Les pleins pouvoirs à Gonzales
Canadien exilé à Paris depuis 2004, après Berlin, Gonzales a arrangé les albums de Philippe Katerine, Feist ou Peaches. Il a trouvé le temps de pondre un nouveau disque, Soft Power, une plongée dans les premiers émois musicaux du gamin qu'il était dans les années 1970. Rencontre.
Nouvel album
Canadien exilé à Paris depuis 2004, après Berlin, Gonzales a arrangé les albums de Philippe Katerine, Feist ou Peaches. Il a trouvé le temps de pondre un nouveau disque, Soft Power, une plongée dans les premiers émois musicaux du gamin qu'il était dans les années 1970. Rencontre.
RFI Musique : Vous semblez vous plaire à Paris, pour quelle raison ?
Gonzales : J'accepte Paris. C'est une ville professionnelle en termes d'infrastructures musicales, contrairement à Berlin. Là-bas, les artistes font de belles choses, mais oublient ce qui vient après la création d'une œuvre : la communiquer au public. Ils voient cela comme du marketing, je vois cela comme une étape artistique supplémentaire, superficielle peut-être, mais que j'adore ! Paris n'a pas vraiment de culture underground, les choses passent plus vite au stade médiatique, c'est une ville orientée sur l'accomplissement, l'ambition et la progression de carrière pour la musique.
Avez-vous eu l'occasion d'écouter ce qui s'est fait ces dernières années en France ?
Je n'ai pas trop eu le temps en dehors de mon boulot. Mais j'ai eu la chance de bosser un peu avec Daft Punk sur ma reprise de leur titre Too Long et la moitié des Daft Punk (Thomas Bangalter) a participé à mon DVD From Major to Minor. J'ai également travaillé avec Philippe Katerine sur son album Human After All. Pour moi, c'est le génie de notre temps, c'est un artiste très complet. Les Daft Punk et Katerine ont changé le visage de la musique pour longtemps, tant en termes conceptuels que d'entertainment (un divertissement, un amusement, ndlr). Ces artistes vont très très loin. Avec Katerine, nous travaillons aussi sur une série télé, réalisée par Céline Sciamma, une satire sur le milieu français de la musique, avec mon regard d'étranger sur le show biz monarchique français.
Votre dernier album manie-t-il le second degré ?
Je ne fais pas de second degré, je fais de l'entertainment. De Mozart à Madonna, les légendes de la musique ont compris qu'être un artiste, c'est faire de l'entertainment, pas d'être des artistes authentiques, ils ont intégré l'aspect superficiel de la musique. Quand je vois un artiste sérieux et sincère, je trouve cela décalé, aberrant.
Si la musique est un amusement, peut-elle être un pouvoir ?
Elle peut être les deux. La musique qui utilise la communication a plus de chances de contrôler les émotions des gens. Être musicien, c'est être en quête du pouvoir : le public paye sa place de concert pour être manipulé, on lui donne l'illusion de créer quelque chose de très personnel, qui le touche intimement. Comme en politique. Mais c'est moins dangereux en musique, car on comprend bien qu'après un concert, on reprend nos vies. Avec les journalistes c'est très très dur : sur disque, ils croient que ma musique est une blague, alors que je suis très premier degré, notamment dans le respect des règles musicales.
Votre album semble très souvent nostalgique...
Oui, je suis nostalgique de la période qui a précédé la démocratisation de la musique. Aujourd'hui, nous sommes dans un monde d'amateurs. La musique me semblait meilleure à l'époque, avec la dictature d'une petite élite, qui était seule à savoir faire de la musique. C'était alors une vraie profession.
Ce disque représente-t-il la musique que vous écoutiez adolescent ?
Ce n'est pas la musique que j'écoutais adolescent, je suis né en 1972. Ici, les influences sont plutôt acoustiques et soft rock des années 1970 (Bee Gees ou Billy Joel) que new wave des années 1980. C'est la musique que j'aimais naïvement, avant d'avoir un vrai goût. J'entendais la musique plus que je ne l'écoutais, sans réelle attente.
Dans la bande-annonce du titre Working Together diffusée sur Internet, vous jouez de tous les instruments. Comme dans l'album ?
En fait non. C'est le seul titre sur lequel j'ai joué de tous les instruments, dont la batterie. J'ai enregistré tout l'album en duo avec un batteur canadien. Ce clip, c'était une petite blague, vu le titre, alors que je suis seul à jouer de tous les instruments. C'est la première fois que j'ai entièrement réalisé l'album avec quelqu'un, en l'occurrence Renaud Letang, qui était dans l'intimité absolue de l'album. Il était à la fois ingénieur du son, responsable du mixage, il faisait le lien avec la maison de disques, gérait le planning, vérifiant que l'on passait le temps nécessaire sur chaque étape. Nous étions donc très complémentaires. Moi, je faisais l'artiste, lui faisait le psychologue, c'est souvent son rôle avec les artistes.
Pourquoi quelqu'un doit-il jouer les psychologues en studio ?
C'est normal, les artistes sont casse-pieds, moi inclus. Nous avons des complexes, nous sommes aveugles, l'artiste ne sait pas ce qui est le mieux pour lui, car il n'a pas de recul. Mais quant à mes complexes, il faudrait demander à Renaud Letang ! (rires)
Ecoutez un extrait de
Gonzales Soft Power (Mercury/Universal) 2008
En concert à l'Européen, à Paris, du 22 au 26 avril.