Baloji

Dans la catégorie rap francophone, 2008 sera l’année de la Belgique. En janvier sortent deux albums venus du Plat Pays : celui de James Deano (avec son single Les blancs ne savent pas danser ) et celui de Baloji, ex-membre du collectif Starflam devenu artiste solo avec Hôtel Impala. Entretien avec un rappeur majeur.

Rappeur entre deux mondes

Dans la catégorie rap francophone, 2008 sera l’année de la Belgique. En janvier sortent deux albums venus du Plat Pays : celui de James Deano (avec son single Les blancs ne savent pas danser ) et celui de Baloji, ex-membre du collectif Starflam devenu artiste solo avec Hôtel Impala. Entretien avec un rappeur majeur.

Le premier album de Baloji, Hôtel Impala, est superbe. Très personnel et très musical. Entouré d’un groupe live talentueux, l'artiste a donné son premier concert parisien le 28 novembre dernier au Zèbre de Belleville, à Paris. Il a prouvé son charisme.

RFI Musique : Baloji, quelles sont vos origines ?
Baloji : Je viens de Liège, une ville ouvrière où je suis arrivé à l’âge de quatre ans. Je suis né au Congo mais mon éducation est belge. J’ai trente ans et j’ai commencé à m’intéresser à la musique vers 13-14 ans. J’écrivais des poèmes, ça a évolué et j’ai rejoint le groupe Starflam, qui s’appelait alors Malfrats Linguistiques. Après une dernière tournée qui s’est mal passée, j’ai quitté le groupe et arrêté la musique.

Qu’est-ce qui vous a remis le pied à l’étrier ?
J’ai un peu galéré et un jour, une femme m’a appelé en me disant qu’elle avait une lettre pour moi. Elle m’envoie la lettre, qui est une lettre de ma mère, que je ne connaissais pas. Mon père avait une vie d’homme marié avec ma mère d’adoption et vivait en Belgique, près d’Ostende. C’est un homme d’affaires qui a eu une aventure avec ma mère au Congo. Il m’a amené en Belgique à l’âge de quatre ans, sans rien me dire. Je me suis retrouvé du jour au lendemain avec sept frères et sœurs. Ma mère n’avait jamais eu de réponse aux courriers qu’elle m’avait écrits, elle s’inquiétait. J’ai eu sa lettre en octobre 2005. J’ai appelé au numéro indiqué, et je l’ai eu en ligne. Elle m’a dit qu’elle m’avait vu à la télé sur MCM Afrique, qu’elle était sûre que c’était moi.

Je me suis dit que j’avais quelque chose à raconter musicalement. J’ai voulu raconter par tranches de vie ce qui m’est arrivé depuis mon départ du Congo jusqu’à aujourd’hui, où je veux y retourner. J’ai trouvé ce morceau de Marvin Gaye, I’m Going Home, qui est resté quasi inédit suite à une embrouille avec Berry Gordy. Les paroles me parlent, elles sont liées à mon histoire : "I’m going home to see my mother". De là, j’ai trouvé le canevas pour faire tout le disque. Pour écrire, je suis super lent. Je suis jaloux des mecs qui écrivent un texte en deux trois heures et qui posent en une demi-heure. Donc je travaille plus, tous les jours.

Les ambiances de vos morceaux sont très loin du rap de rue…
J’ai eu l’aide d’un arrangeur belge, Peter Lesage. Il m'a permis de trouver les bons musiciens et à mettre mes idées dans les cases. J’aime bien la soul à la Tina Turner, avec un feeling live. Avec Starflam, on devait jouer pour gagner notre vie et on s’est souvent retrouvé devant des publics rock. Là, on doit amener un plus pour les convaincre vu que, par définition, ils détestent le rap à cause de l’absence de musiciens. Maintenant, je veux être sur scène avec un groupe. Il y a des morceaux dans lesquels je raconte des trucs qui me sont arrivés il y a cinq ans, quand j’étais sans papiers et que j’ai eu un avis de quitter le territoire. Je me suis retrouvé en centre fermé à vingt- deux ans, et ma copine de l’époque m’a sauvé la vie. Elle s’est occupée de tout payer et de signer les documents.

Que penses-vous de l’image qu’a le rap ?
Je suis fan de Booba, mais je ne me retrouve pas dans le rap de rue, ni dans ce qu’il véhicule. Booba ment à tout le monde, c’est un super bon menteur et il a une plume extraordinaire. Musicalement, c’est de la haute voltige, pas un n’arrive à sa cheville. C’est ça la situation du rap aujourd’hui : le prophète est un menteur, mais ça reste le leader. J’ai beaucoup de respect pour son travail, c’est ça le problème : tous les autres le suivent et n’y arrivent pas. On vend le côté "on est des abrutis incultes" alors que les gens qui veulent faire croire ça sont tout le contraire. C'est là où j’ai un problème. J’étais super fan de NTM et d'Akhenaton, mais ils se mettent au niveau de leur public. Tout le monde baisse son niveau pour que les gamins comprennent et apprécient. On m’a dit qu’Abd al Malik et Grand Corps Malade marchaient très fort, je trouve ça bien qu’il y ait une alternative. Sur mon disque, je préfère être moi-même, c'est à prendre ou à laisser. C’est ce que je suis.

Vous considerez-vous Belge ou Congolais ?
J’aime bien le terme "Afropéen". Mais j’ai une carte d’identité belge, j’ai eu la nationalité. Je ne dirais pas que je suis un mutant, c’est un peu fort, mais je vis entre deux mondes.

 

- 08/09/2016

Baloji Hôtel Impala (Delabel/Virgin/EMI) 2008
En concert au Café de la danse, à Paris, le 15 février et le 5 avril à La Cigale.