La Phaze fuse
Exit les machines, fini les scratches. Avec son troisième album Miracle, le groupe angevin La Phaze affirme un tournant franchement rock. Le trio ne rentre pas pour autant dans le rang. Si le discours s’est un peu affiné, le propos, appuyé par Keny Arkana ou Gogol Bordello, reste toujours aussi radical. Hallelujah !
Guitares en avant
Exit les machines, fini les scratches. Avec son troisième album Miracle, le groupe angevin La Phaze affirme un tournant franchement rock. Le trio ne rentre pas pour autant dans le rang. Si le discours s’est un peu affiné, le propos, appuyé par Keny Arkana ou Gogol Bordello, reste toujours aussi radical. Hallelujah !
Douze titres, 38 minutes, pas une seconde de répit. Arnaud, guitariste, parle d’un album frontal : "Comme ce qu’on dégage sur scène. C’est concis, efficace, on va à l’essentiel." Damny (chant, clavier) préfère lui la boutade : "Comme avec la parité, les femmes n’ont plus le temps d’écouter des disques, on a préféré faire un album court qu’elles puissent écouter d’une traite dans le métro. C’est notre disque féminin !"
Il s’agit surtout de l’enregistrement le moins électronique du combo fondateur du pungle, mélange de punk et de jungle. Une évolution née d’une pratique intensive des concerts, selon Damny : "On avait vraiment besoin de liberté par rapport aux machines. L’idée a germé au fil du temps et on a eu une expérience avec l’ancien batteur d’Asian Dub Foundation sur le précédent album [Fin de cycle, ndlr]. Ça a été une révélation." Il y a deux ans, La Phaze décide donc d’intégrer un batteur, un humain avec de vrais bras, en la personne de Rouseman, ex-Superbus. Ce retour aux guitares a aussi fait une victime : "A mesure que nos racines rock remontaient au galop, la place pour le scratch devenait minime, avoue Arnaud. DJ Nevrax est lui issu de la culture électro et dub. Il ne s’y retrouvait plus vraiment artistiquement. On a donc mis fin à notre collaboration."
La cour des miracles
Toujours trio, même remanié, La Phaze ne se renie pas pour autant. Si les sub-basses se font discrètes, les brûlots ne reculent pas. Le chant des bombes ou Devil Game envoie du gros son comme au bon vieux temps. Les influences électro et ragga ne demandent qu’à ressurgir au détour d’un Little Face et d’un Roof on Fire. Avec A table, le groupe livre aussi certainement son titre le plus violent. Moins dans le tempo que dans le son et le propos : "Je trouvais rigolote l’idée d’un grand repas avec tous les mal rasés, les mal fagotés, tous ces gens un peu marginaux au regard de la politique droitisante actuelle, explique Damny. C’est la cour des miracles. Il y a aussi un côté bacchanales avec la musique lugubre, le côté martiale de la batterie et l’impression de horde au moment du refrain. Mais il y a quand même aussi beaucoup d’humour là-dedans."
Sur Miracle, La Phaze varie les atmosphères comme jamais, notamment avec le singulier La langue, titre cher à Damny : "C’est un morceau où on est à nu. Je n’ai plus besoin de pousser la voix pour couvrir le mur de guitare. Si tu dis brutalement "je t’aime" à une femme, elle va s’enfuir. Là, j’avais envie de susurrer à l’oreille de quelqu’un. Et puis, c’était lié à un moment précis de notre vie où on était fatigué de plein de choses. On a d’ailleurs enregistré ce chant dans ma chambre, là où il y avait une atmosphère plus intime."
Résolument engagé, La Phaze tombait souvent par le passé dans un discours très manichéen. Le propos s’est aujourd’hui affiné, moins "gros sabots" comme le reconnaît le chanteur. La preuve avec La Cause, en duo avec la rappeuse agitée Keny Arkana, un des meilleurs titres de Miracle. Une réunion évidente, aussi puissante sur la forme que le fond : "On s’interroge sur le rôle de l’artiste aujourd’hui, explique Damny. Est-ce que c’est de manger à tous les râteliers pour survivre parce qu’on a peur de la récession du marché du disque ou est-ce que c’est au contraire de représenter humblement les minorités qui n’ont pas la possibilité de s’exprimer ? J’aime bien l’idée du haut-parleur scénique. Nous, ce qui nous a gonflé, c’est tout le cirque au moment des élections, avec ces gens qui choisissaient leur camp en se disant qu’il y a avait un intérêt à en tirer en cas de victoire. Nous, comme Keny, on n'en a rien à faire, on fait de la musique comme instinct de survie."
L’Europe en ligne de mire
Au rayon des agités notoires, La Phaze a également invité Eugène, chanteur de Gogol Bordello. Les deux groupes ont partagé l’affiche du No Bullshit Tour, tournée européenne marathon à l’automne 2007 : 30 dates, 16 pays, 15000 kilomètres. Une véritable aubaine pour Arnaud : "C’est une espèce de rêve dans une vie de musicien de prendre la route pour un mois et demi. Ça a aussi un côté "ça passe ou ça casse". Quand tu es à quatre fortes têtes dans un mini van, tu t’embarques sur un truc de vie communautaire auquel tu n’es pas habitué. Tu ne te retrouves jamais seul. Comme tout s’est bien passé, on en ressort grandi. De manière plus cartésienne, si on considère le développement européen de La Phaze, en un mois et demi on a gagné trois ou quatre ans de travail." On peut effectivement parler de miracle pour un groupe français de rock, ce troisième album sort simultanément dans douze pays.
Ecoutez un extrait de
La Phaze Miracle (Because) 2008
En concert à Paris à la Boule Noire le 26 mai 2008