Les heures solitaires de Syd Matters
En deux albums plébiscités et quelques concerts lumineux, les Parisiens de Syd Matters sont devenus les fers de lance de la scène folk-rock indépendante française, un statut enviable que ne devrait pas leur ôter l’introspectif Ghost Days. Plongée dans les jours d’isolement créatif d’un songwriter - Jonathan Morali - et de son groupe, à la stature internationale désormais (presque) assumée.
Troisième album
En deux albums plébiscités et quelques concerts lumineux, les Parisiens de Syd Matters sont devenus les fers de lance de la scène folk-rock indépendante française, un statut enviable que ne devrait pas leur ôter l’introspectif Ghost Days. Plongée dans les jours d’isolement créatif d’un songwriter - Jonathan Morali - et de son groupe, à la stature internationale désormais (presque) assumée.
"Surréel", "exhibitionniste"... Visiblement, Jonathan Morali ne se fait toujours pas à l’attention qu’on lui accorde à chaque album, et plus encore à celui-là. Ce Parisien de 27 ans et son groupe n’ont pourtant rien de nouveaux venus. Leur précédent (et second) opus, Someday we will foresee obstacles, avait provoqué l’engouement général du public ‘indé’ hexagonal, séduit par leur pop planante et mélancolique réminiscente de Radiohead, Pink Floyd et autres Nick Drake.
Mais cette fois, le passage de témoin – ce moment crucial où les chansons sortent du giron de leur créateur pour devenir un produit manufacturé, écouté et ausculté – prend des allures d’épreuve. La faute à une gestation particulièrement lente et solitaire des chansons, palpable à chaque écoute : "Ce sont des morceaux que j’ai composés dans ma chambre, pour moi. Je passe naturellement beaucoup de temps tout seul, et Ghost Days est à la fois le produit et le témoignage des ces jours où je me retranche, sans avoir besoin de personne."
Une démarche marquée, enrichie même, par les moments de doute et d’absence d’inspiration : "La composition était très difficile. Plus tu écris des chansons, plus tu veux avancer, changer, te remettre en question. Du coup, j’ai réalisé beaucoup moins de démos que pour les albums précédents. Le manque d’inspiration, cette angoisse de tout artiste, est devenu pour moi un moyen d’expression : qu’est-ce qu’il se passe quand il ne se passe pas grand-chose ?".
Etat second
De fait, l’évocation de ces moments de creux existentiel traverse comme un fil conducteur l’ensemble de l’album. Le chanteur se croit "mort et enterré dans sa propre chambre" (Everything Else), se demande dans le superbe Ghost Days s’il n’assiste pas à un bal de revenants, se remémore, gosse rêveur, sa planque nocturne dans la cuisine familiale (Cloudflakes, également magnifique). Tout, de la voix hantée et plaintive de Jonathan au centaure flouté de la pochette – signée du vidéaste Jason Glasser –, ramène à un état mi-rêvé, mi-conscient.
Cette cohérence du propos et de l’esthétique, Jonathan Morali nie l’avoir préméditée : "Ce n’est pas un album-concept. Ça n’a jamais été réfléchi de notre part."
Ghost Days puise donc ses racines dans la solitude du songwriter. Paradoxalement, l’enregistrement a été, plus que tout autre album du groupe, une réalisation collective. "C’est la première fois que les musiciens s’investissent autant dans le projet, reconnaît Jonathan. J’avais essayé de garder les démos les plus simples possibles pour qu’il y ait de la place pour les arrangements des autres. Du coup, le groupe a pu faire avancer les morceaux beaucoup plus loin que je ne l’aurais fait."
Symbole de cette osmose enfin trouvée, My and my horses débute comme une chanson folk classique et termine sa course en un déluge très free de clappements de main, cordes dissonantes et instruments en tous genres. "Il y a une part de magie dans ce titre. Olivier [ndlr : Marguerit, guitariste et tête chercheuse du groupe] est arrivé avec une partie cordes écrite je ne sais trop quand, une amie a enregistré des ondes Marthenot en deux prises… C’est cette spontanéité que je recherche dans la musique. Lorsqu’il se passe quelque chose entre les musiciens sans que ce soit maîtrisé. "
L’appel de l’étranger
Une complicité acquise avec l’expérience de leurs nombreux concerts, en France principalement, mais aussi en Angleterre et aux Etats-Unis. Car la musique de Syd Matters, d’inspiration essentiellement anglo-saxonne, semble un peu à l’étroit dans les frontières hexagonales. "Je fais partie de cette génération à qui on a dit qu’il n’y avait pas de place pour la chanson en anglais en France, reconnaît Jonathan. L’une des portes de sortie, c’est d’aller voir à l’étranger. J’en ai marre qu’ici on me présente la question de la langue comme une trahison". La qualité de production, inédite pour un groupe français de cette scène, et l’écriture très ambitieuse font précisément de Ghost Days un disque taillé pour le marché international, où les songwriters anglophones venus de France échouent encore à s’imposer.
Poussé par leur nouveau label, Because – l’une des rares entreprises du secteur à connaître une croissance exponentielle –, Syd Matters a de quoi nourrir quelques ambitions. "Il est vrai que Because nous offre la possibilité de nous exporter, confirme Jonathan. Mais je n’aime pas trop le terme d’ambition, juste une envie de toucher le plus grand nombre, en France et ailleurs " C’est tout le mal qu’on leur souhaite.
Syd Matters Ghost Days (Because) 2008
En tournée dans toute la France. Les 12, 13 et 14 février à Paris (Café de la Danse)