Miss Kittin, Missill, Mlle Caro, Cardini
Miss Kittin, Missil, Mlle Caro et Jennifer Cardini défendent chacune leur conception des musiques électroniques. Toutes viennent de sortir un album et ont en commun d’être reconnues autant en France qu’au-delà de nos frontières. Mais chacune joue de son image de façon différente. Rencontres.
Quatre filles dans le vent
Miss Kittin, Missil, Mlle Caro et Jennifer Cardini défendent chacune leur conception des musiques électroniques. Toutes viennent de sortir un album et ont en commun d’être reconnues autant en France qu’au-delà de nos frontières. Mais chacune joue de son image de façon différente. Rencontres.
Miss Kittin, chanteuse et DJ
Révélée par son duo avec The Hacker, Miss Kittin a d’abord été adoptée par les Allemands du label de DJ Hell, International Deejay Gigolo. Leurs chansons electro-pop, leur spectacle scénique et son personnage ont conquis un public plus large que les seuls danseurs. Elle se défend : "J' ai horreur de ce mot "personnage" ! Je ne suis pas une actrice qui joue un rôle. Ce sont les gens qui ont besoin de me voir comme un personnage, et je leur laisse cette liberté avec joie." Et d’ajouter : "Évidemment qu'on touche un public plus large. Des tas de gens ne vont plus en club, ou n'aiment pas ces endroits, je les comprends. Mon but n'est pas en soi de toucher un public plus large, mais d'élargir mon horizon. Si en cours de route, je touche un plus vaste public, tant mieux".
Désormais, elle fait souvent route seule, comme pour ce second album solo intitulé Batbox, sur lequel elle entonne des airs plus positifs qu’à l’accoutumée. Un opus qui mixe pop et sons new wave ou industriels, dans une grande variété d’ambiances. DJ, chanteuse, productrice de disques, Miss Kittin est plébiscitée aux quatre coins de la planète, notamment en Espagne, en Italie, au Benelux, en Scandinavie ou aux Etats-Unis, auprès d’un public plus rock. "Je dois avouer que je deviens de plus en plus une chanteuse, de moins en moins une DJ et peut-être, à l'avenir, une productrice. En fait, je dis à ma banque que je suis productrice, ça fait plus sérieux !"
Miss Kittin Batbox (Nobody’s Bizzness/Nocturne) 2008
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Missill cultive son image
Missill, graffeuse et graphiste avant d’être DJ, a toujours soigné son image. Celle de ses disques, mais aussi son look. "Je kiffe les couleurs et le staïle. J’ai créé une vraie guitare comme celle qui figure sur la pochette de l’album. À terme, j’aimerais créer des gadgets et des fringues", confie celle qui achète ses vêtements aux quatre coins de la planète lors de ses déplacements. "Quand tu es un DJ qui débarque de Paris, ça pète. Merci à la French Touch, à Justice ou à Kitsuné ! En France, on a la critique facile, mais à l’étranger, tout le monde parle de cette nouvelle scène française." De DJ, Missill est passée à la production assez naturellement. Pour ne pas jouer les mêmes disques que les autres, elle a commencé par concevoir ses versions, des bootlegs, puis ses propres morceaux.
Elle publie son premier album, Targets, construit comme ses mixes : intense, énervé, parfois bruitiste, mais nourri autant de techno que de ragga ou de breakbeat. En studio, les MCs ont été nombreux à poser leur voix sur ses titres. Ses créations sont aussi détonantes que celles de Justice en DJ ou de l’Allemand Shir Khan. "Je suis comme ça sur scène, un peu comme sur un ring, avec un esprit rock’n’roll", explique Missill, qui ne porte pas ce nom par hasard. Elle aura bientôt l’occasion d’en faire encore un peu plus la preuve, puisqu’elle met au point la version live de son album. Avec de vraies guitares.
Missill Targets (BMC/Discograph) 2008
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Mlle Caro : du DJ au live
La trentaine, Mlle Caro vient de Perpignan, dans le sud de la France, où elle a rencontré un autre DJ, Franck Garcia. Lui est musicien de formation classique, elle est DJ techno et devient résidente des clubs le Pulp et le Rex dans la capitale. Leur premier maxi est publié par le très réputé label britannique de Damien Lazarus, Crosstown Rebels. C’est encore outre-Manche que leur premier album a rencontré très rapidement un écho : Ben Watt, la moitié du groupe Everything But The Girl, les signe sur son label Buzzin’ Fly. "Les Anglais ont été très réceptifs à notre musique, car la leur fait partie de nos influences, comme Depeche Mode ou les Young Marble Giants", analyse Mademoiselle Caro.
Ce premier opus, très mélancolique, aligne de jolies mélodies entêtantes, tissées sur des sonorités house et rock. "Nous souhaitions sortir de ce milieu électronique, nous en sommes donc venus à mélanger de vrais instruments de musique avec les machines. Franck a apporté son expérience de musicien et moi celle des dancefloors", détaille Mlle Caro. C’est presque toujours en duo qu’ils chantent, et ils se permettent même une chanson en français, accompagnée d’un piano ascétique et de violons langoureux. Désormais, ils préparent leur passage des cabines de DJ aux scènes de concerts. De l’ombre à la lumière.
Mlle Caro et Franck Garcia Pain Disappears (Buzzin’ Fly Records/La Baleine) 2008
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Les mixes hypnotiques de Jennifer Cardini
Comme Mlle Caro, Jennifer Cardini est "montée" à Paris et a fait ses classes au club le Pulp, haut lieu du clubbing lesbien (mais pas seulement). Côté passif, elle avait de qui tenir avec des parents piliers de discothèques. Ce n’est pas la disco qui l’a marquée, mais plutôt Depeche Mode, puis la house. Originaire de Monaco, elle découvre Aux 88 ou Laurent Garnier au club Limelight à Cannes. En 1998, son amie DJ Sextoy lui propose de gagner la capitale pour monter un duo intitulé Pussy Killer. Jennifer Cardini se souvient : "Je m’embêtais à Nice, et nous en avions marre des DJs qui mixaient sans bouger vêtus du tee-shirt de leur label préféré. On s’est habillées thrash, on a enfilé des cagoules, montré nos tatouages et joué du Iron Maiden". De quoi marquer les esprits un peu sectaires, même si la suite de leur set virait plus techno.
Aujourd’hui pourtant, Jennifer ne chante pas, ni ne compose. Elle reste DJ, mais ne se cache jamais derrière les platines. C’est donc un quatrième CD mixé qu’elle publie, sur le label allemand Kompakt, une référence de la techno de qualité. Un mix qui raconte un peu l’histoire musicale de cette DJ : le dub industriel de Maurizio ou la techno minimale de Florence étaient ses premières amours de vinyle. Sa sélection irréprochable est d’une langueur contagieuse, ses longs enchaînements et ses sonorités profondes hypnotiseront l’auditeur comme le danseur. "J’ai des envies de productions mais, bizarrement, il me faut du temps, je suis un peu feignante. Et puis tout le monde me pose la question !"
Jennifer Cardini Feeling Strange (Kompakt/Nocturne) 2008
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