Désert Blues, peinture musicale au cœur du Mali

Un message de paix

Du 14 au 17 juin dernier, le musée du Quai Branly à Paris a présenté la création multimédia de Michel Jaffrennou Désert Blues, peinture musicale réussie d’un Mali aux vivantes couleurs tamasheq, bambara et songhaï. RFI Musique assistait samedi à l’avant dernière représentation. Reportage !

Honneur aux dames. Ce sont d’abord les femmes du groupe tamasheq Tartit qui ouvrent le spectacle. Ensuite, Afel Bocoum, tout de blanc vêtu, délivre ses messages.

Habib Koité arrive du fond de la salle, sur un air de flûte, avant de rejoindre sur scène son groupe Bamada. Bientôt se dessine au fond de la scène une carte du Mali. Beaucoup de couleurs, quelques villes : Kayes, Bamako, Ségou, Niafunké, Tombouctou, plus au nord deux mots inscrits au feutre : "le désert".

Ampleur extraordinaire

Le décor est planté. Désert Blues, le spectacle multimédia de Michel Jaffrennou raconte à travers la musique, la perception du monde des trois principaux groupes de population du Mali : les Tamasheqs, les Bambaras et les Songhaï. Joué du 14 au 17 juin au musée du Quai Branly à Paris, le spectacle est né d’une rencontre du foisonnant réalisateur metteur en scène Michel Jaffrennou et du groupe Désert Blues, à Nouakchott, en Mauritanie, le 5 avril 2005.

L’issue de cette rencontre devait être tout d’abord le tournage d’un documentaire, puis la création d’un spectacle multimédia pour le Musée du Quai Branly autour de cette diversité musicale et culturelle malienne que représente le groupe. Deux ans plus tard, le spectacle, cet avant-dernier soir de représentation, a pris une ampleur extraordinaire. Désert Blues est un voyage, géographique, culturel et onirique dans un pays où la diversité constitue l’essence même de l’identité. Sur scène se frôlent, se sourient, se font danser, dialoguent ensemble, des musiciens issus des principaux groupes de population du pays.

Le groupe Tartit, originaire de la région de Tombouctou, au nord du pays, représente les Tamasheq. Afel Bocoum et son groupe Alkibar, de la région de Niafunké, à quelques kilomètres au sud de Tombouctou, d’ethnie songhaï est davantage connecté à la mystique du fleuve Niger, qu’à celle du désert. Plus au sud enfin, le griot Habib Koité, campe à lui seul la grandiloquence de l’histoire bambara. Cette richesse, même si elle est intrinsèquement malienne ne va pas forcément de soi dans un pays déchiré jusqu’à peu par une rébellion touareg au nord, et de fortes disparités entre le nord et le sud du pays.

Gourmandise et poésie

Derrière les musiciens, avec eux, un monde s’anime sans cesse. Un monde qui prend la forme du soleil, de la lune, des génies, de belles femmes, de sensations, de couleurs… Michel Jaffrennou qui a rencontré l’Afrique à travers Désert Blues, raconte la poésie des paroles des morceaux, l’éveil des sens du contact malien, et le processus de création visuelle du spectacle : "Ils sont vingt et un musiciens sur scène. En fait nous sommes vingt-deux : j’ai créé cette peinture métamorphique d’une heure et demie".

Construit autour de la matière, des couleurs, des symboles, de la nature, ces sensations visuelles donnent au spectacle musical une ampleur inattendue. "Tout est acteur. Au milieu du spectacle, le grand arbre qui apparaît est acteur", rappelle Michel Jaffrennou. Le soleil rougeoyant aussi. Et dans tout le spectacle ces impressions croquées avec gourmandise et poésie, donnent à voir un Mali onirique, connecté à la nature et aux génies.

Habib Koité, directeur musical du projet et co-metteur en scène du spectacle multimédia, habite sa fonction griotique sur scène. Il est l’intermédiaire entre le groupe et le public, dépositaire de l’histoire du projet, de la présentation de chaque musicien. "Tombouctou, il paraît que c’est la ville la plus lointaine du monde, mais c’est chez nous et c’est tout près", dit-il en introduisant le groupe tamasheq Tartit. La diversité se fait aussi entendre dans le réarrangement des morceaux issus du répertoire de chaque groupe. Diversité d’instruments, de langues. Le kamele n’goni du sud du pays prend sa place dans un morceau d’Afel Bocoum, tandis que le violon traditionnel du nord vient faire entendre son chant dans un morceau en bamana d’Habib Koite, tandis que Tartit s’exprime en peul, tamasheq ou songhaï…

Ce soir, c’est déjà l’avant-dernière représentation du spectacle multimédia Désert Blues. Si le groupe va continuer à tourner dans sa formule concert, le voyage visuel s’arrête bientôt. Créé pour le musée du Quai Branly, "là où dialoguent les cultures", le spectacle ne tournera pas ailleurs : trop cher. Pas même en Afrique, dommage. Désert Blues continuera à divulguer ses messages de paix, de tolérance et d’ouverture, avec les seules images que déploient sa musique.

Eglantine Chabasseur

Documentaire Désert Blues, un voyage musical au cœur du Mali. Séances en accès libre en salle de cinéma au musée du quai Branly .
Jusqu’à Tombouctou, livre illustré avec les dessins des carnets de voyages de Michel Jaffrennou au Mali, textes de Henri Gougaud, direction de l’ouvrage : Mondomix Média, co-édition Les Editions du Point d’Exclamation –  (ARTE édition/Harmonia Mundi) 2007