Chet Nuneta
Avec quatre voix ailées et des percussions légères, le groupe français Chet Nuneta investit avec tact et réinvente finement le vaste monde des chants populaires traditionnels, qu’ils soient de Macédoine, du Cap-Vert, de Mongolie ou de Madagascar. Rencontre.
Les visiteurs d’ailleurs
Avec quatre voix ailées et des percussions légères, le groupe français Chet Nuneta investit avec tact et réinvente finement le vaste monde des chants populaires traditionnels, qu’ils soient de Macédoine, du Cap-Vert, de Mongolie ou de Madagascar. Rencontre.
RFI Musique : Pourquoi ce désir de picorer dans les sons d’ailleurs pour vous construire un répertoire ?
Chet Nuneta : Ce n’est pas parti d’une envie préétablie. Nos parcours, nos rencontres nous ont en fait amenés vers ce choix. Un choix sous-tendu d’abord par le plaisir de la voix, un instrument aux possibilités infinies, qui nous incite à aller glaner dans les chants ethniques, les harmonies parfois un peu étranges pour nos oreilles d’Occidentaux.
Quelle légitimité y a-t-il dans cette démarche?
L’envie de faire voyager. Nous avons beaucoup tourné dans des villages, le milieu associatif, face à des gens qui connaissent très peu, voire ignorent les chants et les musiques du monde. Nous les embarquons ailleurs.
Quel est l’élément déterminant qui fait que vous choisissez telle ou telle chanson ? La technique vocale, le rythme, la mélodie ou le sens des mots ?
Nous avons des coups de foudre pour des chants. Certains n’ont pas une technique vocale particulièrement surprenante, mais ça va être ce qui est inscrit dans la mélodie qui nous attire par exemple, ou bien la langue. Nous nous intéressons, il est vrai, à tout ce qui concerne la recherche vocale, mais ce n’est pas notre première porte d’entrée. En fait, tous les membres du groupe sont passionnés par les musiques du monde. Nos discothèques respectives débordent de tous ces sons là.
Le plaisir premier dans votre parti-pris artistique, c’est d’abord voyager ?
On peut utiliser cela comme métaphore, oui. C’est aller vers un "ailleurs" (le titre de notre album), vers quelque chose qu’on ne connaît pas et qui nous offre un point de départ pour nous exprimer, avec ce que nous sommes ici et maintenant. Un des aspects importants de notre travail, c’est que l’on part de l’imitation, mais on ne reste pas à cette étape. De toute manière, nous ne pourrons jamais chanter un chant africain comme un Africain. On le chante donc à notre façon, essayant de lui apporter ce que nous, nous avons eu envie d’y puiser, le sortant le plus haut possible, avec notre intuition d’Occidental.
Vous ne considérez donc pas être dans un travail de relecture ?
Nous sommes des "revisiteurs". On continue le voyage en quelque sorte. Nous visitons, puis repartons du pays vocal avec un bagage que nous essayons de transmettre au public, aux chanteurs avec qui nous travaillons à travers des stages.
Parmi les chants que vous avez appris, certains sont dans des langues que vous ne connaissez pas ?
La plupart des chants, nous les apprenons phonétiquement. Mais pour que nous, les chanteuses, soyons les plus précises, les plus proches du mot que nous prononçons, nous demandons autant que nous le pouvons des conseils à des passeurs, des gens qui parlent ces langues et nous corrigent. Parfois, c’est assez difficile. Il nous est déjà arrivé d'être empêchées de chanter certains chants. Mais bon, après tout, nous nous sommes dites que nous avions le droit ! C’est n'est pas parce qu’on n’est pas complètement fidèles à la langue que le chant n’existe pas, que notre rapport à lui n’est pas juste.
Vous vous autorisez sans état d’âme le droit d’aller puiser dans des traditions qui ne sont pas les vôtres et de jouer avec?
Cette autorisation, nous avons mis du temps à nous l’accorder. Nous avons un grand respect pour ces traditions et nous ne voulons pas non plus froisser les oreilles des gens qui viennent des pays d’où sont issus les chants que nous interprétons. Instinctivement, nous avions envie de cela mais ça a été assez long de se donner cette liberté, d’affirmer notre démarche. Celle-ci n’est pas une démarche d’ethnomusicologue, de quelqu’un essayant de respecter toutes les règles, mais celle de personnes tout simplement passionnées par un chant et qui ont envie de le chanter en le modifiant, en y introduisant des caractères dont elles ont l’intuition qu'ils vont lui donner une saveur différente. Nous opérons des métissages en quelque sorte. A chaque fois, il faut l’aval des cinq membres du groupe pour que la proposition de l’un de nous soit retenue.
Au delà de l’acte artistique, jouer avec les langues et les chants du monde, est-ce également un acte militant pour une reconnaissance de la diversité culturelle?
C’est sans doute lié. Du fait de notre sensibilité, à la fois politique et artistique, toutes les questions de frontières, de papiers, du droit des gens à se déplacer, nous tiennent énormément à cœur.
Ecoutez un extrait de
Chet Nuneta Ailleurs (Mon Slip/Warner Music) 2008
Chet Nuneta actuellement en tournée en France. Le 11 mai au festival Paroles et Musiques de Saint Etienne.