Podium, précurseur de la presse people
D’après la légende, Claude François vexé de ne pas avoir la place qu’il estimait lui revenir dans la presse pour jeunes, décida de lancer son propre magazine. Il racheta Podium, un fanzine de Toulouse et, en quelques mois, en fit le journal numéro 1 chez les ados. Beaucoup de couleurs, des potins, de petits articles et une façon décomplexée d’aborder les stars. Une formule dont se sont inspirés tous les magazines people actuels, selon Geneviève Leroy-Villeneuve, la directrice du magazine de 1972 à 1981. Pour RFI musique, elle revient sur ses années Podium.
Entretien avec Geneviève Leroy-Villeneuve, directrice du magazine.
D’après la légende, Claude François vexé de ne pas avoir la place qu’il estimait lui revenir dans la presse pour jeunes, décida de lancer son propre magazine. Il racheta Podium, un fanzine de Toulouse et, en quelques mois, en fit le journal numéro 1 chez les ados. Beaucoup de couleurs, des potins, de petits articles et une façon décomplexée d’aborder les stars. Une formule dont se sont inspirés tous les magazines people actuels, selon Geneviève Leroy-Villeneuve, la directrice du magazine de 1972 à 1981. Pour RFI musique, elle revient sur ses années Podium.
RFI Musique : Comment avez-vous rencontré Claude François ?
Geneviève Leroy-Villeneuve : C’était dans un couloir d’Europe 1. Je faisais de temps en temps des reportages pour la radio mais j’étais encore étudiante. Lui sortait d’un studio, on s’est retrouvé nez à nez. On s’est dit deux mots. Et puis quelques temps plus tard, Marie-France Brière [réalisatrice d’émissions à Europe 1, ndlr] m’a dit : "Claude François cherche un rédacteur en chef pour son journal et je lui ai parlé de toi". Dans la même journée, l’assistante de Claude m’a appelé pour me proposer un rendez-vous. Et ça c’est fait comme ça !
Vous êtes passé d’étudiante à rédactrice en chef en une journée, c’était rapide à l’époque !
Oui c’est vrai ! Ça a été une école formidable, moi je ne savais pas du tout comment on fabriquait un journal ! Au début ça a été dur, la nuit j’en faisais des cauchemars. C’était compliqué, Podium, il y avait plein de concours, plein de choses sur chaque page. On s’inspirait beaucoup de magazines américains et particulièrement d’un, sur la côte ouest, qui s’appelait Tiger Beat. Claude se faisait envoyé tous les journaux des Etats-Unis. On a révolutionné la presse pour jeunes en France, je dis "on" parce que j’y ai participé. A l’époque, il n’y avait que Salut Les Copains à la forme très classique avec une photo en couverture et des pleines pages à l’intérieur. Nous on a amené les couvertures composées avec parfois 10 personnages. Et sur chaque page à l’intérieur, il y avait plein de petites choses. Notre idée, c’était de dire qu’on ne lisait pas une page comme ça d’un coup mais qu’on y revenait, qu’on retrouvait à chaque fois des petits trucs. On l’émaillait de phrases, de concours…
Avant de travailler avec lui, vous étiez fan de Claude François ?
A l’époque, vraiment pas ! Ça aussi, ça l’a beaucoup fait rire. Je ne lisais pas Salut les
Copains non plus, je terminais une maîtrise de lettre, je n’étais pas du tout branchée "presse de jeunes".
Pourquoi avoir accepté alors ?
Parce que c’était rigolo, le personnage ne laissait pas indifférent et le challenge m’amusait. De toute façon, il ne vous laissait pas le choix quand il avait décidé ! En plus j’avais un double handicap, à l’époque, j’étais enceinte. Lors de notre premier entretien, je lui dis : "C’est joli ce que vous me proposez mais je vais avoir un bébé." Il a alors appelé sa directrice financière en lui demandant : "Est-ce que vous engageriez une femme enceinte ?" elle lui a répondu : "Certainement pas !" Il a raccroché et il m’a dit : "Vous êtes engagée !". C’était comme ça avec Claude François !
La légende dit qu’il a lancé Podium parce que Salut les Copains ne parlait pas assez de lui, c’est vrai ?
Je ne sais pas si c’est exactement ça. Il se mettait en avant dans le journal mais ce n’était pas qu’un magazine de fan club, sinon on n’aurait pas dépassé les ventes de Salut Les Copains. Claude donnait l’impulsion générale mais j’étais directrice de la rédaction. Quand je proposais des articles sur de jeunes artistes, il ne me disait pas non. Bon c’est vrai que lorsqu’on faisait un sondage pour savoir qui était le fav [l’artiste favori du mois, ndlr], il était toujours bien placé. C’est rare qu’il n’ait pas été un peu plus gros que les autres sur la couverture. Mais c’est arrivé qu’il admette qu’il y avait un p
hénomène. Travolta, par exemple, on a réussi à le mettre un peu plus gros !
On dit que Podium a innové dans la manière de suivre les stars ?
Oui c’est vrai. Ça venait de Claude, ce côté un peu "voyeur", il ne voulait pas qu’on ait l’impression d’une complaisance. Il voulait qu’on soit moins formel et compassé. Lui aussi se prêtait à l’exercice. Il aimait bien montrer les coulisses et pas seulement le spectacle et les paillettes. Mais évidemment il ne s’agissait pas de le montrer comme il ne le voulait pas.
Quel serait actuellement le magazine le plus fidèle à l’esprit Podium ?
Ça a l’air prétentieux ce que je vais dire mais toute la presse en générale s’est beaucoup inspirée de Podium, avec le principe de couverture composée et à l’intérieur des petits modules qu’on ne lit pas du premier coup. Dans Closer ou Voici, il y a rarement un grand sujet, c’est fait de plein petits sujets. Ça c’est inspiré de Podium. Nous on faisait du people pour les jeunes. Donc je pense que tous les magazines people se sont inspirés de Podium.
Que gardez vous comme souvenirs de l’époque Podium ?
Que des bons, mêmes si on se disputait avec Claude. Parfois, on ne se parlait plus pendant 3 ou 4 jours. Je lui ai même donné ma démission un jour. Il me l’a renvoyée encadrée ! C’était des enfantillages ! Il avait quand même beaucoup d’humour. C’est vrai qu’il était aussi très exigeant mais ça m’a donné de très bonnes habitudes. Quand je lui disais : "Je ne crois pas que ce soit possible." Il me disait : "Il ne faut jamais croire mais vérifier !" Et ça m’est resté. Parfois quand on vérifie, et bien, on s’aperçoit effectivement que c’est possible.
Un numero exceptionnel et unique de Podium est paru à l'occasion de l'anniversaire de la mort du chanteur. En kiosque (France) au prix de 4.50 euros.