Un classique nommé Bashung
C’est un des disques les plus attendus de la saison : Alain Bashung, cinq ans et demi après L’Imprudence, sort Bleu pétrole, son nouvel album. Le générique est dominé par Gérard Manset et par Gaëtan Roussel de Louise Attaque, qui lui ont donné la plupart des textes de ce nouveau disque, dans lequel il rompt ouvertement avec la poésie cryptique et les compositions expérimentales de ses derniers albums. Dans des arrangements très classiques et une langue très accessible, il se penche sur l’état du monde.
Sortie de Bleu Pétrole
C’est un des disques les plus attendus de la saison : Alain Bashung, cinq ans et demi après L’Imprudence, sort Bleu pétrole, son nouvel album. Le générique est dominé par Gérard Manset et par Gaëtan Roussel de Louise Attaque, qui lui ont donné la plupart des textes de ce nouveau disque, dans lequel il rompt ouvertement avec la poésie cryptique et les compositions expérimentales de ses derniers albums. Dans des arrangements très classiques et une langue très accessible, il se penche sur l’état du monde.
RFI Musique : Avant un album, pensez-vous à son positionnement par rapport au reste de votre discographie ?
Alain Bashung : Je chercherai toujours des voies qui, d’un album à l’autre, peuvent paraître en décalage avec le précédent. Pour moi, ça complète toujours ce qui a été fait précédemment. C’est un cheminement. J’aimerais que chaque album ait une fonction, comme dans une maison qui se construit. Le jour où elle sera finie, elle va peut-être exploser, je ne sais pas…
Je me suis parfois fait aider pour avoir en face de moi quelqu’un qui me propose quelque chose qui ne vienne pas de moi directement mais que je peux recevoir. Et tout est remis en question à chaque fois pour éviter les répétitions, les tics d’écriture… Ce n’est pas comme utiliser un système à vie : une fois que j’ai réussi à démontrer une certaine forme, j’ai envie de passer à autre chose. Alors ce n’est pas rassurant pour moi et peut-être pour ceux qui produisent le disque et ne savent pas où on peut aller. Je ne peux fonctionner que comme ça.
Pour l’écriture de cet album, vous avez fait appel uniquement à des auteurs qui sont aussi chanteurs…
Justement, ils écrivent des choses en fonction de leur manière de chanter. C’est donc une écriture a priori chantable, avec des syllabes qui chantent d’une certaine manière pour que la voix puisse s’épanouir. Ainsi, des choses étaient résolues plus rapidement, ce n’était pas une écriture de poète qui se lit et qui devient grandiloquente dès que c’est un peu chanté. J’ai collaboré avec des chanteurs, qui connaissent bien le problème du mot que l’on dit et de la conscience que l’on a de sa résonance, parce qu’il faut qu’aujourd’hui je dise quelque chose qui ait une compréhension immédiate, quelque chose qui soit directement généreux. Ça ne veut pas dire que j’abandonne le terrain le plus introspectif, comme un reniement. C’est plutôt une histoire de moment. J’ai envie d’être là, plus physiquement, avec la voix.
La plupart des chansons de cet album sont d’un sens très limpide, ce qui est très rare, chez vous.
Je cherchais quelque chose qui ait à voir avec cette expression-là. Je ne l’avais pas abordée depuis un bout de temps et je me disais que c’est le moment de survoler la confusion.
Outre cette limpidité, Bleu pétrole est aussi moins pudique. Alors que vous n’avez pas souvent été aussi franc dans cette expression-là, plusieurs de vos nouvelles chansons sont animées par une profonde compassion pour le genre humain : Comme un Lego, écrit par Gérard Manset, ou même Trapèze de Gaëtan Roussel.
Cet amour universel, beaucoup d’artistes le chantaient très bien à leur manière. J’ai essayé d’autres voies mais j’avais envie tôt ou tard de m’exprimer comme ça. C’est une question de moment : aujourd’hui, ça me semblait important de le dire. Ça manque tellement… Mais je n’aurais pas pu assumer plus tôt ces chansons parce que, justement, je ne pouvais pas aller ainsi dans l’impudeur.
Vous reprenez Suzanne de Leonard Cohen dans la version française de Graeme Allwright. Mais Graeme Allwright n’est-il pas très loin de l’idée du rock que se font beaucoup de vos fidèles ?
D’une part, la traduction qu’a faite Graeme Allwright de Suzanne est pour moi absolument représentative de ce qu’a écrit Cohen en anglais – une adaptation magique. D’autre part, Cohen a été un pilier pour beaucoup d’artistes de ma génération, qu’il a aidés à briguer des modes de pensée ou d’expression très nouveaux. C’est comme pour Manset [Outre les chansons originales qu’il lui a données, Bashung reprend Il voyage en solitaire, succès historique de Gérard Manset en 1975], un hommage à des personnes qui ont tellement marqué le rapport à la pop, à la folk music… Ce n’était pas en opposition à Brel, mais c’était simplement autre chose.
Et puis il y a dans cette chanson une histoire d’amour, mais qui n’est pas très claire. Est-ce qu’il ne reste pas avec elle pour de mauvaises raisons ? On fait des concessions, ça ne peut pas être tous les jours parfait, mais que faire ? Subir et ne rien dire ? Voilà : c’est rendre hommage à quelqu’un qui a bien raconté ces choses-là et les ramène à une forme où l’homme est important.
Quand j’ai commencé le disque, il y avait l’envie de raconter l’extérieur, mais je pensais également à un parallèle : comme Manset, j’ai connu les années 60-70. C’était ahurissant, on parlait d’utopie. Maintenant, il y a de temps en temps un journaliste qui dit qu’il faudrait réinventer l’utopie. Ça veut dire que ça manque. Notre prétention, c’est quand même d’inventer des choses qui n’ont jamais existé auparavant.
Ecoutez un extrait de
Bashung Bleu pétrole (Barclay-Universal) 2008