Festival Musiques Nomades 2008

Malgré un contexte tendu dans la ville, succès populaire confirmé pour la 4e édition du Festival international des Musiques Nomades qui s’est déroulé à Nouakchott, capitale de la Mauritanie, entre les 7 et 11 avril dernier.

La musique, envers et contre tout

Malgré un contexte tendu dans la ville, succès populaire confirmé pour la 4e édition du Festival international des Musiques Nomades qui s’est déroulé à Nouakchott, capitale de la Mauritanie, entre les 7 et 11 avril dernier.

Un moment fort, la fraternelle accolade de deux voix intenses… Il fallait une apothéose pour bien terminer cette édition, fragilisée par le climat sensible dans lequel elle s’est déroulée. Le voici, ce point d’orgue balayant toutes les appréhensions, dénouant toutes les crispations. Un duo improvisé entre la voix d’or de Guinée Sekouba Bambino, vedette de la soirée de clôture et le très convaincant chanteur mauritanien d’origine peule Ousmane Gangue, qui lui, avait ouvert le festival.

Une ouverture qu’on aurait pu croire un moment compromise le lundi 7 avril, après la fusillade, en début de soirée, à Tevragh Zeina, un quartier chic et tranquille au nord-ouest de la ville, ayant opposé la police et un groupe d’islamistes retranchés dans une maison. Certains parmi ceux-ci prendront la fuite. Dont, sans doute, Sidi Oul Sidna, évadé du palais de justice le 2 avril, un des meurtriers présumés des quatre touristes français assassinés en décembre par des islamistes. Toute la semaine sera jalonnée de contrôles, traques et captures, bavures, découvertes d’explosifs et… rumeurs, sans que la musique, jamais, ne s’arrête.

Formidable fenêtre ouverte sur la diversité de la musique mauritanienne, événement international qui amène à Nouakchott des artistes, des créations dont le chemin ne serait sans doute jamais passé par là si ce festival ne les y avait amenés, Musiques Nomades avait cette année une double mission. Donner à profusion du plaisir musical et de l’inédit aux Nouakchottois, mais également restaurer l’image du pays, mise à mal par les récents événements.

Outre l’assassinat des Français, dans le désert, en décembre, les médias internationaux se sont également fait l’écho du mitraillage d’une boîte de nuit et de l’ambassade d’Israël voisine, en plein centre ville, dans la nuit du 31 janvier au 1er février et d’une importante saisie de cocaïne pouvant laisser penser à certains observateurs que des narcotrafiquants auraient pris leurs quartiers en Mauritanie.

"A aucun moment nous avons songé à annuler ce festival" déclare  la bouillonnante présidente de cet événement, Khadi Mint Cheikhna. Malgré l’annulation du Paris-Dakar, un coup dur pour la Mauritanie où les nombreux hôtels de Nouakchott et les opérateurs du tourisme ont vu depuis sérieusement péricliter leurs affaires. Manifestation unique dans le pays, où hormis quelques propositions du Centre Culturel Français et des prestations très espacées d’artistes venus du voisin Sénégal (quelques jours avant le festival, Baaba Maal était dans la place), les concerts sont des propositions rares, Musiques Nomades est un projet franco-mauritanien lancé en 2004 à l’instigation du Centre Culturel Français de Nouakchott, soutenu cette année notamment par l’Union Européenne, le Ministère des Affaires étrangères français et CulturesFrance.

"Il y a eu une très forte demande des autorités mauritaniennes pour que ce festival continue", souligne Benoît Thiebergien, concepteur et directeur artistique pour la  partie internationale de la programmation, par ailleurs créateur du festival des 38e Rugissants à Grenoble. "D’ailleurs, tant la communauté urbaine de Nouakchott que le Ministère de la culture mauritanien et de nombreux partenaires privés locaux se sont engagés financièrement de manière significative." Outre des concerts au stade du Ksar où se produisent les artistes venus de l’extérieur, Musiques Nomades, ce sont aussi des moments musicaux de proximité, organisés par Mohamed El Michery Athié, un passionné actif, ancien éducateur auprès des enfants des rues.

Des veillées organisées sous une khaïma, autour de minuit,  après les soirées du stade et des concerts donnés chaque fin de journée par des musiciens représentants toutes les régions de la Mauritanie, dans les moughataas (arrondissements) de Nouakchott. Dans ces quartiers populaires, on mesure alors toute la ferveur, l’insatiable appétit de musique de la population. Les femmes rient, les enfants piaillent. Là, comme lorsque les joyeux lurons de l’Orchestre National de Barbès et l’équipe punchy concernée de Didier Awadi investissent la grande scène du stade, on est loin, très loin de toute autre préoccupation que celle de faire la fête.