Barbara en solitaire
Sous des airs de femme indépendante, Barbara cachait ses angoisses. Si elle avait choisi la solitude, c'était sans doute pour se retrouver. En réalité, cette solitude n'était qu'un paravent derrière lequel elle se cachait pour mieux se consacrer à des choses qui lui tenaient à cœur, celles des causes difficiles par exemple. Son engagement n'était pas feint, il l'embarquait parfois dans des épisodes douloureux.
Sous des airs de femme indépendante, Barbara cachait ses angoisses. Si elle avait choisi la solitude, c'était sans doute pour se retrouver. En réalité, cette solitude n'était qu'un paravent derrière lequel elle se cachait pour mieux se consacrer à des choses qui lui tenaient à cœur, celles des causes difficiles par exemple. Son engagement n'était pas feint, il l'embarquait parfois dans des épisodes douloureux.
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Marie Chaix : Elle avait besoin de vivre seule. Elle n'a jamais pu vivre avec quelqu'un en permanence. Elle disait qu'elle avait besoin de se replier, d'être seule. Elle n'a jamais vraiment donné d'explications. Elle a eu de nombreuses amours. Elle était très discrète là-dessus. C'était un domaine privé. Je pense que le fait d'être seule lui permettait d'être plus consciente de ce qui se passait autour d'elle. Ça semble paradoxal de s'isoler et en même temps de se donner autant à un public ou à la scène mais je pense que c'était justement une contrepartie. Un besoin d'être seule pour se retrouver. Par contre, si elle avait besoin de quelqu'un, il fallait être là tout de suite. Elle pouvait vous appeler en pleine nuit pour qu'on lui apporte un verre d'eau.
Elle avait des crises d'angoisse. La solitude peut amener à l'angoisse mais c'est quand même vers la solitude qu'elle revenait toujours.
Valérie Lehoux : N'as-tu pas eu la sensation que cet espèce de long chemin à travers la chanson, à travers la scène, à travers le succès… elle s'est quand même apaisée. Quand on entend parler de la Barbara des années 50, c'était une jeune femme révoltée, qui en voulait au monde entier, aux bourgeois, qui pouvait avoir une certaine violence dans ses relations avec les gens, qu'elle a gardée un peu, qu'elle a retournée contre elle parfois dans ces grandes angoisses quand le succès est arrivé. Petit à petit, malgré tout, elle s'est apaisée, sans jamais l'être tout à fait. Est-ce que ce n'est pas cela qui l'a fait aller de plus en plus vers une solitude sereine, dans sa maison … Etait-elle si seule que ça d'ailleurs ? C'est une question que je me suis parfois posée. Elle chantait toujours la solitude. Tu as l'impression qu'il y a quand même beaucoup de gens qui sont passés dans sa vie…
Marie Chaix : J'espère. A partir du moment où elle a été dans sa maison de Précy, elle a eu une vie plus normale, entre guillemets. Elle a découvert qu'on pouvait vivre loin de Paris. Non pas parce qu'elle avait une vie sociale à Paris. Elle était à Paris comme elle aurait été à l'hôtel. Elle ne pensait pas pouvoir vivre dans une maison à elle, dans un lieu ou elle aurait ses meubles. Elle pensait que toute sa vie, elle serait une vagabonde. A partir du moment où elle a été bien chez elle, ça lui a apporté beaucoup d'apaisement en effet. Ce qu'elle a dit peu à peu, après avoir eu les angoisses du succès, c'est que c'était un énorme privilège de pouvoir faire le métier qu'elle voulait, de pouvoir choisir la vie qu'elle voulait. Quelque fois aussi elle se révoltait elle se sentait mal à cause du monde qui l'entourait et des injustices. Plus elle avançait, plus elle s'est engagée dans des causes mais ce n'était jamais de manière ostensible. C'était en secret, depuis sa maison. Elle était solitaire mais elle savait ce qui se passait en dehors de murs. Elle n'était pas replier sur elle-même. Elle savait et cela la faisait souffrir.
Valérie Lehoux: Au point qu'elle avait fait installer une ligne de téléphone spéciale entre deux services où il y avait des malades du sida dans les hôpitaux parisiens et chez elle pour qu'ils puissent l'appeler n'importe quand. C'est Jean-Yves Billet qui travaillait dans sa maison de disques au moment du dernier album qui me racontait que quand, parfois, il arrivait chez elle, pour travailler, … puisqu'ils arrivaient tous pour répéter l'album, il la trouvait épuisée parce qu'elle avait passé la nuit au téléphone avec des malades du sida. Elle avait aussi visiblement un engagement par rapport aux femmes bosniaques, c'était terrible à cette période-là. C'étaient des tas d'engagements qu'on ne savait pas. Quand tu dis que c'était une solitude qui la préservait, c'était quand même une protection très relative parce que malgré tout, dans sa solitude, elle se mettait finalement d'autant plus à nu. Quand on est seul et qu'on s'engage…
Marie Chaix : elle était très fatiguée. Il y avait de quoi s'épuiser. Elle ne s'est pas isolée pour être tranquille.
Valérie Lehoux : Par contre, ne s'est-elle pas isolée pour être tranquille du public ? Qui était comme elle le disait, son remède et son poison. Ça a été terrible aussi la pression des gens…
Marie Chaix : Oui, et particulièrement sur un plan privé, quand les gens la poursuivait et venait cogner à sa porte. C'était insupportable. C'était très dur. Elle a trouvé un palliatif qui était le fax. Elle adorait les fax et en a même fait une chanson. Ça l'a beaucoup aidé à éviter de jeter les gens dehors. Ce qu'elle a quand même continué à faire car il y en avait quelques uns qu'elle n'a plus voulu sur son paillasson. Ça lui permettait d'envoyer des petits mots à des gens sans avoir une proximité trop gênante parce qu'elle avait peur de cette proximité. Elle avait peur et en même temps, elle assumait, c'était ce qu'elle attirait. On ne peut pas vouloir à la fois un public qui vient par millier et puis les fichent dehors. C'était toujours très difficile de se préserver et d'assumer son rôle.
Valérie Lehoux : Juste une petite histoire qui me revient. Ce n'est pas parce qu'elle habitait dans une maison à la campagne à 60km de Paris, qu'elle se préservait complètement du public. Robert Charlebois, la grande voix de la chanson populaire québécoise, qui lui aussi a des fans par milliers chez lui m'avait raconté qu'un jour il était aller dans sa maison de Précy. Elle lui dit : "viens voir" et elle lui montre ….Il y avait trois tentes dans le champs d'à coté et c'étaient des fans qui campaient à proximité de la maison. Lui-même était absolument sidéré de çà, qu'il n'avait jamais vu pour personne.
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