L’esprit collectif de Diely Moussa Kouyate

De Bamako à Paris, en passant par Abidjan et Conakry, Diely Moussa Kouyate s’est illustré au cours des trente cinq dernières années aux cotés d’un grand nombre de vedettes de la musique d’Afrique de l’Ouest. A cinquante cinq ans, le guitariste mandingue sort son troisième album solo intitulé Le Temps sur lequel il a convié d’anciens et célèbres complices.

Le Temps, une promenade musicale entre amis

De Bamako à Paris, en passant par Abidjan et Conakry, Diely Moussa Kouyate s’est illustré au cours des trente cinq dernières années aux cotés d’un grand nombre de vedettes de la musique d’Afrique de l’Ouest. A cinquante cinq ans, le guitariste mandingue sort son troisième album solo intitulé Le Temps sur lequel il a convié d’anciens et célèbres complices.

Pour une fois, les rôles ont été inversés. D’habitude, c’est lui qui se met au service de leurs chansons. Avec Le Temps, Diely Moussa Kouyaté a réalisé un rêve qui lui tenait à cœur depuis bien longtemps : inviter sur son propre album quelques-unes des voix les plus connues qu’il a accompagnées sur scène comme en studio au cours de sa carrière. Celles de Mory Kanté, Salif Keita, Kanté Manfila, Abdoulaye Diabaté, Mamani Keita… Tous ont répondu présents, ravis de contribuer au projet de leur dévoué et talentueux guitariste.

"J’ai fait la musique et je leur ai proposé d’apporter leurs textes pour les chanter", explique le musicien qui se dit autant guinéen – sa nationalité et ses origines – que malien. Quand il compose, il lui arrive de fredonner une mélodie "même si c’est faux", mais jamais il n’a osé chanter dans un micro. "Pourtant, ma maman chantait très bien, mais je me suis mis dans la tête que je ne saurais pas bien faire. Chez moi, on sait jouer de tous les instruments mais on ne sait pas chanter", justifie-t-il. Suivant l’exemple de son père, membre de L’Ensemble instrumental du Mali auquel appartenait aussi sa mère, Diely Moussa a préféré s’exprimer sur les cordes d’une guitare, tout comme son grand frère Kémo qui a longtemps joué avec la Sud-africaine Miriam Makeba.

D’abord, il a bien sûr commencé par le balafon : "Mon oncle, le petit frère de ma maman, était un grand balafoniste. Quand je quittais l’école, pendant qu’il était au chant, je m’amusais avec son instrument." Ce xylophone d’Afrique occidentale fait figure de blason musical des Kouyaté depuis plus de quatre-vingt générations ! L’histoire de cette illustre famille de griots, résumée en six minutes sur le dernier morceau que contient Le Temps, remonte à l’époque glorieuse de l’empire mandingue et de ses souverains devenus héros, Soundjata Keita et Soumaoro Kanté.

Diely Moussa raconte : "C’est notre aïeul qui a joué avec le balafon de Soumaoro Kanté que personne en fait, ne devait toucher (au risque d’être immédiatement tué, rapporte la légende, ndr). Alors qu'il était des milliers de kilomètres de là, Soumaoro a entendu le son de son propre balafon. Il s’est transformé, il est venu dans le vent comme un avion. Mon grand-père n’a pas eu peur et s’est mis à lancer des louanges au brave Soumaoro qui a accepté de lui laisser le balafon." Le griot a continué à exercer ses fonctions d’historien et de conseiller personnel auprès de Soundjata Keita, après la victoire de l’ancêtre de Salif Keita sur Soumaoro Kanté. Huit siècles plus tard, ce lien privilégié entre les Kouyaté et les Keita n’a pas totalement disparu. Aujourd’hui encore, lorsqu’il accompagne Salif Keita en tournée, Diely Moussa est chargé d’aller trouver le chanteur à la fin des concerts pour le convaincre de revenir faire le rappel que demandent les spectateurs. "Et il m’écoute", assure le guitariste.

Rail Band

Si tous deux ont participé dans les années 1970 à l’aventure du Rail Band, l’une des plus fameuses formations du Mali, ils s’y sont en réalité succédé. Deux mois à peine après que Salif a rejoint le groupe concurrent des Ambassadeurs du Motel, remplacé au chant par Mory Kanté jusqu’alors employé au balafon, le guitariste Ousmane Sogodogo choisit lui aussi de quitter le Rail Band.

Pour combler ce départ, le bassiste Cheik Traoré a alors l’idée de recruter Diely Moussa qui s’est fait remarquer aux cotés du chanteur Kasse Mady Diabaté avec l’orchestre de Kangaba, une ville proche de la frontière guinéenne. Le jeune musicien accepte aussitôt la proposition. Lorsqu’il se présente un jeudi matin à Bamako, on lui donne sa tenue de scène, un peu d’argent et on l’informe qu’il jouera dès le lendemain. Mais aucune répétition n’est prévue avant le concert qui se tient au stade omnisport ! Pour Diely Moussa, ce n’est pas franchement un handicap : "J’avais appris leur répertoire en écoutant leurs morceaux à la radio, mais ils ne le savaient pas."

Félicité par le public et les musiciens, surpris par sa performance, il a réussi son test haut la main et trouve rapidement sa place aux cotés de Djelimady Tounkara, "le meilleur guitariste d’Afrique de l’Ouest". Leurs jeux respectifs se marient sans heurts. Chacun a sa spécificité. “Quand j’étais au Rail Band, souvent les gens qui venaient pensaient qu’il y avait un balafoniste. En fait, tout ce que je fais à la guitare, ce sont des notes de balafon.” Quand on naît Kouyate, on n’échappe pas à un si vieil atavisme familial.

Diely Moussa Kouyate Le Temps (Universal Jazz) 2008