<em>Camping Shaâbi</em> de Think of One
Basé à Anvers, Think of One est une formation qui affectionne tout particulièrement les rencontres et les échanges. Camping Shaâbi, son dernier album a été enregistré avec quatre musiciens marocains et propose une lecture inspirée et très actuelle du chaâbi, genre populaire dans tout le Maghreb.
Entre Belgique et Maroc
Basé à Anvers, Think of One est une formation qui affectionne tout particulièrement les rencontres et les échanges. Camping Shaâbi, son dernier album a été enregistré avec quatre musiciens marocains et propose une lecture inspirée et très actuelle du chaâbi, genre populaire dans tout le Maghreb.
Interviewer David Bovée, le leader (chant, guitare et clavier) de Think of One, c’est être prêt à faire un grand voyage en compagnie de ce gars qui a le Plat pays dans la voix. C’est être prêt à s’embarquer dans un tour du monde des musiques, c’est accepter de partir pour un long périple nonchalant au cours duquel rien n’est vraiment prémédité.
A l’heure où sort en France ce nouvel album maroco-centré (deux mois après sa sortie en Belgique), les Think of One rentrent tout juste d’une série de concerts en République Démocratique du Congo où ils ont expérimenté de nouvelles fusions. "Chez Crammed, il se tire un peu les cheveux" précise David Bovée "Le label préfèrerait que la presse parle plus de nous pour ce nouvel opus que pour nos récentes aventures centre-africaines. Mais, c’est une occasion qui s’est proposée à nous, on ne pouvait pas dire non" explique-t-il. "C’est toujours exceptionnel de pouvoir rencontrer d’autres musiciens. Moi qui n’achète et n’écoute en fait que peu de musiques, ça m’ouvre l’appétit."
D’ouverture et d’appétit, Think of One ne semble en avoir jamais manqués. Formé en 98, Think of One est à l’époque un collectif d’une vingtaine de personnes. "Pour notre premier concert, nous avons dû trouver un nom de groupe. En cherchant, on ne cessait de répéter : 'Think of a name, think of one' (pense à un nom). Comme rien ne venait, on a gardé l’expression !".
Plus tard, ils découvrent que c’est aussi un titre de Thelonious Monk, un pianiste américain de jazz réputé entre autres pour son jeu d‘improvisation. Le morceau leur plaît, ils gardent le nom. Collectif artistique, collectif de vie, tout ce "petit monde" habite alors une même maison. Au mot "beatnick", David Bovée sourit "C’est drôle ce nom, il évoque le bouquin de Kerouac, On The Road. C’est effectivement ça aussi Think of One, être en route, sur la route" concède-t-il.
Camping Shaâbi, un album convivial
Aujourd’hui resserré autour de six musiciens, le groupe peut tout aussi bien défendre son répertoire sur scène en invitant ou non des musiciens additionnels, proposer des jams totalement improvisées ou défiler façon fanfare sur un camion – le Naftmobile - spécialement aménagé à cet effet.
Si Trafico, leur précédent album – leur septième, le premier signé par Crammed - a été enregistré à Recife (Brésil) avec la participation de musiciens locaux dont la chanteuse Dona Cila do Côco, Camping Shaâbi plante lui, sa tente dans le Sud marocain. Tout en combinant chaâbi, une des musiques populaires du Maghreb, qui au Maroc est héritée d’une rythmique berbère (en 6/8), grooves entêtants des karkabous gnawi et musiques actuelles aux lasures new-wave, ces Anversois convient Amina Tcherkich et Lalabrouk Loujabe, deux chanteuses de Marrakech avec qui ils ont déjà travaillées, les frères Bouanani (Hicham et Hakim) deux musiciens chérifiens installés à Bruxelles et la star marocaine du genre, le violoniste et chanteur Mustapha Bourgogne.
Quelques Belges dont Marc Hollander, le boss de Crammed qui fut membre d’Aksak Maboul dans les années "septantes" et des Tueurs de la Lune de Miel dans les "huitantes", sont aussi de la partie. "Marc ou son compère Vincent Kenis sont comme nos oncles, ils ont ouvert des portes où l’on ne fait que s’engouffrer aujourd’hui. Ce sont avant tout des musiciens, pas des businessmen. D’ailleurs, quand ils sont en studio avec nous, leurs remarques sont souvent pertinentes. Elles aident à rendre notre travail plus lisible" ajoute David Bovée.
Une saine ventilation
Comme le son dégoulinant par les fenêtres des voitures à un carrefour anversois, la musique de Think of One a des allures de magma fusionnel gentiment bordélique. "Un grand nombre de nos productions est né lors de jams. L’un de nous arrive avec un rythme, une mélodie, une ligne de basse ou un texte et l’on fouille autour. Après seulement, on fait le tri. Clairement, nos disques ne sont pas pensés pour le samedi soir ou le dimanche matin !" claironne-t-il.
Pour autant, il refuse de parler de "démarche intello" ou de qualifier sa musique "d’engagée". "Tout ça vient de la rue, du feeling de la rue, de ce qu’on entend aujourd’hui dans nos villes. Pas toujours besoin d’aller loin, l’inspiration peut-être en bas de chez toi" souligne ce compositeur qui ne conçoit pas non plus sa musique comme une réaction directe au fait qu’à Anvers, un électeur sur trois ait voté à un moment pour un des partis d’extrême droite : "C’est vrai que si on peut servir à ventiler ces mauvaises odeurs d’accord, mais rien de plus. Nous on raconte juste la vie, la rencontre ; pas des fantasmes d’invasion ou de suprématie. Il faut rire, danser avec tous ça pour mieux dégonfler cette baudruche."
Ecoutez un extrait de
Think of One Camping Shaâbi (Crammed Discs/Wagram) 2008