Sébastien Tellier, du sexe oui, mais encore ?

Révélé au grand public par le succès de La Ritournelle, cette mélodie au piano qui s’étirait sur plus de sept minutes, Sébastien Tellier a toujours su depuis le début de sa carrière surgir là où ne l’attendait pas. Tristement inconsolable sur L’incroyable vérité, politiquement agité sur Politics, artistiquement décalé sur Sessions, il saute aujourd’hui à pieds joints et de plein cœur dans l’hédonisme verbal et musical. Son nouvel album Sexuality déplace une nouvelle fois le débat. Un manifeste électro pop et rétro futuriste qui parle de sexe, oui ; mais encore ?

Cinquième album, Sexuality

Révélé au grand public par le succès de La Ritournelle, cette mélodie au piano qui s’étirait sur plus de sept minutes, Sébastien Tellier a toujours su depuis le début de sa carrière surgir là où ne l’attendait pas. Tristement inconsolable sur L’incroyable vérité, politiquement agité sur Politics, artistiquement décalé sur Sessions, il saute aujourd’hui à pieds joints et de plein cœur dans l’hédonisme verbal et musical. Son nouvel album Sexuality déplace une nouvelle fois le débat. Un manifeste électro pop et rétro futuriste qui parle de sexe, oui ; mais encore ?

Avec Sexuality, Sébastien Tellier lève le voile sur une nouvelle facette de son personnage, l’amoureux transi par les plaisirs de la chair. Un concept glissant qu’il semble pourtant maîtrisé à la perfection.

"Parler de sexe, c’est parler de la vie en général, de son côté rêve et bien-être, un sujet à la fois important et léger. La seule provocation au fond est d’avoir choisi un sujet si évident et normal. Cette facilité peut sembler choquante mais tout ce que je propose à travers cet album, c’est du divertissement et de l’amusement, doux et sensible, une vision latine du sexe, romantique, tournée vers les filles et les femmes."

Avec ses cheveux longs et sa barbe hirsute, son goût pour l’apparence et ses envies parfois déviantes d’élégance, Sébastien Tellier a tout pour incarner la figure emblématique d’une chanson française qui se cherche. Lui qui rêve de trouver un équilibre entre le succès et la tranquillité, être connu de tous sans souffrir du vedettariat, avoue vivre dans un rêve. Et pour ceux qui se demandent s’il a réédité avec cet album l’exploit de la Ritournelle, il faut comprendre que l’important est ailleurs.

Sébastien Tellier aime brouiller les pistes d’album en album et ne s’interdit rien. "Pour moi, la chance ultime dans le sexe, c’est la bisexualité. Je défends cette idée dans ma musique, cette ouverture d’esprit, cette envie de goûter à tous les plaisirs, comme dans la vie."

Un grand pas en avant

Il a donc depuis longtemps abandonné l’idée d’être l’artiste d’une seule chapelle. Sa musique aujourd’hui ne ressemble à rien de vraiment connu, même si l’on sent planer derrière certains titres l’ombre tutélaire de quelques maîtres à chanter bien identifiés. Les influences y sont même parfois profondément marquées. Serge Gainsbourg pour la façon d’aborder les problématiques du sexe, Christophe pour ce non-chant si sensuel et nocturne et même l'Italien Lucio Battisti, auteur au milieu des années 70 de titres électro-disco qui, dans leurs constructions et leurs thématiques, pourraient parfaitement figurer en face B de certains morceaux de Sexuality. Le principal intéressé confirme, revendique même, "ces artistes font mon univers musical. Ces références servent uniquement de points de repères pour que les auditeurs puissent comprendre le message final, ce sont des points d’accroche."

Et son album commence très fort avec l’évocation de ses premiers amours à Biarritz. Roche plante le décor. "Pour moi ce titre est la plus grande réussite de l’album parce que c’est une chanson en français qui sonne r'n'b et même si cela peut paraître prétentieux je dirais que ce titre est une prochaine étape pour la chanson française, un nouveau style". Puis vient le temps des titres en anglais qui constituent la majeure partie de l’album, avec leur mélange de genres. Du sautillant et très "beachboysien" Divine aux langoureux Pomme et Kilometer et leurs râles féminins, des rondeurs de Look à l'essentiel Fingers of Steel, Sexuality franchit encore un palier avec Sexual Sportswear la seule plage instrumentale de l'album. Puis vient Manti, un titre en italien, en forme d’hommage à ce pays qu’affectionne particulièrement Sébastien Tellier.

Pour lui qui considère qu’un album concept est comme un roman, qu’il doit avoir un début et une fin, la boucle est bouclée quand arrive L’amour et la violence, une longue plage interprétée au piano et en français, qui clôt le débat et sonne l’heure du bilan, criant de simplicité. "L’important quand tu es artiste, c’est d’être aimé. Ce que tu attends à la fin d’un concert, c’est de savoir si les gens ont trouvé ça bien. L’art ne va pas au-delà de ça. Il n’y a que ça qui compte, est-ce que ça t’a plu ou pas ? De quelle façon me juges-tu ? Je suis vraiment très content d’avoir réussi à exprimer ce sentiment".

Guy-Manuel de Homem-Christo

Sexuality résonne à la fois par son modernisme et sa limpidité, par sa chaleur enveloppante, comme par ses rythmes entraînants. Il surprend par son unité et ses rondeurs. Union de l’organique et des machines, cette marche en avant musicale n’aurait sûrement pas été possible sans l’intervention d’un expert en musiques électroniques, nappes sirupeuses et boucles vertueuses. Après avoir collaboré au cours de ses albums précédents avec Air et Cassius, Sébastien Tellier s’est "tout naturellement" tourné vers Guy-Manuel de Homem-Christo, moitié pensante des Daft Punk, pour réaliser son fantasme discographique.

"Je voulais trouver des notes qui puissent exciter les gens, réaliser l’album parfait pour déboucher une bouteille de champagne en amoureux. J’ai composé, j’ai écrit les paroles, j’ai chanté, mais en studio tous les morceaux ont été construits sur ses rythmiques. Il a tout de suite compris la façon dont je voulais parler de sexe, ce côté noble dans la musique. Guy-Man est un très grand producteur et son travail, de l’orfèvrerie. Ce disque est un peu un album de duo car je n’aurais pas été capable de le réaliser tout seul."

Et même si Sébastien Tellier peut parfois agacer par ses poses artistiques, il faut comprendre que pour lui la musique est avant tout une raison de vivre, et que le fait de vouloir exister plus que les autres, une forme de névrose qu’il assume. Le secret de sa réussite future est à chercher quelque part parmi l’émotion et les émois, sûrement dans "l'amour et le fait d’aimer une fille qui donnent à la vie son intensité. C’est encore plus fort que la carrière et que la musique elle-même."

 

Sebastien Tellier Sexuality (Record Makers/Discograph) 2008