Sinik, troisième round
Révélation rapologique 2005, Sinik a confirmé son buzz avec son second album Sang froid, paru l’année dernière. À la veille de la sortie du très attendu troisième opus, simplement titré Le toit du monde, Sinik revient sur son duo surprenant avec James Blunt, son clash violent avec Booba, son incurable nostalgie et son désir de raccrocher les gants après quatre albums. Entretien avec un challenger devenu favori, Thomas Idir, alias Sinik le rappeur mélancolique.
Un rappeur nostalgique
Révélation rapologique 2005, Sinik a confirmé son buzz avec son second album Sang froid, paru l’année dernière. À la veille de la sortie du très attendu troisième opus, simplement titré Le toit du monde, Sinik revient sur son duo surprenant avec James Blunt, son clash violent avec Booba, son incurable nostalgie et son désir de raccrocher les gants après quatre albums. Entretien avec un challenger devenu favori, Thomas Idir, alias Sinik le rappeur mélancolique.
RFI Musique : Vous vous êtes mis la pression pour enregistrer ce troisième album ?
Sinik : Sincèrement, la seule pression que j’avais, c’était de faire mieux artistiquement. Mon plus gros challenge était d’arriver à surprendre les gens, trouver de bonnes thématiques et de meilleurs instrus. C’étaient les trois points que je voulais atteindre. Il faut trouver un équilibre entre les thèmes classiques et les nouveautés, entre des morceaux durs comme Représailles et d’autres plus personnels comme Daryl. L’album est un peu moins crié que Sang-froid.
Pouvez-vous nous parler de ton duo avec James Blunt, Je réalise ?
Ça fait partie des surprises. C’est mon troisième album, je peux tenter plus de choses, j’ai toujours kiffé ce qu’il faisait, on est sur la même maison de disques. J’ai donc fait une demande assez classique et il se trouve que c’est un passionné de musique. Ça l’intéressait tout autant que moi de bosser avec quelqu’un qui n’est pas dans son registre musical. On s’est rencontré, ça s’est fait au feeling, tout naturellement. C’est un vrai travail de collaboration.
Dans un morceau, vous dites "On m’a toujours mis à l’épreuve, jamais mis à l’amende"…
Que ce soit dans le rap ou la vie en général, on a toujours voulu savoir ce que j’avais dans le ventre, on m’a toujours mis des bâtons dans les roues. Que ce soit au niveau judiciaire ou dans le rap, je m’en suis toujours sorti plus ou moins. C’est donc une manière de dire qu’on ne m’a jamais facilité la tâche contrairement à ce que certains peuvent penser, et que malgré ça, je fais mon petit bonhomme de chemin.
Le clash* avec Booba a été stoppé net. Pourquoi ?
Il y deux choses : la première, c’est qu’on a attendu sa réponse qui pour moi n’était même pas un clash, je le dis franchement, ça ne m’a pas touché. Et deuxièmement, il y avait l’image que ça donnait du rap. Je me suis retrouvé un peu dépassé par l’ampleur que ça a pris. Moi j’estimais avoir fait ma réponse proprement et pour la suite, j’avais préparé un morceau plus dur que L’homme à abattre. Quand il a ramené sa réponse, je me suis retrouvé comme un con avec un morceau sur les bras et un décalage énorme. On s’est dit que c’était plus raisonnable de ne pas le sortir, ça n’en valait pas la peine et ça aurait juste permis aux gens de continuer à cracher sur le rap et de vendre du papier sur le dos des rappeurs.
Que raconte Rue des bergères ?
C’est la suite d’Une époque formidable version 2008. Je suis toujours nostalgique de mon quartier et je crois que je le resterai à vie, parce que je suis convaincu que les meilleurs moments, on les a déjà vécus. Je sais que ça peut paraître cynique de dire ça mais je reste nostalgique de l’enfance, de mes délires, des parties de foot qui duraient dix heures sous le soleil, de tous ces trucs que je ne vis plus aujourd’hui. Ça me fait du bien d’en parler, et ça revient régulièrement. Parler comme ça de ma rue, c’est une marque de fabrique.
Beaucoup de rappeurs français refusent de vieillir au micro. Et vous ?
Je suis convaincu que ça ne sert à rien de tirer sur la corde. C’est comme un boxeur : Mike Tyson a niqué toute sa carrière en faisant des combats en trop et au final on ne retiendra que ça de lui. Moi j’ai toujours dit qu’après quatre albums, je ferai le point avec moi-même et je me demanderai si je peux encore apporter quelque chose. Là, j’ai un jeune dans mon équipe qui s’appelle Cifack, je vais commencer à le produire et ça ne me dérange pas de me dire qu’un jour, je vais passer de l’autre côté. Et ça n’est pas un discours de politicien : je suis dans la musique et j’ai envie d’y rester, donc quand je ne rapperai plus, qu’est-ce que j’aurai de mieux à faire que de produire les jeunes et leur apprendre ce que j’ai appris ? La reconnaissance et la gloire, je sais que ça s’arrêtera un jour mais je ferai en sorte que ça soit moi qui m’arrête. C’est un sport de combat, tout le monde le sait. Il y a une compétition, chacun veut faire mieux, mais c’est un sport super sain. Tant qu’il y aura de la compétition, il y aura des bons albums.
* dispute musicale et verbale entre les deux rappeurs par morceaux interposés.
Sinik Le toit du monde (Up Music/Warner) 2007