFI Musique : Avez-vous beaucoup révisé les chansons de Brel pour enregistrer votre album ?
Florent Pagny : Je les connaissais par cœur. J’écoute Brel depuis mes 11-12 ans. A l’époque, je ne sais pas de quoi il parle mais je comprends tout : à cet âge-là, on n’a pas encore vécu Ne me quitte pas. Puis la vie fait vivre et on réalise que s’il y a un mec qui a déjà tout dit et tout raconté, c’est Brel. Il reste pour toujours le vieux frère qui a raconté la vie. L’histoire qu’il a vécue avec les femmes ne m’a pas poursuivi parce que j’ai pu un jour me détacher de la malchance et trouver l’autre moitié. Mais Brel m’a tout raconté : les copains qui piquent ta copine (c’est ça La Fanette), le service militaire (je ne l’ai pas fait mais, pour me faire réformer, je me suis trouvé dans le tas d’Au suivant) et même la synthèse de tout ce qui peut m’obséder avec Le dernier repas
Donc, j’ai toujours connu tout ce qu’il a produit. Quand, il y a un an et demi ou deux ans, j’y retourne et écoute le coffret, je les chante toutes. J’oublie parfois mes chansons. Les siennes, non. Je connais ce répertoire depuis 35 ans.

Peut-on prendre ce disque comme un autoportrait à travers les chansons de Brel ?
Oui. Brel raconte essentiellement la vie d’un chanteur et d’un homme, un homme qui a bien compris le mode de fonctionnement de l’humain. Moi, j’ai tendance à faire les mêmes études et comme j’ai pris les mêmes options, il a plein de réponses qui me conviennent.

Dans votre choix, on ne trouve pas des chansons comme Madeleine ou Les Timides. Pourquoi ?
Ce n’est pas moi. Les Bonbons non plus ! Madeleine, c’est l’histoire d'un grand dadais qui se fait mener par le bout du nez. Je ne dis pas que je ne me suis jamais fait mener par le bout du nez – ça m’est arrivé, mais pas longtemps. Par contre, je suis un petit roquet qui se défend autrement et qui a d’autres réactions. Ça ne nous empêche pas d’arriver parfois aux mêmes conclusions sur l’amour, Brel et moi ! Toutes ces chansons existent depuis plus de quarante ans et je me retrouve complètement dans celles que j’ai choisies. Autrement, je n’aurais pas été m’embarquer dans pareil projet. Par exemple, je ne me suis jamais vraiment retrouvé dans Brassens ou Ferré. Alors qu’avec Brel…

Au début des années 90, à l’époque de Presse qui roule, vous avez dit dans des interviews que vous pourriez tout plaquer et vous exiler comme Brel…
Ça ne m’étonne pas que je l’ai dit. A l’époque je vivais avec une personne qui en prenait plein la gueule tous les jours (Vanessa Paradis, NDLR). Elle est devenue plus tard une icône branchée mais, quand j’ai démarré avec elle, c’était la personne la plus détestée du pays. Et ça devenait fatiguant.
Mais je continue à penser que je m’exilerai ou qu’en tout cas je m’isolerai. Je vois mieux mes vieux jours en ermite que sur les plateaux télé. Mon mode d’existence sera au contraire de la surpopulation et tout ce que cela implique, tout seul avec ma petite femme, vieillissant tranquille en faisant notre potager, notre petite cuisine, nous contentant du lever et du coucher de soleil parce que c’est ce qui nous apporte la plénitude. Et j’espère parvenir à voir arriver la mort avec le sourire.

Vous avez choisi Yvan Cassar et Daran pour arranger les chansons. Quel était leur cahier des charges ?
François Rauber a mis la barre tellement haut en faisant les orchestrations des disques de Brel qu’ils étaient obligés de se rapprocher de ce qui existait. A part Mathilde qui est un peu plus à l’ouest, il n’y a pas énormément d’écart entre les versions de Brel et les miennes. Le challenge était assez fort. Quand Cassar et Daran ont réécouté Brel, ils ont dit tous les deux : " tu sais, c’est vraiment très bien produit". François Rauber était un génie pas assez reconnu pour ce qu’il a fait. On ne peut pas aller très loin de ce qu’il a fait.

Florent Pagny Pagny chante Brel (Mercury-Universal) 2007