Sefyu, le cocktail Molotov du rap français

Il a 27 ans, vient d’Aulnay-Sous-Bois, en banlieue parisienne et sort son second album, Suis-je le gardien de mon frère ? Youssef, alias Sefyu, est un prototype parfait de la nouvelle génération du rap français, un artiste qui concilie le fond et la forme sans jamais diluer sa musique dans la facilité. Derrière le style musical brutal et l’argot parfois difficile à déchiffrer pour les non-initiés, on trouve sur des morceaux comme PlusMon public ou Le Journal des textes brillants et une réflexion originale sur l’immigration, la jeunesse française des quartiers et la communication intergénérationnelle. Rencontre avec un rappeur qui assume sa double casquette : artiste urbain et animateur social.

Suis-je le gardien de mon frère ?

Il a 27 ans, vient d’Aulnay-Sous-Bois, en banlieue parisienne et sort son second album, Suis-je le gardien de mon frère ? Youssef, alias Sefyu, est un prototype parfait de la nouvelle génération du rap français, un artiste qui concilie le fond et la forme sans jamais diluer sa musique dans la facilité. Derrière le style musical brutal et l’argot parfois difficile à déchiffrer pour les non-initiés, on trouve sur des morceaux comme PlusMon public ou Le Journal des textes brillants et une réflexion originale sur l’immigration, la jeunesse française des quartiers et la communication intergénérationnelle. Rencontre avec un rappeur qui assume sa double casquette : artiste urbain et animateur social.

RFI Musique : Pourquoi ce titre d’album biblique, Suis-je le gardien de mon frère ?
Sefyu
: Parce que je me suis rendu compte durant ma tournée que les gens écoutaient beaucoup mes textes et que j’avais une responsabilité vis-à-vis de ceux qui nous écoutent. J’estime qu’en tant que leader d’opinion, on a une voix qui peut influencer ceux qui nous écoutent. Et c’est aussi lié au film culte New Jack City, où le petit frère du héros Nino Brown lui dit "Suis-je le gardien de mon frère ?" au moment où son grand frère veut l’exécuter parce qu’il prend trop de pouvoir.

Molotov 4 est un morceau qui frappe dès la première écoute…
Si j’ai essayé de mettre autant d’intensité, de flow et de forme dans ce morceau-là, c’est par pur instinct, par intuition. J’ai écouté l’instru, je voulais faire un morceau assez innovant, jouer avec ces cris qui rythment le beat et assimiler un flow à côté. J’ai suivi la musique, je suis entré dans le son. Parfois, il y a des choses qu’on n’arrive pas à expliquer parce que la musique, c’est un ressenti. Il y a des choses fortes qui nous tombent dessus et qu’on ne peut pas expliquer. C’est produit par Purple Haze, des Lyonnais que j’ai rencontrés sur Paris. J’ai écouté leur son, j’ai apprécié, j’ai suivi le gimmick, les "hey" qui viennent à chaque mesure. Je voulais faire un morceau innovateur et original. Je pense que le résultat n'est pas mal.

On retrouve JoeyStarr en featuring sur Seine Saint-Denis style nouvelle série
On s’est retrouvé parce qu’il m’avait appelé pour sa première partie à l’Olympia de Paris, ça s’était très bien passé. Il y avait un bon feeling. Puis il m’a invité pour la réédition de son album, tout s’est enchaîné, je l’ai invité sur scène avec moi au Bataclan, toujours à Paris et l’histoire perdure sur mon nouvel album. C’est un précurseur du rap français, il a vraiment œuvré pour que cette musique soit à ce niveau-là. C’était important pour moi qu’il soit sur l’album et sur le morceau Seine Saint-Denis style nouvelle série, c’est un titre qui rappelle une certaine nostalgie et qui symbolise toute une génération. J’ai voulu en faire la rencontre entre l’ancienne et la nouvelle génération du 93 (Seine-Saint-Denis) et du hip hop français, pour savoir d’où on vient. Je ne suis vraiment pas déçu.

Vous avez une double casquette de rappeur et d’éducateur…
Je suis éducateur, rappeur, citoyen français, artiste. J’ai même été musicien à une certaine époque, je jouais de la batterie. Lorsqu’on parle pour les gens, forcément on est représentatif d’un certain nombre de personnes. Quand on est animateur, on est responsable d’un certain nombre d’individus, donc ça va un peu dans le même sens. J’ai voulu revendiquer au nom de ceux qui ne peuvent pas le faire, parler au nom de ceux qui ne le pouvaient pas et c’est pour ça que pour moi, c’est une suite logique. J’ai toujours aimé être proche des gens, de ceux qui n’ont rien, qui sont en galère. Educateur, c’est plus qu’un métier. C’est naturel, tout simplement.

Vous revendiquez un certain anonymat, ça peut sembler paradoxal pour un rappeur ?
Cette absence de visage est dû au fait qu’à une certaine époque, lorsque j’essayais de sortir un CD, j’ai été confronté à une presse qui refoulait les artistes pas connus, donc j’ai fait le choix de ne pas paraître, de laisser parler la musique avant l’image. J’estime qu’on est dans un domaine auditif, même si aujourd’hui l’image fait partie de la musique parce qu’on est dans un domaine qui est devenu capitaliste. L’argent appelle l’argent et la musique est tout de suite assimilée à l’image. Pour faire de la bonne musique, on n’est pas obligé de se montrer partout. C’est aussi pour montrer aux groupes et aux artistes qui ne viennent pas de Paris et qui ont tendance à dire qu’en province, c’est difficile, que même si on vient de Lyon, Grenoble ou je ne sais où, on peut arriver à sortir un disque puisque moi on ne savait pas d’où je venais et on ne me voyait pas. On peut avoir une certaine force sans nécessairement paraître. La musique est plus forte que l’image.

 Ecoutez un extrait de

Sefyu Suis-je le gardien de mon frère ? (Because Music) 2008