Musiques métisses 2008
La Charente Toucouleur
Depuis le 7 mai, Angoulême, la cité charentaise, dans le sud-ouest de la France, vit aux rythmes de Musiques métisses. En levée de rideau de cette 33e édition qui se déroule jusqu'au 11 mai se sont produits Karim Ziad, Titi Robin et Louis Winsberg. Trois artistes singuliers qui reflètent bien l’esprit de ce festival défenseur des cultures bigarrées bien avant l’heure.
Il faut dire que ce public intergénérationnel et mélangé savourait particulièrement cette 33e édition, puisque le festival avait repris ses droits sur l’île de Bourgines, site verdoyant au bord de la Charente, après l’échec de 2007 dans le nouveau lieu sans âme du Parc des expositions de la ville. Outre la satisfaction de cette reconquête insulaire, les spectateurs affichaient aussi leur appétit musical. Après une collation sur le pouce dans le village du festival qui sentait bon les cuisines du monde et les plats du terroir, les pèlerins accouraient sous le grand chapiteau et au Mandingue, les deux scènes de concert.
En ouverture de ce cru 2008, mise à part les têtes d’affiche issues du continent africain comme le troubadour sénégalais, Ismaël Lô et Orchestra Baobab, les ambassadeurs de la salsa africaine, trois artistes incarnaient, à leur manière, l’identité de ce rendez-vous pionnier des musiques du monde en France. Karim Ziad, Titi Robin et Louis Winsberg, tous adeptes des métissages musicaux.
Le premier avait la lourde tache d’ouvrir les festivités. Avec son groupe franco-maghrébin Ifrikya, ce batteur-chanteur réputé, d’origine algéroise, a vite réchauffé le public angoumoisin. Maître des polyrythmies, il défend depuis plus de quinze ans, une identité à la croisée du jazz-rock et des pulsions gnaoui. Un style très technique mais aussi très festif accessible à tous. Après un set mené tambour battant de 60 minutes, les esprits chauffés par cette transe hypnotique méritaient une petite pose.
A peine le temps de déguster un thé à la menthe dans une échoppe équitable que l’oreille du festivalier citoyen était déjà caressée par la musique gitano-orientale de Titi Robin. Comme Karim Ziad, le gadjo angevin est un habitué du festival d’Angoulême. Il revenait, cette année, avec le trio de ses débuts, une manière de retourner à l’essentiel. Du oud arabe à la guitare flamenca en passant par le bouzouki grecque, Titi Robin était, tour à tour, soliste ou accompagnateur avec ses deux complices, l’un à l’accordéon, l’autre aux percussions. Un jeu limpide basé sur l’improvisation propice à l’évasion qui nous transportait, comme par magie, dans les ruelles de Cordoue, du Caire ou d’Athènes. Entre temps, la nuit était tombée sur la cité charentaise et les beaux lampions artisanaux fabriqués avec du matériel de récupération éclairaient progressivement Bourgines. Dans les poussettes, le marchand de sables était déjà passé pour les petits, mais les grands en voulaient encore. Sagement debout depuis des heures, le public attendait le changement de scène devant le Mandingue.
Car en clôture, il y avait le troisième larron des sonorités métisses : Louis Winsberg. Défenseur des mariages improbables, ce guitariste présentait en avant première son nouveau spectacle intitulé Marseille, Marseille. En référence à la citée phocéenne qui l’a vu naître, cette création mettait en avant la soif d’exploration de ce musicien. Marqué par le jazz, nourri par les rythmes andalous, Louis Winsberg ajoutait d’autres conquêtes musicales à son palmarès. Comme celles du monde arabe avec Mona, sublime chanteuse et joueuse de oud électrique. Bref, une œuvre très originale marquée aussi par la présence d’un remarquable danseur de flamenco Manuel Gutierrez.
Décidemment, Musiques Métisses offre toujours son lot de bonnes surprises. Et ce n’est pas un hasard si la SACEM (la société française des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique) a donné cette année Carte Blanche à ces trois artistes. Une opération qui permet à Karim Ziad, Titi Robin et Louis Winsberg de bénéficier d’un programme d’aide à l’accompagnement de carrière. Un appui non négligeable en ces périodes de disettes pour le spectacle vivant…
Daniel Lieuze