Setta s'élance
Il n'y a pas que du rap dans les quartiers. Setta, trio originaire de Belfort, le clame haut et fort. Youness, Hakim et Salah marient avec allégresse, chanson française, reggae, soul, musique berbère et arabo-andalouse. Chansons urbaines, leur premier album autoproduit, a déjà convaincu les principales plateformes de téléchargement légal. Un engouement prometteur.
Entre chanson française et musique arabo-andalouse
Il n'y a pas que du rap dans les quartiers. Setta, trio originaire de Belfort, le clame haut et fort. Youness, Hakim et Salah marient avec allégresse, chanson française, reggae, soul, musique berbère et arabo-andalouse. Chansons urbaines, leur premier album autoproduit, a déjà convaincu les principales plateformes de téléchargement légal. Un engouement prometteur.
Murs tagués, survêt, casquette, visage menaçant. Sur son clip Le roots, Setta détourne avec délectation tous les clichés du "rap des cités". Il faut dire que les idées reçues, le groupe en a soupé. Quand Youness, Salah et Hakim démarchaient les magasins de disque pour présenter leurs productions, on les envoyait directement au rayon musiques du monde. "Quand on disait qu'on faisait de la chanson française, ça faisait rire les gens, on n'avait pas la tête de l'emploi", s'amuse Youness, le chanteur du groupe. En plus d'un répertoire, Setta a donc dû s'inventer un style : la chanson urbaine. "Histoire de mettre tout le monde d'accord, poursuit Youness. Avec ce qu'on appelle les phénomènes de quartier, on a l'impression que les villes ne peuvent plus présenter que du hip hop. Nous sommes aussi issus de cette culture rap mais avec du reggae, de la soul, de la funk. On a fait un mélange pour proposer un truc à nous."
Cette maturation s'est faite lentement. Setta, le chiffre "six" en arabe, a débuté à la fin des années 1990, à l'époque où "ça faisait encore ringard de chanter en français". Avec leur style joyeux se réclamant des Négresses Vertes et de Zebda, ils se retrouvent invités en 2001 sur le plateau de l'émission télévisée Vivement Dimanche, présenté par l'inamovible Michel Drucker. Un tournant décisif, selon le chanteur : "Ça a été une chance. La production avait craqué pour notre titre Sous le soleil de ma cité. Grâce à cette émission, on a rencontré des gens comme Nougaro, des gens qui nous ont apporté des clefs artistiques." Un succès qui a aussi eu son revers : "On nous a débauché des musiciens. Quand on n'a pas de moyen, qu'on habite une ville comme Belfort et qu'on doit travailler à côté, on ne peut pas tout lâcher d'un coup en se disant juste qu'on va assurer."
Carrefour des civilisations
De six, Setta se réduit à deux : Youness et Salah, à la guitare. Les deux amis en profitent pour redéfinir leur ligne artistique : ils souhaitent valoriser davantage les textes. Déjà, ils lorgnent vers des rythmes arabo-andalous. Coup du hasard, Youness recroise Hakim, un vieil ami de son grand frère. Il l'avait quitté guitariste électrique, il le retrouve fou de flamenco. L'intégration a été une évidence. Le trio trouve très vite son équilibre : la voix doucereuse de Youness, la guitare rythmique de Salah et celle tout en envolées d'Hakim. Un autre Belfortain, Arnaud Riva, viendra poser quelques claviers pour donner naissance au nouvel album au titre en guise de manifeste : Chansons urbaines.
Entre Cabrel, Tryo ou Ridan, Setta a su marier les styles, les influences. Les vertus de la culture arabo-andalouse selon Youness : "Pendant cette période [Du VIIIe au XVe siècle, une grande partie de l'Espagne, alors appelée Al Andalous, dépendait du califat de Bagdad, ndlr] Juifs, Chrétiens, Musulmans étaient réunis pour faire des choses ensemble. Aujourd'hui, dans la ville, on retrouve ça, c'est un carrefour des civilisations. Le message de Setta, c'est ça. Tout le monde travaille sur les différences, nous on travaille sur les points communs. Ça ne nous intéresse pas la différence. C'est important de passer par là pour savoir qui est qui, mais je trouve que c'est dangereux. Je vois comment ça peut être détourné. Moi je suis franco-marocain, on est tous un mélange de plein de choses." Des titres comme Abracadabra ou Comme ça illustrent à merveille cette lucidité cosmopolite.
Le paradoxe numérique
Un parti pris qui ne laisse pas de marbre. Une fois l'album enregistré, le groupe décide consciencieusement de se créer une page sur le réseau myspace. Le retour est immédiat. Youness n'en revient toujours pas : "En moins d'une semaine, une plateforme de téléchargement légale nous a contacté. Ils ont eu un coup de coeur en écoutant nos titres. Ils nous ont proposé une signature numérique alors que normalement, ils ne travaillent qu'avec des labels." Depuis l'engouement semble intact puisque leur nouveau clip Le roots disponible depuis une dizaine de jours a déjà été téléchargé plus de 3000 fois. "On était un gros groupe régional, avec des premières partie de Keziah Jones, Idir ou des Wailers. Et là, on reçoit des commentaires d'Afrique, d'Allemagne, d'Asie, de partout. Internet, ça a été une chance. Pour un groupe comme nous, c'est difficile de trouver une place, les radios programment toujours les mêmes titres." Une notoriété numérique un peu paradoxale pour une formation qui se définit avant tout comme un groupe de scène. Philosophe, Youness conclut d'un "Nul n'est prophète en son pays". Et Setta entend donner un maximum de concerts pour le faire savoir !
Ecoutez un extrait de
Setta Chansons Urbaines (2007)