Les rythmes du monde de Mawazine 2008
A Rabat, capitale politique et administrative du Maroc, entre les 16 et 24 mai, la 7e édition du festival Mawâzine a répandu ses ondes musicales éclectiques à travers toute la ville et a ravi la population.
Carrefour de musiques
A Rabat, capitale politique et administrative du Maroc, entre les 16 et 24 mai, la 7e édition du festival Mawâzine a répandu ses ondes musicales éclectiques à travers toute la ville et a ravi la population.
Rabat, deuxième ville du pays, ses vestiges magnifiques, ses larges avenues bordées de palmiers, son contingent de femmes policières (le premier déployé dans le pays, depuis 1998), sa rue Patrice Lumumba, à deux pas du Théâtre Mohammed V, ses manifestations de jeunes diplômés au chômage sur l’avenue du même nom, le bleu violet des jacarandas en fleurs, l’abondance des échoppes de CDs et DVDs pirates dans la médina… Un observateur en ballade n’hésitera pas à rajouter parmi ses notes de voyage le festival Mawâzine établi dans la quatrième ville impériale du Maroc (après Marrakech, Fès et Meknès), courant mai. En arrivant de l’aéroport, il aura repéré des affiches qui parlent d’abondance : 9 jours, 9 scènes, 100 concerts, 40 pays… Ambitieux pour le moins, le festival Mawâzine, sous-titré rythmes du monde, ne fait pas dans la demi-mesure et emporte la palme du plus important festival au Maroc, voire en Afrique, dédié aux musiques du monde, raflant le titre à son voisin du sud, le festival Timitar, à Agadir (5e édition, du 1er au 6 juillet). Le président de Mawâzine, Mounir El Majidi, est le secrétaire particulier du roi. Indiscutablement, c’est un élément qui a motivé les sponsors (les festivals au Maroc sont surtout soutenus par des sponsors privés). Résultat, "un budget d’environ 2M5 euros, doublé par rapport à l’an dernier, dont 40% réservés à l’artistique", déclare Aziz Daki, directeur artistique de Mawâzine. « Mounir El Majidi voulait un festival ambitieux, l’objectif étant le rayonnement de Rabat et même du Maroc tout entier. » Un rayonnement visé également à travers l’organisation pendant le festival d’un colloque international sur la diversité culturelle, impliquant de nombreux intervenants. Le lendemain du concert d’ouverture avec George Benson (l’une des propositions incongrues avec Withney Houston, qui brouillent l’image d’une manifestation se voulant une vitrine des musiques du monde), les chiffres de fréquentation montrent que le pari est déjà gagné localement, quant à l’impact sur la population. 40.000 personnes au stade de Hay Nahda, au cœur de l’un des quartiers les plus populaires de Rabat, pour la chanteuse syrienne Assala Nasri, 30.000 sur une autre scène encore pour Ziggy Marley, 18.000 ailleurs pour Goran Bregovic, 7000 pour les Nigérians Wumni et Tony Allen. Des grandes scènes en accès libre, mais avec pour deux d’entre elles des espaces réservés payants.
Le revival seventies marocain
Au programme de cette édition, les organisateurs ont inscrit une création, « Les voix des années 70 », rassemblant sur une même scène Nass el Ghiwane, Jil Jilala, Lamchaheb et Tagada, des groupes symboles pour la population marocaine, qui ont révolutionné le paysage musical des années 70. Il faut voir la ferveur du public, les yeux brillants de plaisir, hommes, femmes, enfants et petits enfants réunis, quand Nass El Ghiwane est en scène au stade de Hay Nahda, la veille de cette création! Occupant la première place dans le cœur des Marocains, parmi les groupes fondateurs de la musique moderne populaire du Maroc dans les années 1970, Nass el Ghiwane reste un groupe culte ici. Y compris parmi la jeunesse. Certains de ceux qui sont là n’étaient pas nés quand la formation a surgi au Maroc. « Nous les admirons et les avons même cité dans un de nos titres « , déclare l’un des membres d’H-Kayne, groupe phare du hip-hop marocain, qui va électriser le public massé devant la scène Qamra, où se produira ensuite l’Orchestre National de Barbès. "Il y a chez Nass el Ghiwane la passion des racines. Ils n’inventent rien. Ils écoutent la terre de leur quartier, de leur ville et nous transmettent ses rêves, ses illusions et aussi son amertume" dit à leur propos l’écrivain marocain Tahar Ben Jelloun. Avec des instruments traditionnels (bendir, taârija – percussion - , guembri - la basse emblématique des Gnaoua -, s’nitra - banjo sans frettes -), le groupe réalise la synthèse idéale entre les racines arabes, berbères et noires du Maroc. Il y greffe une poésie en arabe dialectal émaillée de proverbes, de dictons populaires mais aussi porteuse de colère suggérée à travers des métaphores facilement décryptables. Omar Sayed, l’un des fondateurs du groupe, calme et affable, quelques heures avant leur concert, fait mine de s’étonner de ce engouement qui ne retombe pas pour Nass el Ghiwane. "Nous ne savons pas réellement où l’on a commencé ni où l’on va finir" , dit-il. "Nous sommes comme une rivière tirant parfois sa source de la pluie, nous sommes comme une rivière qui ne conduit nulle part".