Hommage de Didier Lockwood à Stéphane Grappelli
C’est l’hommage que le disciple surdoué rend à son maître. A l’occasion du centenaire de la naissance de Stéphane Grappelli, le violoniste français Didier Lockwood sort For Stéphane, un album dédicace qui réunit une trentaine de musiciens. Rencontre.
Centenaire de la naissance du maître
C’est l’hommage que le disciple surdoué rend à son maître. A l’occasion du centenaire de la naissance de Stéphane Grappelli, le violoniste français Didier Lockwood sort For Stéphane, un album dédicace qui réunit une trentaine de musiciens. Rencontre.
RFI Musique : Comment avez-vous composé cet hommage ?
Didier Lockwood : C’est un travail de composition qui s’est fait au flair. On a longtemps discuté avec Jean-Philippe Viret, le contrebassiste qui a accompagné Stéphane Grappelli à la fin de sa carrière. Je lui ai demandé de mettre en forme le répertoire de l’album. Je me suis fié à son jugement puisqu’il connaissait bien Stéphane. Le disque est long mais on ne pouvait rien enlever. Il se compose de morceaux écrits par Stéphane mais aussi de thèmes auxquels il était attaché. On a privilégié la cohérence d’ensemble en essayant de faire varier le son. Je me devais de rendre hommage à Stéphane Grappelli pour qu’il ne soit pas effacé de la mémoire collective. J’ai voulu proposer un disque très pluraliste qui permette de cerner au mieux son talent.
Comment avez-vous choisi ces musiciens ?
J’ai voulu partager cette expérience avec des musiciens qui ont joué ou ont eu un lien direct ou indirect avec Stéphane Grappelli. J’ai proposé à une trentaine de musiciens de collaborer et presque tous ont accepté ! Au final, il y a un large panel d’artistes comme la chanteuse Dee Dee Bridgwater, les guitaristes Sylvain Luc et Biréli Lagrène qui, sur l’album, joue de l’alto… Je voulais réaliser un bel objet en sa mémoire. J’ai dessiné moi-même son portrait sur la pochette et il y a plusieurs bonus sur l’album comme une interview filmée entre Stéphane et moi qui date de 1984. C’est un beau document.
Vous avez rencontré Stéphane Grappelli très jeune…
En effet, j’avais 20 ans. C'était la première fois que je jouais avec Stéphane Grappelli. Je faisais partie à l’époque du big band de Michel Colombier. Lors d’un concert dans le cadre du festival Nancy Jazz Pulsation en 1974, le big band avait invité Stéphane Grappelli à jouer avec l’orchestre. J’ai pris un chorus qui lui a plu. Deux jours plus tard, il me demandait : "Mon petit, voulez-vous m’accompagner pour ma tournée en Europe ?" J’ai été très surpris ! Cela a été le début de ma carrière, le tremplin qui m’a permis de m’initier au monde du jazz populaire.
Qu’est-ce que Stéphane Grappelli vous a transmis ?
Il a été pour moi un pilier, une conduite de vie. C’est quelqu’un qui m’a appris à prendre de la distance et du recul par rapport au succès. Il faisait toujours preuve d’une certaine légèreté et de beaucoup d’humilité. Il aimait avant tout rire et se réunir avec ses copains pour jouer du jazz. C’était ce qui comptait pour lui. Son extrême sensibilité a constitué pour moi une source d’inspiration.
Musicalement, Stéphane Grappelli était un violoniste extraordinaire. Un exemple de souplesse, d’élégance et de virtuosité. Jouer du jazz au violon est un exercice très exigent. Tel un pionnier, il a réussi à démocratiser l’instrument et à lui faire une place dans la sphère du jazz. Jean-Luc Ponty a ensuite repris le flambeau.
Stéphane Grappelli incarne le jazz d’une certaine époque. Quels regards portez-vous sur l’évolution du jazz ces trente dernières années ?
C’est une question difficile. Je ne me suis jamais réellement considéré comme un musicien de jazz. Pour moi, le jazz, le swing doit être une musique ludique, jouée dans l’instant. Je n’aime pas le côté cérébral, élitiste de cette musique. Pour qu’il puisse vivre et exister, le jazz doit garder une totale liberté d’expression. Aujourd’hui, il est dommage que certains réseaux esthétiques parfois douteux enferment cette musique. Le jazz n’a pas de limites de ce point de vue. J’essaie toujours de garder à l’esprit que la musique est un moyen de communication. C’est ce que j’essaie de transmettre aux élèves de mon école en leur disant que le jazz est le vécu du rythme, la danse intérieure de chacun.
Ecoutez un extrait de
Didier Lockwood For Stéphane (Ames productions/Harmonia Mundi) 2008
Concert le 26 mars au Théâtre des Champs-Elysées