La nouvelle voie de Rokia Traore
Avant-tour et avant-goût
C’est un vrai changement de cap musical que Rokia Traore vient d’effectuer en prenant l’option d’une nouvelle orchestration plus portée sur l’afro-groove. Lors d’une mini-tournée, la chanteuse malienne vient de dévoiler une partie des titres de son prochain album qu’elle s’apprête à enregistrer.
Ce 20 mars au soir, le concert qu’ils donneront s’apparente à ces séances d’essais que font les voitures de courses à chaque début de saison.
Organisée avec une grande discrétion dans une huitaine de villes françaises, cette mini-tournée répond à une envie tout à fait nouvelle de la chanteuse malienne. Pour donner une suite à Bowmboï, son troisième album sorti en 2003 récompensé par un Disque d’or, elle a voulu rompre avec les habitudes. "Ça ne m’intéressait pas de m’installer dans quelque chose d’acquis et de tourner en rond" explique la lauréate du prix Découvertes de RFI en 1998, devenue depuis l’une des chanteuses africaines les plus applaudies. "Faire différemment", "changer"… Ces mots reviennent fréquemment dans son discours. A juste titre, car l’innovation porte autant sur la forme que sur le fond.
Jusqu’à présent, elle avait toujours enregistré ses chansons en studio avant d’aller les présenter au public. Cette fois, elle inverse les étapes : à peine mis au monde, ses nouveaux titres sont confrontés à l’épreuve du live. Pendant dix jours intenses, elle les a répétés avec son groupe, lui-aussi remanié afin de pouvoir servir au mieux les dernières compositions de Rokia.
Découvrant une autre facette de sa personnalité artistique, elle a pensé ses chansons avec une orchestration différente. Exit le balafon qui occupait un rôle majeur dans sa musique. Le ngoni, instrument à cordes traditionnel du Mali, n’a pas été sacrifié, mais il n’en reste qu’un seul. Place à la batterie que la chanteuse voulait "chantante, pas seulement rythmique". Elle a trouvé ce qu’elle cherchait dans le jeu de Chander Dath, l’un des nouveaux membres de sa formation avec le guitariste expérimenté Adama Kone avec lequel Rokia avait travaillé dans sa jeunesse.
Enthousiasmé par son projet, elle ne cache pas son plaisir de se produire dans des salles aux dimensions plus humaines qu’elle n’a plus fréquentées depuis ses débuts. Devant un public venu nombreux à Orléans, comme ce fut le cas à chaque étape de cet avant-tour, Rokia démarre son show par un a capella. Mais lorsque le reste de groupe la rejoint, c’en est fini des ambiances feutrées, acoustiques. Rokia Traore lâche les chevaux, et le couple basse-batterie assure le train. Energique. "Peut-être que je vais aimer ce son-là, très franc, très sincère, sans artifice, et que je vais vouloir faire un disque à cette image-là", s’interroge-t-elle. L’idée est plus que séduisante. Pour le savoir, il ne reste que quelques mois à attendre.
Bertrand Lavaine