Yves Duteil, artisan-chanteur

On ne l’attendait plus… Après sept ans d’absence, l’auteur multiplatiné du Petit pont de bois et de La Tarentelle revient avec un nouvel album de chansons intimes et ouvragées, intitulé (fr)agiles. Entre hommages à ses pairs et défense des causes qui lui sont chères – l’enfance, la condition de la femme –, Yves Duteil s’y montre tel qu’en lui-même : en artisan tranquille de la chanson française, humble et incorrigiblement optimiste.

(fr)agiles, treizième album studio

On ne l’attendait plus… Après sept ans d’absence, l’auteur multiplatiné du Petit pont de bois et de La Tarentelle revient avec un nouvel album de chansons intimes et ouvragées, intitulé (fr)agiles. Entre hommages à ses pairs et défense des causes qui lui sont chères – l’enfance, la condition de la femme –, Yves Duteil s’y montre tel qu’en lui-même : en artisan tranquille de la chanson française, humble et incorrigiblement optimiste.

Malgré plus de trente ans de carrière, et presque autant de récompenses et de Disques d’or, Yves Duteil n’a pas conçu ce nouveau disque avec facilité. "Il aurait dû sortir plus tôt, mais je n’arrivais pas à m’y remettre, reconnaît-il. Je venais de traverser de gros problèmes personnels, des épreuves professionnelles aussi, puisque ma maison de disques a été placée en redressement judiciaire. A cela, vient s’ajouter la conjoncture défavorable du marché du disque…"

Le déclic vient de sa femme Noëlle, et d’une gestion plus personnelle de la promotion : "L’une de nos premières idées fut de remplacer notre site web officiel par un blog, et de profiter de ce qu’Internet nous offre de meilleur : entretenir un lien avec le public de façon artisanale, directe." Côté écriture, le constat est similaire : plus de deux ans ont été nécessaires. "La machine s’est mise en route lentement. Marqué par les épreuves, il m’a fallu rouvrir les portes. Jamais d’ailleurs, je n’ai autant retouché les chansons."

L'écriture en toute sérénité

A l’écoute de (fr)agiles, rien ne transparaît pourtant de cette gestation laborieuse. Les chansons sont fluides, légères : nul besoin d’y chercher quelconque écorchure. "J’ai beaucoup écrit en Corse, au milieu de la nature, explique le chanteur, résidant de l’Ile de Beauté. C’est là que je puise mon inspiration, dans des moments de calme, de recueillement. Je ne fais pas partie de ces gens pour qui les chants les plus beaux sont les plus désespérés."

C’est un fait : Yves Duteil, le convivial, goûte peu les tourments du chanteur solitaire. La plupart des chansons sont donc le fruit de collaborations avec notamment, le Toulousain Art Mengo sur deux titres du disque. "Nous aimons depuis longtemps son univers musical. Il est venu avec les thèmes et les harmonies, j’y ai apporté mes paroles, le reste a consisté à habiller ensemble les chansons de manière presque expérimentale, en rajoutant du vibraphone et d’autres instruments atypiques."

La note bleue, ballade aux ambiances jazz particulièrement réussie, est l’un de ces morceaux écrits à quatre mains, en hommage au regretté Claude Nougaro : "Je ne l’ai pas beaucoup connu, explique-t-il. Mais un manuscrit offert récemment m’a fait plonger dans son processus d’écriture, passionnant, et sa grande diversité d’inspiration." Dans un style musicalement assez éloigné de l'univers d'Yves Duteil, l’alliance avec l’amie de longue date Véronique Sanson donne lieu à une belle passe d’arme entre la pianiste virtuose et le chanteur (Sur le clavier du grand piano). 

Une candeur assumée

Chaque chanson dépeint ainsi une personnalité proche, familière : sa femme, Noëlle (Si j’entrais dans ton cœur), son petit-fils (Si j’étais ton chemin) ou son ancienne institutrice (la nostalgique Madame Sévilla). Le fil conducteur se fait plus précis avec Les enfants du Tamil Nadu, véritable condensé du style Yves Duteil et de ses thèmes fétiches : "C’est le récit de mes neveux, des enfants indiens victimes du tsunami et adoptés par un membre de notre famille, très impliquée dans l’action humanitaire après la catastrophe." Le message et la symbolique évidente (l’enfance comme fragilité et espérance) n’excluent pas les bons sentiments et une certaine candeur, si souvent décriées au cours de sa carrière.

Cette touche idéaliste, l’artiste l’assume pleinement, loin des railleries : "Je porte un message de douceur, en contrepoint à la violence et au cynisme ambiant. Ce n’est absolument pas frelaté. C’est ce à quoi j’aspire pour les miens et pour les autres." Il se défend en revanche d’être un naïf béat : "Je n’exclue pas la souffrance dans mes chansons. Pauline est une chanson sur les femmes battues, Amours fanées traite des ruptures... J’ai eu moi-même mon lot de batailles pour trouver des financements et sortir ce disque."

Et Yves Duteil l’éternel artisan de nous rappeler cette simple vérité : "Pour donner cette impression de sagesse et d’amour, il faut beaucoup d’efforts et de difficultés. Comme un patineur qui souffre tous les jours pour donner sur la glace cette impression de grâce, de fluidité."

 Ecoutez un extrait de

Yves Duteil (fr)agiles (Editions de l’Ecritoire) 2008
En tournée en France et en Belgique