Mix-up Bamako

Rencontre franco-malienne

Le festival marseillais Marsatac se délocalisait et proposait le 15 février dernier la première édition de Mix-up Bamako, un rendez-vous de musiques électroniques et des musiques actuelles du Mali. Un bel échange entre des artistes aussi différents que Mangala Camara, Issa Bagayoko, Ahmed Fofana, David Walters ou Alif Tree. Reportage sur place à Bamako.

A événement inattendu, promo inédite à Bamako. Un sotrama – ce populaire petit fourgon vert découpé pour entasser une quinzaine de passagers – a silloné la capitale malienne pendant cinq jours pour battre la réclame. Customisé aux couleurs du festival marseillais Marsatac, qui organise la soirée, le véhicule bardé de haut-parleurs crachotants fait tourner des têtes incrédules, lever des regards surpris et déclenche de grands sourires et gestes d'encouragement.

Le pari d'une soirée fusion éléctro-musique mandingue est osé. Il y a bien en tête d'affiche Mangala Camara, une valeur sûre de la scène malienne. Et aussi un plateau hip hop qui peut attirer les jeunes Bamakois. Reste que le cœur de la soirée est le "mix-up", cette création éléctronique franco-malienne. Et que ce genre musical est quasi-inexistant au Mali. En fait, il s'agit d'une grande première et le bruyant sotrama ne manque pas de le rappeler.

Vendredi 15 février, 20h30. Ouverture des portes au BlonBa, une boîte de nuit colorée qui programme régulièrement des concerts et des pièces de théâtre. La salle se remplit. L'entrée est à 1000 FCFA, (1,50 euro). Pas accessible à tout le monde mais cinq à dix fois moins cher que certains night-clubs de la capitale.

L'apparition de Mangala Camara donne lieu, comme il se doit, à une explosion de joie. Le chanteur, la démarche chancelante, le torse nu recouvert de cauris, a les yeux à demi-fermés quand il entre sur scène. Pendant une heure, sa voix brulante joue son rôle hypnotique. “Quand il est comme ça, il ne sait plus où il est et le public non plus”, glisse en coulisse l'animateur de la soirée. Il faut bien reconnaître que l'ambiance est à son comble. Le premier rang a les yeux écarquillés, les deux étages du BlonBa sont en transe, la température monte et le bar est prix d'assaut. Au bout d'une heure, la star malienne s'effondre sur un sofa dans les loges, le visage fermé.

Dans la pièce voisine, les artistes français et maliens chantent pour s'échauffer. En cercle, main dans la main, Ahmed Fofana, multi instumentiste, un des plus grands arrangeurs du Mali ; Massara Kouyaté, griotte et chanteuse de talent repérée par Salif Keita; David Walters, métis marseillais d'origine caribéenne, compositeur interprète "électro-folk" ; Issa Bagayoko, dit Techno Issa, le respecté doyen du groupe et joueur de n'goni ; Aboubacar Koné, percussioniste hors pair de Toumani Diabaté et Alif Tree, artiste électro spécialiste des fusions musicales.

Mixité musicale et culturelle réussies

Les six musiciens sortent d'une semaine intense de répétition. Maliens et Français ne se connaissaient pas. Dans quelques minutes, ils vont mettre à l'épreuve leur création devant un public interrogateur mais chauffé à blanc. Les premiers sons sont éléctroniques, ils sortent de l'ordinateur d'Alif Tree. Le ton est donné. L'attente est palpable. Mais l'arrivée de Ahmed Fofana et Massara Kouyaté rassure et les premiers coups de djembé délient les corps. Le premier morceau a suffi. Musicalement, la fusion a opéré. Et le public a mordu. Les sourires s'élargissent entre les musiciens. La voix de Massara Kouyaté répond aux sons éléctriques de David Walters. Les notes du n'goni d'Issa Bagayoko se posent naturellement sur les beats d'Alif Tree. Ahmed Fofana veille à la cohésion de l'ensemble.

On accroche sur des soucis techniques et l'ensemble est inégal – quelques passages donnent parfois une impression de superposition brute – mais le pari est définitivement gagné. Le BlonBa s'est entièrement laissé emporter par ce son nouveau et enrichi. L'électro a beaucoup à y gagner. La musique mandingue, elle, a trouvé un emballage contemporain sérieux et respectueux. Il y avait dans l'air, à deux heures du matin, cette joie inattendue et cette effervescence propre à une expérience qui réussit sous nos yeux.

Une demi-heure plus tard, le plateau hip hop s'essaye aussi à la mixité. Sur scène, complices, Lassy King Massassy, le plus ancien et plus respecté des rappeurs maliens, Kwal, un artiste hip hop angevin amoureux du Mali, au point de chanter en bambara, Shanana et Mic Mo. Le public commence à s'étioler mais ceux qui restent donnent le change. La tête tourne aux danseurs, qui brûlent de monter sur scène. Dans les coulisses, on réagit différemment. Le jeune Mic Mo est aux anges, Kwal a des regrets. La nuit, de l'avis général, est pourtant un succès. On se surprend à attendre la soirée retour, en septembre à Marseille, "pour vérifier qu'on a pas rêvé", lâche une jeune Française en démarrant sa moto.

Celian Macé